Cet article fait partie du dossier de la Révolution citoyenne

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Victoire de Lula au Brésil : un autre monde est toujours possible

Ce dimanche 30 octobre 2022, le Brésil a parlé au monde : en élisant Lula président, le peuple a décidé de faire des pauvres et de l'écologie une priorité, après quatre années de saccage de l'Amazonie, d'explosion des inégalités, de la faim et de la violence sous Jair Bolsonaro, ancien militaire d'extrême droite élu sur un programme ultralibéral en 2018. L'élection de Lula à la tête du plus grand pays d'Amérique latine, qui intervient après les complots judiciaires et policiers, envoie un signal au monde entier : un autre monde de justice, de paix et de solidarité est toujours possible.

Lula, cas emblématique de lawfare

Ils lui auront tout fait. Président de 2003 à 2011, l’ancien ouvrier Luiz Inacio Lula da Silva a mené une politique sociale d’envergure : le programme social emblématique Bolsa Familia, « bourse familiale » destinée à lutter contre la pauvreté tout en favorisant la scolarité, l’augmentation du salaire minimum et l’augmentation de la valeur réelle du plancher des pensions de retraites (résultat collatéral de la politique de croissance du salaire minimum). Le bilan des deux mandats présidentiels du fondateur du Parti des Travailleurs (PT) a fait l’objet d’un quasi-consensus au sein de la population brésilienne et au-delà : considéré comme un véritable « héros », d’ouvrier métallurgiste à président le plus populaire de l’histoire du Brésil, Lula a contribué à réduire la pauvreté dans le pays, à développer la classe moyenne et à confirmer le statut de puissance régionale du Brésil.

Pas étonnant, alors, que le peuple brésilien ait été secoué par son inculpation pour corruption en 2017. Accusé à tort d’avoir accepté des pots-de-vin et blanchi de l’argent, « l’affaire Lula » est devenue un cas emblématique de lawfare, pratique qui sous des apparences démocratiques, convoque la loi et les médias pour empêcher les dirigeants de gauche d’avoir une chance d’être réélus. Lula était le grand favori des sondages à l’approche des présidentielles de 2018. Son incarcération représente la plus grande fraude juridique de l’histoire du Brésil. Un complot politique qui a permis à Jair Bolsonaro d’être élu. En prison pendant 580 jours, Lula n’a cessé de clamer son innocence et a bénéficié du soutien d’une grande partie de la population : un groupe de femmes et d’hommes criait chaque matin devant la prison de Curitiba où il était enfermé « bonjour Lula ! » et le soir, « bonsoir Lula ! ».

En juin 2019, le journal d’investigation The Intercept a accusé le juge Sergio Moro et les enquêteurs chargés de l’enquête anticorruption Lava Jato d’avoir comploté entre eux pour empêcher Lula de se présenter à l’élection présidentielle de 2018. Enfin le 8 mars 2021, un juge de la Cour suprême brésilienne a levé toutes les accusations portées à l’encontre de Lula, à nouveau libre, et éligible. Donné vainqueur à l’élection présidentielle dans tous les sondages, il entre en campagne en août 2022 afin d’évincer Jair Bolsonaro, le président sortant d’extrême droite qui en quatre ans a eu le temps de détruire l’Amazonie et de saccager le pays.

Le bilan désastreux de Jair Bolsonaro

Celui que Donald Trump surnomme le « Trump des Tropiques » a perdu dimanche 30 octobre 2022 l’élection présidentielle face à Lula, à qui il laisse une société polarisée, un pays fracturé où les inégalités et la faim ont explosé. Durant quatre années, il aura gouverné le Brésil avec les même méthodes que l’ancien président américain : politiques racistes, misogynes et homophobes, climato-scepticisme et attaques contre les institutions démocratiques. Expert en outrances verbales, il aura notamment appelé « ses compatriotes à ne pas former « un pays de tapettes« , une manière pour lui d’inciter les Brésiliens à ne pas se plaindre des décès causés par le Covid-19. « Nous allons tous mourir un jour », avait-il justifié, alors que sa gestion de la pandémie se révélait particulièrement catastrophique : scènes d’hôpitaux surchargés, images de tombes récemment creusées et 680 000 morts officiels du Covid. « C’est simple, il n’a rien fait et laissé les gens sur le carreau », avait résumé Christophe Ventura, directeur de recherche à l’IRIS, spécialiste de l’Amérique latine. Une gestion calamiteuse de la pandémie qui aura propulsé des millions de gens dans la pauvreté : 33,1 millions de personnes souffrent de la faim au Brésil (source : Réseau brésilien de recherche sur la sécurité alimentaire), soit 15% de la population ! Il s’agit d’une augmentation de plus de 73% par rapport à 2020.

