Lettre ouverte au Premier ministre Jean Castex sur la visite de la vice-présidente colombienne Marta Lucía Ramirez
Nous, élu.e.s de la République Française, déplorons que l’État français à travers son Premier ministre Jean Castex, reçoive la vice-présidente de la Colombie Marta Lucia Ramirez.
En effet, Madame Ramirez représente un gouvernement qui a saboté depuis son élection la mise en place effective des accords de paix signés en novembre 2016 entre l’État colombien et l’ancienne guérilla des FARC. Accords approuvés et soutenus financièrement par la communauté internationale, dont la France.
Depuis l’arrivée d’Ivan Duque au gouvernement colombien, la violence dans le pays ne cesse de s’accroître. Des milliers de représentants des minorités (indigènes, afro-colombiennes, LGBTIQ), des opposants politiques, des défenseurs des droits humains et de l’environnement sont assassinés dans une totale indifférence du gouvernement.
En effet la Colombie est aujourd’hui le pays où sont assassinés le plus de défenseurs de l’environnement dans le monde, selon le dernier rapport de l’ONG Global Witness.
Depuis janvier 2021 seulement, nous décomptons l’assassinat de 133 défenseurs des droits humains, 37 ex-combattants des FARC, 258 victimes de massacres. [1]
Au cours des dernières mobilisations sociales, une centaine d’élus de la République Française, dont certains d’entre nous, avons signé une tribune dénonçant les violations des droits humains et demandant au président Ivan Duque Marquez, l’arrêt de l’usage démesuré de la force des forces armées à l’encontre du peuple colombien. [2]
Dans ce contexte, la CIDH a dénoncé la brutalité policière et demandé l’application de 40 mesures que le gouvernement colombien s’est empressé de renier.
La violation systématique des droits humains par l’État colombien est un fait. À présent il est poursuivi pour divers crimes contre l’humanité dont plusieurs sous le gouvernement d’Alvaro Uribe Vélez, parrain politique de l’actuel président qui comptait dans son gouvernement Marta Lucia Ramirez, en tant que ministre de la Défense.
Les deux mandatures d’Alvaro Uribe ont plongé le pays dans une violence extrême, avec une politique de « sécurité démocratique » qui a conduit à des chiffres alarmants d’exécutions extrajudiciaires. Un total de 6402 exécutions extrajudiciaires commises par l’armée colombienne viennent d’être mises en lumière par la Justice colombienne. [3].
En outre, l’argent que la Colombie reçoit de la communauté internationale pour soutenir la mise en place des accords de paix est détournée pour l’achat de matériel de guerre, armes qui sont utilisées dans des opérations de répression des manifestations pacifiques.
Outre cette grave situation de violations des droits humains que le gouvernement Macron s’empresse d’ignorer, la vice-présidente, Marta Lucia elle-même, se voit fortement questionnée sur ces liens à des situations qui méritent que l’on s’intéresse à son parcours.
Alors qu’elle était ministre de la Défense, elle a été responsable de l’Opération Orion, une opération militaire urbaine qui a fait des centaines de victimes et durant laquelle les forces armées colombiennes ont agi en complicité avec des groupes paramilitaires. Cette opération a été qualifiée de crime contre l’humanité par la Cour Interaméricaine des Droits Humains.
En tant qu’ancienne ministre de la Défense, et actuelle vice-présidente, Marta Lucia Ramirez soutient l’implémentation de politiques néfastes pour l’environnement telles que le « fracking » et les épandages de glyphosate qui ont de graves conséquences environnementales et sanitaires pour les populations paysannes et indigènes.
Elle a été aujourd’hui invitée à une rencontre à Matignon pour parler d’un agenda commun avec la France dans sa lutte contre le Covid-19 et la lutte contre le changement climatique.
Mais quel agenda commun pouvons-nous avoir en terme de changement climatique avec le pays qui assassine le plus de défenseurs de l’environnement au monde ? Un pays où le système de santé mis en place et défendu par le parti du gouvernement, laissait les gens mourir aux portes des hôpitaux déjà bien avant l’arrivée du Covid.
Ces deux thématiques (Covid-19 et changement climatique), des enjeux majeurs, se voient instrumentalisées dans l’objectif de positionner leur candidature présidentielle pour les élections de 2022.
Nous, élu.e.s de la République Française, attachés aux valeurs de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, dénonçons la tribune que le gouvernement Macron offre à un gouvernement qui est sans cesse rappelé par les instances internationales de tout ordre au respect des droits humains.
Nous demandons au gouvernement français de ne plus poursuivre ses actions de coopération internationale avec la Colombie, tant que son gouvernement ne respectera pas les droits humains. La France ne peut pas soutenir financièrement ni politiquement un gouvernement qui commet les plus graves violations des droits humains.
Paris, le 5 octobre 2021
Liste des signataires :
- Jean-Luc Mélenchon, président du groupe La France insoumise (LFI) à l’Assemblée nationale
- Adrien Quatennens, député français
- Leïla Chaibi, députée européenne
- Manuel Bompard, député européen
- Anne-Sophie Pelletier, députée européenne
- Alexis Corbière, député français
- Mathilde Panot, vice-présidente du groupe LFI à l’Assemblée nationale
- Bastien Lachaud, député français
- Clémentine Autain, députée française
- Michel Larive, député français
- Éric Coquerel, député français
- Loic Prud’homme, député français
[1] http://www.indepaz.org.co/lideres-sociales-y-defensores-de-derechos-humanos-asesinados-en-2021/