Remplacer la Constitution rédigée en 1980 sous le régime militaire de Pinochet était l’une des revendications principales du plus grand mouvement social des dernières décennies amorcé au Chili en octobre 2019 et qui réclamait une société plus démocratique et plus égalitaire.
Ce scrutin vient entériner la volonté du Chili d’opérer une rupture avec les politiques ultra libérales héritées de Pinochet et appliquées par les différents gouvernements qui se sont succédés depuis ; baisses des salaires, explosion de la dette, privatisation des services publics : les systèmes de l’éducation et de la santé ont largement été privatisés, ce qui a surendetté les Chiliens, déjà mal payés. Sans parler du système de retraite, également privé : les Chiliens cotisent toute leur vie pour ne toucher que quelques pesos une fois à la retraite. Et si le Chili est aujourd’hui un pays à hauts-revenus comparables à certains pays européens, 500 000 Chiliens vivent dans l’extrême pauvreté, pendant que 1% de la population concentre 26% des richesses du pays.
En octobre 2019, l’augmentation du prix du ticket de métro décidé par le gouvernement de Sebastian Pinera a mis le feu aux poudres : le peuple chilien descend dans la rue, pas seulement pour réclamer la suppression de cette augmentation, mais pour protester contre trente ans d’une politique économique qui étrangle le peuple et enrichit les riches (on se souvient du slogan « No es por 30 pesos, es por 30 anos ». Il ne s’agit pas de 30 pesos – l’augmentation du prix du ticket de métro – mais de 30 ans »). La pression de la rue, et surtout celle de la jeunesse, est écrasante, le pays exècre Pinera et tout ce qu’il représente : un système politique et économique injuste, qui tient bon grâce à la répression policière, ultra violente.
Mais le mouvement social a tenu bon : l’impopulaire président a été obligé de céder. Le 25 octobre 2020 lors d’un référendum organisé un an après le soulèvement populaire, les Chiliens ont voté à 78,3% en faveur d’une nouvelle constitution pour remplacer celle héritée de l’ère Pinochet. Prudent, Pinera avait pris soin de rendre obligatoire une majorité des 2/3 pour chaque vote des élus constituants. La droite n’avait donc qu’à obtenir 1/3 pour empêcher tout changement concret. C’est raté. Ce week-end, la droite a été balayée : la coalition au pouvoir a obtenu 37 sièges sur 155. La gauche de transformation, avec 28 sièges, dépasse pour la première fois le centre-gauche traditionnel qui lui obtient 25 sièges. Mais surtout, le phénomène central de cette élection est l’avènement des candidats indépendants (issus pour beaucoup du mouvement social de 2019) qui ont supplanté toutes les formations traditionnelles : ils arrivent en tête et remportent 45 sièges.
Ces résultats marquent une nouvelle étape dans la révolution citoyenne en cours au Chili qui offre au monde la démonstration que c’est possible : un mouvement populaire de masse peut déboucher sur une élection constituante. Dans un contexte mondial de remise en cause du capitalisme (accru notamment par la pandémie), les peuples qui luttent contre un système néolibéral toujours plus autoritaire qui profite à un petit nombre de privilégiés, peuvent reprendre leur destin en main.