« Au Brésil la faim est partout, et l’Etat nulle part ».

Elu sur un programme économique ultralibéral, Jair Bolsonaro s’est attelé à réduire le rôle de l’Etat dans l’économie : néolibéralisme, privatisations et réduction des dépenses de l’Etat, notamment concernant la santé. En 2019, le président a également mené une réforme du système des retraites avec pour objectif 800 milliards de réais (environ 176 milliards d’euros) d’économie sur dix ans. Le vocabulaire emprunté à ce moment fut le même que partout ailleurs où les politique néolibérales sont menées : « Eviter l’explosion du déficit budgétaire », « restaurer la crédibilité financière du pays », « mesure-clé que les entreprises étrangères attendaient pour revenir investir » etc.
La méthode est connue : les injonctions à « rembourser la dette abyssale du pays » justifient le principe de privatiser tout ce qu’il est possible de privatiser afin de satisfaire les marchés. Entouré de chicago boys (Paulo Guedes est ministre de l’économie depuis 2019, économiste passé par l’Université de Chicago, connu pour son orientation ultralibérale et son climatoscepticisme), Bolsonaro a drastiquement réduit les organismes publics et opéré de nombreuses privatisations, comme celle du géant de l’électricité Eletrobras. Tout cela a eu un impact désastreux sur les brésiliens : aujourd’hui 1% de la population du pays détient plus de la moitié de la richesse.

Une politique libérale agressive qui va de pair avec le développement de l’agro-industrie et de l’agro-business, dont Bolsonaro a largement nourri les appétits : arrivé au pouvoir en 2019 avec le soutien du lobby agroalimentaire, le président a démantelé les institutions chargées de la protection de l’environnement en affaiblissant leurs budgets (en septembre 2020, il avait qualifié les ONG de « cancers » qu’il « n’arrive pas à tuer »).
Il a toujours encouragé la déforestation en défendant l’exploitation de la forêt. Entre 2019 et 2020, la déforestation a augmenté de 50 %. Chaque jour, 1,5 million d’arbres sont abattus, soit près de 4000 terrains de football. Aujourd’hui, la surface déforestée est plus vaste que l’étendue de la Belgique. La situation est telle que le « poumon vert de la planète » rejette désormais plus de CO2 qu’il n’en capte et que les incendies se multiplient. Une politique violente qui a des conséquences dramatiques sur la vie des peuples Autochtones. En janvier 2021, les Chefs autochtones Raoni et Almir ont décidé d’attaquer le président brésilien Bolsonaro en justice pour crime contre l’Humanité.

Le bilan de Bolsonaro, c’est quatre ans de violence. Violence dans les mots, violence dans les gestes et violences politiques : Le Brésil est l’un des pays les plus dangereux au monde pour les activistes; en 2020, au moins 20 militants pour la défense de l’environnement ont été tués (source : ONG Global Witness). Bolsonaro a réduit la transparence des organisations publiques et du gouvernement, il a remis en question le système électoral quand les sondages étaient mauvais et a menacé de ne pas respecter les résultats des élections. Il ne s’est d’ailleurs toujours pas exprimé, depuis sa défaite électorale dimanche 30 octobre 2022.

