Le gouvernement de Luis Arce souhaite engager une procédure judiciaire internationale contre l’ancien président de l’Équateur, Lenín Moreno, et l’ancienne présidente de la Bolivie, Jeanine Áñez, pour crimes « contre l’humanité ». Ivan Lima, le ministre bolivien de la justice, a fait cette annonce et, bien qu’il n’ait pas précisé le tribunal auquel la Bolivie s’adressera, il a mentionné comme instances la Cour interaméricaine ou la Cour internationale de justice. L’Exécutif d’Arce argumente son désir dans le prêt présumé de Moreno à Áñez, en novembre 2019, de gaz lacrymogènes destinés à contrôler les protestations qui se produisaient alors en Bolivie après le renversement du président Evo Morales.
En Équateur, le soutien présumé de Moreno à Añez dans les manifestations de 2019 est également devenu un point à l’ordre du jour. Le législateur Fausto Jarrín a déposé une plainte auprès du bureau du procureur contre l’ancien président Moreno pour « le fait d’avoir livré, sans aucune raison ni justification, du matériel militaire et des bombes lacrymogènes au gouvernement de Jeanine Áñez en novembre 2019, [matériel] avec lequel évidemment le gouvernement a réprimé les citoyens du peuple frère de Bolivie », a déclaré à la presse Jarrín, qui appartient au parti de l’ancien président Rafael Correa, actuellement dans l’opposition.
Le scandale a éclaté avec la diffusion en Bolivie, il y a une semaine, d’une lettre, datée de mai 2020, de l’ancien commandant de la police équatorienne, Hernán Patricio Carrillo Rosero, à l’attaché de défense de l’ambassade de Bolivie en Équateur, José Frías. Dans cette lettre, le policier demandait au diplomate la restitution de « 5 000 grenades à main GL-302 ; 2 389 projectiles de calibre 37 mm à longue portée ; 560 projectiles de calibre 37 mm à courte portée et 500 grenades sonores et flash pour l’extérieur » que son institution avait prêtées à la Bolivie. Les cartouches de 37 mm sont utilisées pour tirer des produits chimiques, tels que des gaz lacrymogènes et autres irritants.
Selon le gouvernement bolivien, la cargaison est arrivée dans le pays « à bas bruit » le 16 novembre 2019, le lendemain du massacre dit de Sacaba, qui a fait 11 morts et 120 blessés, et trois jours avant le massacre de Senkata, qui a également fait 11 morts et 78 blessés. Les enquêtes sur ces événements, qui ne sont pas encore terminées, ont établi que tous les manifestants anti-Áñez ont perdu la vie à la suite de blessures par balle.
Lorsque le gouvernement intérimaire a pris ses fonctions le 12 novembre 2019, la police bolivienne souffrait d’une pénurie totale de gaz lacrymogène, après 21 jours de conflits de rue qui ont précédé la chute d’Evo Morales. Cette pénurie a conduit Arturo Murillo, alors ministre du gouvernement, à acheter des fournitures non létales pour la police par le biais d’une société intermédiaire à Miami. Aujourd’hui, Murillo est emprisonné à Miami, où il a résidé après avoir quitté ses fonctions, accusé d’avoir reçu des pots-de-vin et blanchi l’argent du surprix payé par la Bolivie pour cet achat. Le prêt de gaz de l’Équateur aurait eu lieu avant cette opération.
Selon un ancien ministre d’Áñez interrogé par le bureau du procureur, la personne qui a fait la demande à l’Équateur était la ministre de la communication de l’époque, Roxana Lizárraga. Cette femme politique a été liée à des institutions d’extrême droite latino-américaines aux États-Unis, où elle demande actuellement l’asile politique. Selon son ancien collègue, elle a passé un coup de fil au beau milieu d’une réunion du Cabinet qui discutait « vivement » du manque de matériel pour la police en cette période de bouleversements sociaux, et a ainsi obtenu l’aide de l’Équateur. Le bureau du procureur attend maintenant une déclaration de sa part à distance.