Après un an de manifestations, Modi décide d’abroger des lois de sa réforme agricole

C’est la première fois que le Premier ministre indien Narendra Modi cède lors d’un conflit social : après un an de manifestations massives des agriculteurs, l’Inde a décidé d’abroger trois lois de sa réforme agricole. L’agriculture est un secteur vital pour le pays puisqu’il assure la subsistance de près de 70 % des habitants.

Ce vendredi 19 novembre, Narendra Modi a déclaré : « Nous allons entamer le processus constitutionnel d’abrogation de ces trois lois lors de la session parlementaire qui débute à la fin du mois. J’appelle tous les agriculteurs participant aux manifestations à rentrer chez eux, à retrouver leurs proches, leur ferme et leur famille, en ce jour propice de Guru Purab » (date anniversaire de la naissance de Guru Nanak, fondateur du sikhisme).

Les réformes agricoles avaient été votées en septembre 2020, autorisant les agriculteurs à vendre leurs productions aux acheteurs de leur choix, plutôt que de se tourner exclusivement vers les marchés contrôlés par l’Etat. Les paysans s’opposent depuis un an à cette libéralisation pure et dure de l’agriculture, lors d’importantes manifestations, réprimées avec force par le pouvoir, entre violences, arrestations, censure sur Twitter et coupures d’eau et d’électricité.

La mobilisation n’a pas faibli, et Modi a cédé.

Jean-Luc Mélenchon avait publié une note à ce sujet que nous partageons ici :

Une révolution citoyenne en Inde

Partout à travers le monde se déclenchent des mouvements sociaux éruptifs. Ceux-ci arrivent par vagues, ou grappes, et s’enflamment comme au fil d’une trainée de poudre. On a pu suivre dernièrement l’une de ces vagues, de Hong Kong jusqu’au Chili en passant par le Liban. Ces moments de jaillissement populaire signifient ensemble quelque chose qui dépasse chaque exemple pris individuellement. Les étudier est une de nos tâches. En effet, nous travaillons à étoffer chaque jour davantage « la théorie de l’Ère du peuple et de la Révolution citoyenne ». J’ai proposé des décryptages de nombre d’entre elles. On voit ainsi des caractéristiques communes les traverser.

Ce qui se passe en Inde mérite toute notre attention. En effet, cela concerne un secteur que nous n’avions pas encore eu l’occasion d’examiner de près dans une dynamique de révolution citoyenne. Ici est en cause l’agriculture et la condition paysanne. Au fur et à mesure que les exemples surgissent, il faut aussitôt les étudier en détail pour les confronter à la théorie. L’exemple indien est un nouveau cas d’étude. Avant toute chose, il faut commencer par rappeler notre définition du « peuple ». Celui-ci rassemble tous ceux qui doivent accéder aux réseaux collectifs pour pouvoir vivre. Ce sont l’eau, l’électricité, les transports pour les plus évidents. C’est aussi le logement ou la santé. Ceux-ci sont vitaux. Toute entrave à leur accès peut constituer un élément déclencheur. Nous l’appelons « fortuit ».

Au point de départ, ceux-ci sont bien sûr variables. La dégradation des conditions d’accès à ces réseaux peut être économique : une hausse de tarif, un éloignement ou une détérioration du service lui-même. Elle peut aussi être écologique : on l’a vu récemment à travers l’exemple de la marée noire à l’Île Maurice. À chaque fois donc, une forme de dégradation fondamentale des conditions matérielles d’existence constitue l’étincelle. Les formes de dégradations peuvent également se superposer jusqu’à rendre la vie impossible. Pour des milliers de gens, la déflagration économique et sociale qui résulte de la pandémie de Covid-19 chauffe à blanc un fond de l’air déjà suffocant.

Au commencement se trouve donc une préoccupation commune : le refus de décisions cruciales prises sans recours possible alors que les gens ont la conviction qu’il s’agit d’une question vitale pour eux. La situation indienne n’est pas différente. Depuis un an, les travailleurs, étudiants et d’autres parties de la population se mobilisent contre les réformes antisociales et antisyndicales du gouvernement. La pandémie de Covid-19 a dégradé les conditions de vie de 1,3 milliard d’Indiens.

Que fait leur gouvernement ? Il a décidé de suspendre le Code du travail et les législations environnementales au nom de la relance de l’économie. Une grève générale a eu lieu le 8 décembre 2020 à l’appel des organisations syndicales. Elle a rassemblé 250 millions de travailleurs. Soit 20% de la population. Dans ce contexte social bouillant, le gouvernement indien a jeté de l’huile sur le feu. En effet, en septembre 2020, il a adopté des lois de libéralisation de l’agriculture et de dérégulation des tarifs agricoles. Ces lois visent à faire disparaître les marchés réglementés et donc les garanties qu’ils apportent sur les cours des productions donc sur la rémunération des paysans.

