Du 18 au 21 janvier, le Parlement européen est réuni en séance plénière. Habituellement organisées à Strasbourg, siège de l’institution, ces semaines de votes et de débats se tiennent à Bruxelles depuis le début de la crise sanitaire en mars dernier. Une mesure sanitaire préventive, et temporaire.
Au programme notamment de ce début d’année, un débat mercredi sur « la crise sociale et la crise de l’emploi dans la pandémie de Covid-19 ». Un débat dont la délégation France Insoumise est à l’initiative, soutenue par son groupe politique de la GUE/NGL.
En elle-même, la tenue de ce débat est une première victoire pour les Insoumis, tant la question sociale est généralement laissée au second plan par la majorité des eurodéputés, libérale et favorable à la politique d’austérité. Les échanges de mercredi ne dureront d’ailleurs que 20 minutes. C’est très peu, lorsqu’on considère la violence de la crise sociale actuelle. Cela témoigne également du peu d’espace consacré par Bruxelles aux préoccupations sociales.
La situation est pourtant affolante. L’Union européenne compte 72 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté, et la France a passé la barre symbolique des 10 millions de pauvres en 2020. Et alors que plus d’1 travailleur sur 10 est pauvre dans l’UE, plus de 60 000 entreprises devraient connaître des difficultés en France en 2021. Un constat partagé dans tous les États membres, qui laisse craindre une nette augmentation du chômage dans les prochains mois.
Alors que des millions de personnes risquent ainsi de basculer dans la pauvreté, la délégation France insoumise exhorte l’Union européenne à entamer la bifurcation nécessaire à la lutte contre la misère et la précarité. Preuve, s’il en fallait, de la valeur et de l’importance du travail des six élus insoumis, qui depuis le début de leur mandat font de la question sociale l’une de leur priorités.
Pour expliquer le sens de leur démarche, ils ont publié une tribune intitulée « L’Union européenne doit déclarer l’état d’urgence sociale », dont nous vous ajoutons le contenu ci-dessous :
L’Union européenne doit déclarer l’état d’urgence sociale
Depuis bientôt un an, la pandémie de Covid-19 frappe durement l’Europe, provoquant une crise sans précédent.
Une crise d’abord sanitaire, mettant à mal un système public de santé, fragilisé par des années d’austérité avec la complicité de la Commission européenne. Une crise économique ensuite, sapant des secteurs économiques et industriels entiers. Une crise sociale enfin, marquée par une hausse dramatique du chômage, de la précarité et de la pauvreté partout en Europe.
Cette crise et ses effets seront durables, à mesure que la lutte face à la propagation et aux conséquences du virus s’enlise. Alors que les campagnes de vaccination piétinent en France et dans de nombreux États, les confinements, couvre-feux et autres mesures restrictives de nos libertés s’enchaînent… épuisant le moral des citoyennes et des citoyens.
Il y a pire encore. Quand bien même la pandémie serait-elle endiguée dans les mois qui viennent, les conséquences économiques et sociales de la crise ne disparaîtront pas pour autant et se feront ressentir de nombreuses années encore.
Évidemment, la situation sociale en Europe n’a pas attendue la pandémie de Covid-19 pour être tragique. Ainsi, au début de l’année 2020, plus de 20% des européens étaient déjà en situation de risque de pauvreté ou d’exclusion sociale. La pandémie se diffuse aussi par cette crise sociale qu’elle aggrave de manière exponentielle.
Les voyants sont au rouge
Culture, restauration, tourisme… Des secteurs tout entiers sont à l’arrêt ou considérablement ralentis par la pandémie. Et les conséquences sont désastreuses.
En France, plus de 600 000 emplois ont ainsi été supprimés sur les 6 premiers mois de l’année 2020. Et le cabinet Euler Hermes ne se montre pas plus optimiste pour 2021, estimant que 62 000 entreprises risquent de connaître des difficultés cette année.
Un scénario « effet domino » est donc à redouter. Car, lorsque les salariés d’une entreprise se retrouvent sans emploi, c’est toute une chaine humaine et sociale qui se trouve déstabilisée : employés, prestataires, fournisseurs… Comment ne pas craindre, alors, une explosion du taux de chômage, qui ferait basculer encore davantage de millions de personnes dans une situation de précarité ?
Les Outremers sont parmi les territoires les plus pauvres de toute l’Union europeenne avec des taux de chômage et de pauvreté records. Le poids prépondérant du tourisme et de certains autres secteurs spécialisés aggravent plus encore qu’ailleurs tant le bilan social qu’économique de la crise du covid.
Les faits sont déjà devant nous, terribles ; la pandémie a déjà provoqué une flambée de la pauvreté partout en Europe. En Italie, plus de 3 millions de personnes ont eu recours à l’aide alimentaire en 2020. À Barcelone, le nombre de repas distribués par les banques alimentaires a été multiplié par 20, passant de 24 000 à 500 000. Les aides alimentaires ont aussi augmenté de 40% dans toute l’Espagne, où prêt d’un quart de la population a été contraint de diminuer ses dépenses sur les biens de première nécessité. De son côté, la France a franchi la barre des dix millions de pauvres en 2020, selon le Secours catholique qui lance un cri d’alarme.
Cette crise précarise encore davantage les personnes déjà fragiles. 74% des étudiants français se déclarent ainsi en difficulté financière, après la disparition de bon nombre des « petits boulots » habituellement prisés pour apporter un revenu permettant de s’alimenter ou payer son loyer.
L’Union européenne doit proclamer l’état d’urgence sociale
La situation est grave. Il est grand temps d’agir. L’Union européenne doit enfin mettre la question sociale au coeur de son action. Elle doit protéger les emplois et les salaires, défendre nos industries, renforcer les droits des travailleurs, investir dans les services publics pour faire face à la crise, garantir les intérêts des artisans, des TPE et des PME. Elle se doit donner les moyens nécessaires à la protection des citoyennes et des citoyens, en faisant de l’intérêt général et du bien commun la boussole de sa sortie de crise. Bref, l’Union européenne doit rompre avec ce qu’elle était pour enfin être l’Union dont les peuples ont besoin.
En 2019, les députés européens ont proclamé l’état d’urgence climatique et environnementale, marquant les esprits sur la question écologique. Face à l’ampleur de la crise, la délégation France insoumise au Parlement européen estime aujourd’hui urgent d’engager la bifurcation pour protéger les citoyennes et les citoyens européens du chômage, de la précarité et de la misère.
Nous réclamons donc la mise en place de l’état d’urgence sociale dans l’Union européenne. Un acte fondateur indispensable pour enfin mettre la solidarité au cœur de la politique européenne.
Cette tribune a été traduite et reprise en espagnol sur Prensa Latina.