Le Brésil est de retour

Lula est arrivé en tête avec 50,9 % des voix à l’issue du second tour, ce dimanche 30 octobre 2022. Après l’annonce des résultats, il a prononcé un discours à Sao Paulo : « Aujourd’hui, nous disons au monde que le Brésil est de retour, que le Brésil est trop grand pour être relégué à ce triste rôle de paria du monde. » Les scènes de liesse populaire dans le pays sont incroyables. Lula est désormais à la tête de la dixième puissance du monde. Adversaire du traité de libre-échange avec le Mercorsur, adversaire de la déforestation et de l’exploitation minière illégale. À son arrivée au pouvoir, lors de son premier mandat en 2003, la déforestation affichait un taux record. En 2011, à l’issue de ses deux mandats, il était parvenu à la faire chuter d’environ 70%. Même si l’écologie a été traitée en marge de la campagne, Lula a promis de créer un ministère de la Pêche et des Peuples indigènes.

Lula promet une rupture totale avec la politique de Bolsonaro. Sa priorité sera la lutte contre la faim : « Ce n’est pas normal que dans ce pays, des millions d’hommes, de femmes et d’enfants n’aient rien à manger. Nous sommes le troisième producteur mondial d’aliments. Nous avons le devoir de veiller à ce que chaque Brésilien puisse prendre son petit-déjeuner, déjeuner et dîner tous les jours ». Comme l’a dit Jean-Luc Mélenchon : « La victoire de Lula, c’est la victoire du peuple. »

Le Brésil parle au monde

La victoire de Lula au Brésil est également un message envoyé aux peuples du monde entier qui luttent contre la montée du fascisme, la catastrophe climatique, sociale et démocratique. Spécialement en Europe, à l’heure où les gouvernements d’extrême droite se multiplient : en Italie, l’extrême droite gouverne depuis le 22 octobre 2022. Ailleurs dans l’Union européenne, ce courant politique est aussi à la tête des gouvernements hongrois et polonais, il participe aux exécutifs slovaque et letton et apporte son soutien sans participation à celui de la Suède. En France, 89 députés du Rassemblement National sont à l’Assemblée et votent main dans la main avec le gouvernement de Macron contre des mesures sociales d’intérêt général.

L’élection de Lula à la tête du Brésil intervient dans une période où l’Amérique latine connait une vague de gauche populaire historique, encore plus puissante que celle du début des années 2000. C’est-à-dire que jamais le continent n’a compté autant de gouvernements progressistes, au pouvoir en même temps : AMLO au Mexique, Boric au Chili, Petro en Colombie, Castillo au Pérou, Castro au Honduras, Luis Arce en Bolivie, et désormais Lula au Brésil. Tous ces pays ont opéré, les uns après les autres, leur processus de révolution citoyenne, suite à des mandats de dirigeants capitalistes aux politiques libérales agressives. La région, géographiquement proche des Etats-Unis, est le laboratoire du néolibéralisme. C’est ici, donc, que des nouvelles formes d’organisations politiques, sociales et économiques sont inventées. L’élection de Lula après le mandat d’une personnalité libérale d’extrême droite qui a mis à sac le pays, l’élection de Lula après les procès, la prison et les campagnes médiatiques calomnieuses, porte un message d’espoir : la lutte paie toujours. Un autre monde est toujours possible.

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Le 8 octobre 2024, Mohammed Yunus, récipiendaire du prix Nobel de la Paix (conjointement avec la Grameen Bank) et actuel Premier ministre par intérim, a promis la tenue prochaine d’élections, mais sans en annoncer le calendrier. Deux mois après l’exil forcé, et la démission de facto de la première ministre Sheikh Hasina, l’absence de date pour le scrutin n’est pas un signal rassurant quant à la restauration pleine et entière de la démocratie et de l’état de droit au Bangladesh.
Le président élu du Guatemala Bernardo Arévalo a enfin été investi le 14 janvier 2024, après une période d’extrême tension au cours de laquelle les élites du pays ont multiplié les manoeuvres politiques et judiciaires pour empêcher la passation de pouvoir. Le Guatemala a retenu son souffle jusqu’au dernier moment : le 14 janvier, les députés sortants ont retardé de plus de sept heures la prise de fonction des nouveaux parlementaires censés investir le premier président progressiste du pays depuis 70 ans. Ne voulant pas renoncer à sa mainmise sur le pouvoir, cette élite politique et économique corrompue n’aura rien épargné à Bernardo Arévalo, élu car il a promis de combattre la corruption et soutenu par le peuple guatémaltèque fortement mobilisé dans la rue et conscient de la stratégie de lawfare utilisée pour obstruer sa prise de pouvoir. Le 14 janvier, la députée de la France insoumise Ersilia Soudais a pris la parole à Paris, place de la République, afin d’alerter sur la situation et d’apporter le soutien des Français aux Guatémaltèques « qui méritent une réelle lutte contre les inégalités sociales, contre la corruption et la menace de l’extrême-droite. Nous partageons ici son discours.
Il y a de cela 13 ans, les yeux du monde s’ouvraient sur une scène qui allait devenir historique. Le monde arabe s’apprêtait à voir naître sa première démocratie, grâce à la mobilisation populaire historique des Tunisiennes et Tunisiens. Sous le slogan « Dégage », des centaines de milliers de Tunisiens ont pris la rue du sud au nord pour appeler au départ du régime dictatorial et tortionnaire de Ben Ali, qui régna sans partage sur le pays pendant 23 ans.