Pour comprendre l’importance de l’enjeu autour de cette réforme, il faut d’abord mesurer à quel point l’agriculture indienne est un réseau majeur. L’Inde est la quatrième puissance agricole mondiale. 60% de sa surface est cultivable, soit une surface équivalente à la taille de l’Europe. Par ailleurs, la moitié de la population est composée d’agriculteurs. Environ 70% de la population dépend de manière directe ou indirecte de ce secteur. Le bon fonctionnement de celui-ci est donc vital. Or, ce réseau est déjà en difficulté. En effet, la révolution industrielle du secteur l’a complètement sinistrée. L’eau et les sols sont pollués, la terre sans vie, les agriculteurs endettés.

Les conséquences du réchauffement climatique n’arrangent rien. L’Inde fait face à une véritable crise de l’eau, entre raréfaction de la ressource et vagues de chaleurs extrêmes. Le fonctionnement dégradé du réseau se mesure à l’aune du nombre de gestes désespérés que commettent ceux qui en dépendent. En 2019, plus de 10 000 agriculteurs indiens se sont suicidés. Au total, ce sont près de 300 000 depuis les années 1990.

Aujourd’hui, les paysans peuvent vendre une vingtaine de produits de base à des prix minimum garantis par l’État. Certes le système actuel pourrait être amélioré. Mais au lieu de cela, le gouvernement indien veut tout détricoter. Demain, avec ces lois de libéralisation, les paysans pourront vendre ce qu’ils veulent à qui ils veulent. Les grandes compagnies auront aussi le droit de stocker les céréales sans limites. Cela favorisera la spéculation et une montagne russe permanente des prix. Les paysans indiens le savent. L’amélioration des conditions de vie des paysans par une concurrence accrue est une illusion libérale planétaire. Au contraire, et à juste raison, les paysans indiens dénoncent une réforme à l’avantage des grands groupes de l’agro-alimentaire qui tireront les prix vers le bas. 86% des paysans indiens sont des touts petits propriétaires qui possèdent moins de 2 hectares. Ils risquent de ne pas faire le poids dans ce rapport de force.

Ces lois de libéralisation constituent ici l’élément déclencheur. En effet, la question agricole et alimentaire se situe au point de départ de notre société. Le plus vital est de se procurer à manger. Lorsque ceux qui produisent notre nourriture ne peuvent plus se nourrir eux-mêmes et que ce fait concerne 70% de la population, le potentiel de déflagration est puissant. Le cours des évènements l’illustre parfaitement. La ministre de la Transformation alimentaire a démissionné dès la fin du mois de septembre. Des centaines d’agriculteurs ont entamé le siège de la capitale New Delhi en décembre. Les premiers agriculteurs à manifester ont été ceux des États les plus concernés par les conséquences de l’agro-industrie (Pendjab et Haryana). Depuis, le mouvement a grossi jusqu’à rassembler plusieurs dizaines de milliers d’agriculteurs et 250 organisations paysannes.

Le 11 janvier, la Cour suprême indienne a suspendu ces lois. Mais rien n’arrête plus la vague. Cette demi-mesure ne peut plus suffire. La survie des agriculteurs indiens dépend d’une mesure radicale. La revendication des manifestants est donc claire : l’abrogation de la réforme.

On repère beaucoup de femmes engagées dans le mouvement en cours. Dans l’Histoire, elles sont un marqueur de détermination de tout mouvement révolutionnaire. Le 26 janvier, jour de la fête nationale, des milliers de paysans ont forcé les barrages de police et ont envahi la capitale. D’autres défilés de plusieurs dizaines de milliers de tracteurs ont lieu dans le sud du pays.

Les analyses faites à partir du récit de cet évènement et des vidéos circulant sur les réseaux sociaux permettent aussi d’étayer la théorie générale. On retrouve là encore des caractéristiques similaires. Celles-ci se déploient dans différentes phases qui s’entremêlent. Dans la phase instituante, les individus se donnent à voir par des signes distinctifs. Les drapeaux nationaux présents dans toutes les révolutions citoyennes, y compris en Inde, résument à eux seuls l’enjeu d’unicité de la multitude au service d’une revendication commune.

Après cette phase instituant le peuple comme acteur politique, vient la phase destituante. C’est le moment où les gens réclament le départ de l’ensemble de l’oligarchie aux commandes. Les Tunisiens ont résumé l’enjeu par un slogan simple : « Dégage ! ». Slogan complété plus tard par les Libanais : « tous, c’est tous ! ». N’est-ce pas le signal envoyé par les paysans indiens ? La symbolique des lieux parle elle aussi. Les paysans ont envahi le Fort Rouge. C’est là que tous les 15 août, jour de l’Indépendance en Inde, le Premier ministre indien s’adresse à la nation. Pour finir, la phase constituante est l’aboutissement d’une telle phase de turbulences. Elle se traduit par la volonté de redéfinition par le peuple des conditions d’exercice de sa propre souveraineté. Autrement dit, par le changement de fond en comble des règles du jeu. Si les syndicats ouvriers s’associent aux paysans indiens dans le processus décrit ici, le pire est à craindre pour le pouvoir indien.

