Des centaines d’employés enjambant murets et tourniquets, échappant aux bras de personnes masquées en combinaison blanche. Des centres de quarantaine bondés. Des appels à l’aide lancés depuis les fenêtres tous les soirs. Scènes routinières. En banlieue de Shanghai se trouve un site de l’entreprise Quanta. Le groupe taïwanais fournit 75 % de la production de MacBook pour Apple ainsi que des circuits imprimés pour Tesla. Pour éviter une rupture de la chaîne d’approvisionnement, le site de Shanghai a organisé avec la complaisance des autorités une production en autarcie avec des employés obligés de dormir sur site. La mégalopole chinoise est en effet strictement confinée depuis un mois et demi, sans perspective rapide d’un retour à la normale. Mais l’explosion de cas dans les locaux de l’usine Quanta a provoqué la panique chez des employés opposés à l’idée d’être confinés dans les dortoirs suroccupés de l’entreprise.
La scène montrant leur fuite précipitée dans la nuit a ainsi connu une large diffusion. Des images virales comme des centaines d’autres avant une rapide censure par les autorités, accrochées au rêve utopiste d’éradiquer complètement la présence du Covid sur son sol. Une politique sanitaire radicale en partie liée au faible taux de vaccination des personnes âgées et à un système de santé sous-évalué, difficilement capable de répercuter une forte hausse des hospitalisations. Les personnes jugées positives ou cas-contact sont d’ailleurs envoyées dans des centres de quarantaine bondés et des appartements sont réquisitionnés pour enfermer de force les individus suspectés d’avoir le Covid. Les 25 millions de résidents confinés se plaignent de difficultés d’approvisionnement en nourriture et regrettent l’isolement forcé, dénonçant la rigidité des forces de l’ordre.
L’OMS est allé jusqu’à affirmer le 10 mai que la politique sanitaire déployée dans le pays n’était « pas soutenable » à long terme. Des commentaires de Tedros Adhanom Ghebreyesus, le directeur général de l’institution, rapidement supprimés des réseaux chinois. Les autorités préfèrent mettre en scène le déploiement de forces sanitaires chargées de contrôler la population ou de montrer l’ouverture rapide de centres de santé temporaires. Dans la ville, l’heure est au test permanent, généralisé. Chiens, poules ou écrevisses subissent les foudres de l’écouvillon afin de permettre aux autorités d’identifier la prévalence du virus dans l’environnement, mais surtout pour marteler que le zéro Covid est la voie à suivre. Le pays est ainsi l’un des derniers à appliquer cette logique jusqu’à l’extrême. Aucun infléchissement n’est en vue, Xi Jinping ayant fait de la réussite de cette stratégie un enjeu politique à six mois du 20ème congrès du Parti communiste chinois.