82 %. C’est le taux d’enseignants qui se sont mobilisés mercredi dernier pour la hausse des salaires et de meilleures conditions de travail. Le secteur éducatif est en première ligne d’un mouvement de taille sur l’île de Puerto Rico. Le territoire rattaché aux États-Unis doit faire face à des revendications qui visent à améliorer le quotidien de tout un secteur public déconsidéré. Le salaire de base de 1 750 dollars par mois attribué aux enseignants est inchangé depuis 13 ans. Celui de 1 500 pour les pompiers n’a pas bougé en 22 ans. Des salaires insuffisants alors que le coût de la vie a augmenté et qui sont la conséquence d’une politique d’austérité imposée à l’île.
Depuis 2016 les autorités fédérales ont placé les finances de Puerto Rico, grandement endetté et au bord de la faillite, sous la supervision un organe de contrôle chargé de déterminer les grandes lignes de la politique de remboursement de la dette. Cet organe garde ainsi un œil sur un plan de restructuration et donne sa position sur toute nouvelle dépense. Cette instance de contrôle s’est donc positionnée favorablement pour une augmentation marginale des salaires pour certaines catégories d’agents publics dont les enseignants, les pompiers ou les policiers. Mais dans le même temps il a annoncé que le gouverneur local serait dans ce cas contraint d’augmenter les impôts ou de trouver des coupes budgétaires à effectuer afin de compenser ces hausses salariales. Cette instance a par le passé remis en cause plusieurs des acquis des employés du public adoptés afin de compenser les faibles salaires.
Face à cette situation, mais également face à des factures énergétiques en hausse, à un coût de la vie qui augmente et aux difficultés d’accès au logement, les agents du service public se mobilisent. Ce constat s’étend également aux conditions de travail. La plupart des pompiers travaillent ainsi dans des locaux mal entretenus et délabrés depuis le passage de l’ouragan Maria en 2017 et les tremblements de terre de 2019 et 2020. Nombreux sont les postes à pourvoir dans la profession qui perd en attractivité. Les candidats préfèrent se réorienter ou se rendre sur le continent où les salaires sont plus intéressants. Dans l’éducation, les enseignants sont obligés de cumuler plusieurs emplois afin de boucler les fins de mois. Début février, le décès de Pablo Mas Oquendo a provoqué l’émoi de la profession. Mort au volant de sa voiture, il semblerait que c’est la somnolence due à l’accumulation de trois métiers dans la journée qui est en cause. D’une façon générale, l’île subit un exode inédit de sa population avec en dix ans 11,8 % d’habitants en moins.
Les réponses du gouverneur de l’île, Pedro R. Pierluisi, ont tardé à arriver puis à satisfaire. Face à une grève massive, il a affirmé que les pompier et les policiers étaient totalement libre de changer de métiers s’ils n’étaient pas contents. Il a maintenu ses propos le lendemain avant d’ajouter que « ce n’est pas normal [de ne pas se présenter à son poste de travail]. Il n’y a pas de justification ; tout un chacun peut se mobiliser et manifester hors des heures de travail. ». Il a par ailleurs proposé une hausse temporaire des salaires pour les enseignants (1 000 dollars supplémentaires par mois) et les pompiers (500 dollars supplémentaires) tirée de fonds fédéraux jusqu’en 2024 pour les premiers et 2026 pour les seconds. Une proposition qui ne convainc pas, les grévistes demandant un engagement plus ferme et inscrit dans le temps.
Jeudi, le gouverneur a accepté de rencontrer les leaders syndicaux et a affirmé qu’il était prêt à porter le salaire de base des enseignant à 2 700 dollars par mois. Par ailleurs, il a proposé de réintroduire une échelle de salaire plus généreuse pour les enseignants doctorants. Les syndicats d’enseignants réclament de leur côté un salaire de base de 3 500 dollars par mois. Ils appellent à une grève générale le 18 février, une façon de poursuivre le rapport de force. Face aux impératifs financiers imposés sur l’île, les perspectives de sortie de crise sont ténues.