Lire la note de blog de Jean-Luc Mélenchon sur le site de L’Ere du Peuple.

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« Dans la nuit d'avril où Emmanuel Macron remporte sa réélection, tout le monde remarque l'atmosphère étrange et feutrée qui semble l'entourer. » Hugh Schofield exprime l’échec que constitue ces élections pour le pouvoir en place dans cet article publié par la BBC sous le titre « Emmanuel Macron, un dirigeant coupé net dans sa lancée et très affaibli ».
« Le gouvernement français, centriste, tente désespérément d'éviter la paralysie politique après avoir perdu sa majorité à l'Assemblée nationale. » Ce constat, c’est celui de Paul Kirby au lendemain des résultats du deuxième tour des législatives. Écrivant pour la BBC, il estime que c’est l’incertitude qui domine les résultats. L’article a été publié sous le titre original « Élections en France : incertitude politique suite à l’effondrement du parti de Macron ».
Les autorités britannique ont décidé d'accepter la demande d'extradition émise par les États-Unis et visant Julian Assange. Une décision qui ne surprend pas, le Royaume-Uni ne souhaitant pas affecter ses bonnes relations outre-Atlantique.
« Macron est resté concentré sur l'extrême droite pendant une bonne partie de son mandat. Il a, à chaque occasion, cherché à en neutraliser la menace. D’un côté il a priorisé certains des thèmes de prédilection de l’extrême droite. De l’autre, il s’est présenté comme le seul rempart possible contre elle. » Cole Strangler offre ici son analyse sur le second tour des législatives françaises qui aura lieu ce dimanche. Son article a été publié dans le New York Times, nous vous en proposons la traduction.

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Marina Mesure

Syndicalisme international

Marina Mesure is a specialist of social issues. She has worked for several years with organizations defending workers’ rights such as the European Federation of Building and Wood Workers.

She has campaigned against child labor with the International Labor Organization, against social dumping and the criminalization of unionism. As a famous figure in the international trade union world, she considers that the principle of “equal work, equal pay « remain revolutionary: between women and men, between posted and domestic workers, between foreigners and nationals ».

Marina Mesure, especialista en asuntos sociales, ha trabajado durante varios años con organizaciones de derechos de los trabajadores como la Federación Europea de Trabajadores de la Construcción y la Madera.

Llevo varias campañas contra el trabajo infantil con la Organización Internacional del Trabajo, contra el dumping social, y la criminalización del sindicalismo. Es una figura reconocida en el mundo sindical internacional. Considera que el principio de « igual trabajo, igual salario » sigue siendo revolucionario: entre mujeres y hombres, entre trabajadores desplazados y domésticos, entre extranjeros y nacionales « .

Spécialiste des questions sociales, Marina Mesure travaille depuis plusieurs années auprès d’organisations de défense des droits des travailleurs comme la Fédération Européenne des travailleurs du Bâtiment et du Bois.

Elle a mené des campagnes contre le travail des enfants avec l’Organisation internationale du travail, contre le dumping social, la criminalisation du syndicalisme. Figure reconnue dans le monde syndical international, elle considère que le principe de « travail égal, salaire égal » est toujours aussi révolutionnaire : entre les femmes et les hommes, entre les travailleurs détachés et domestiques, entre étrangers et nationaux ».

Sophia Chikirou

Directrice de la publication

Sophia Chikirou is the publisher of Le Monde en commun. Columnist, director of a documentary on the lawfare, she also founded several media such as Le Média TV and the web radio Les Jours Heureux.

Communications advisor and political activist, she has worked and campaigned in several countries. From Ecuador to Spain, via the United States, Mexico, Colombia, but also Mauritania, she has intervened with progressive and humanist movements during presidential or legislative campaigns.

In 2007, she published Ma France laïque (La Martinière Editions).

Sophia Chikirou es directora de la publicación de Le Monde en commun. Columnista, directora de un documental sobre el lawfare, también fundó varios medios de comunicación tal como Le Média TV y la radio web Les Jours Heureux.

Asesora de comunicacion y activista política, ha trabajado y realizado campañas en varios países. Desde Ecuador hasta España, pasando por Estados Unidos, México, Colombia, pero también Mauritania, intervino con movimientos progresistas y humanistas durante campañas presidenciales o legislativas.

En 2007, publicó Ma France laïque por Edicion La Martinière.

Sophia Chikirou est directrice de la publication du Monde en commun. Editorialiste, réalisatrice d’un documentaire sur le lawfare, elle a aussi fondé plusieurs médias comme Le Média TV et la web radio Les Jours Heureux.

Conseillère en communication et militante politique, elle a exercé et milité dans plusieurs pays. De l’Equateur à l’Espagne, en passant par les Etats-Unis, le Mexique, la Colombie, mais aussi la Mauritanie, elle est intervenue auprès de mouvements progressistes et humanistes lors de campagnes présidentielles ou législatives.

En 2007, elle publiait Ma France laïque aux éditions La Martinière.

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