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Marina Mesure

Syndicalisme international

Marina Mesure is a specialist of social issues. She has worked for several years with organizations defending workers’ rights such as the European Federation of Building and Wood Workers.

She has campaigned against child labor with the International Labor Organization, against social dumping and the criminalization of unionism. As a famous figure in the international trade union world, she considers that the principle of “equal work, equal pay « remain revolutionary: between women and men, between posted and domestic workers, between foreigners and nationals ».

Marina Mesure, especialista en asuntos sociales, ha trabajado durante varios años con organizaciones de derechos de los trabajadores como la Federación Europea de Trabajadores de la Construcción y la Madera.

Llevo varias campañas contra el trabajo infantil con la Organización Internacional del Trabajo, contra el dumping social, y la criminalización del sindicalismo. Es una figura reconocida en el mundo sindical internacional. Considera que el principio de « igual trabajo, igual salario » sigue siendo revolucionario: entre mujeres y hombres, entre trabajadores desplazados y domésticos, entre extranjeros y nacionales « .

Spécialiste des questions sociales, Marina Mesure travaille depuis plusieurs années auprès d’organisations de défense des droits des travailleurs comme la Fédération Européenne des travailleurs du Bâtiment et du Bois.

Elle a mené des campagnes contre le travail des enfants avec l’Organisation internationale du travail, contre le dumping social, la criminalisation du syndicalisme. Figure reconnue dans le monde syndical international, elle considère que le principe de « travail égal, salaire égal » est toujours aussi révolutionnaire : entre les femmes et les hommes, entre les travailleurs détachés et domestiques, entre étrangers et nationaux ».

Sophia Chikirou

Directrice de la publication

Sophia Chikirou is the publisher of Le Monde en commun. Columnist, director of a documentary on the lawfare, she also founded several media such as Le Média TV and the web radio Les Jours Heureux.

Communications advisor and political activist, she has worked and campaigned in several countries. From Ecuador to Spain, via the United States, Mexico, Colombia, but also Mauritania, she has intervened with progressive and humanist movements during presidential or legislative campaigns.

In 2007, she published Ma France laïque (La Martinière Editions).

Sophia Chikirou es directora de la publicación de Le Monde en commun. Columnista, directora de un documental sobre el lawfare, también fundó varios medios de comunicación tal como Le Média TV y la radio web Les Jours Heureux.

Asesora de comunicacion y activista política, ha trabajado y realizado campañas en varios países. Desde Ecuador hasta España, pasando por Estados Unidos, México, Colombia, pero también Mauritania, intervino con movimientos progresistas y humanistas durante campañas presidenciales o legislativas.

En 2007, publicó Ma France laïque por Edicion La Martinière.

Sophia Chikirou est directrice de la publication du Monde en commun. Editorialiste, réalisatrice d’un documentaire sur le lawfare, elle a aussi fondé plusieurs médias comme Le Média TV et la web radio Les Jours Heureux.

Conseillère en communication et militante politique, elle a exercé et milité dans plusieurs pays. De l’Equateur à l’Espagne, en passant par les Etats-Unis, le Mexique, la Colombie, mais aussi la Mauritanie, elle est intervenue auprès de mouvements progressistes et humanistes lors de campagnes présidentielles ou législatives.

En 2007, elle publiait Ma France laïque aux éditions La Martinière.

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