Il est temps de renforcer les services publics, de protéger l’emploi et de lutter contre la crise climatique. Mais au lieu de cela, les conservateurs font pression pour obtenir la plus forte augmentation des dépenses militaires depuis des décennies.
Juste avant l’examen des dépenses publiques de la semaine dernière, le Premier ministre britannique Boris Johnson a annoncé une augmentation de 16,5 milliards de livres sterling des dépenses militaires sur les quatre prochaines années, consolidant la position de la Grande-Bretagne en tant que premier contributeur aux dépenses militaires en Europe – et deuxième dans l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) – malgré la situation actuelle de crise sanitaire nationale et internationale.
Il s’agit de la plus forte augmentation des dépenses militaires depuis des décennies. Comme le souligne la Campagne pour le Désarmement Nucléaire (CND) : « Face à l’urgence climatique, à la pandémie de coronavirus et à un ralentissement économique majeur, le gouvernement dépense des milliards pour des systèmes d’armement et des démonstrations de force dans l’espace ».
Ce gouvernement conservateur a de mauvaises priorités. Il privilégie le capital sur l’avenir de notre climat, les armes nucléaires sur la préservation du budget destiné au développement international, et désormais, le déploiement de la puissance militaire sur la pandémie de Covid-19.
Au début de l’épidémie, nous n’avions pas assez d’équipement, de personnel et d’infrastructures pour contrôler la propagation du virus et sauver des vies. Chaque semaine, nous entendons de plus en plus de témoignages – maintenant plus de huit mois après le début de la pandémie – sur la crise nationale de nos services sociaux, et sur des hôpitaux qui ont dû annuler des opérations essentielles en raison de leur sous-financement.
On trouve toujours des sommes considérables pour les guerres et l’armement, mais pas pour nos services publics les plus essentiels, dont le NHS (National Health Service, le système de santé public britannique, NDLR).
Les dépenses militaires ont bénéficiées d’une augmentation ahurissante de 21,5 milliards de livres si l’on tient compte des augmentations précédemment approuvées. La coalition « Stop the War » a mis ces sommes en perspective, soulignant que ces 21,5 milliards de livres représentent presque le double du montant nécessaire pour permettre au système de protection sociale de faire face à la demande et d’être correctement doté en personnel au cours des quatre prochaines années.
Ces sommes pourraient également financer la construction de 60 nouveaux hôpitaux.
Cette augmentation massive vient d’ailleurs s’ajouter à l’actuel budget annuel de la défense, qui s’élève déjà à 41,5 milliards de livres – et à l’engagement pris dans un manifeste du parti conservateur d’augmenter chaque année ce chiffre de 0,5 % par rapport à l’inflation.
La situation est aggravée par le fait que, par rapport à de nombreux pays européens, nous dépensons moins pour lutter contre le changement climatique. La récente promesse du gouvernement de consacrer 12 milliards de livres à la lutte contre le changement climatique est bien faible par rapport à des pays comme l’Allemagne, et les scientifiques affirment que même ces engagements ne sont pas suffisants.
Nous sommes en droit de savoir si les nouveaux fonds incluront des dépenses supplémentaires pour le système d’armes nucléaires Trident, dont le renouvellement constitue déjà un gaspillage colossal de ressources. Si c’est le cas, cela doit être contesté.
Comme le montre en détail un récent rapport de la CND, les énormes défis et crises actuels en matière de sécurité – tant mis en évidence au cours de cette pandémie – montrent clairement que les armes nucléaires ne pourront jamais nous protéger et que notre sécurité serait bien mieux servie par l’abandon du système Trident.
Il est également important de noter que, contrairement à ce que prétendent de nombreux médias conservateurs, une grande partie de cet argent sera consacrée à l’augmentation de la capacité militaire offensive de la Grande-Bretagne.
Les militants pacifistes sont particulièrement préoccupés par l’annonce d’un nouveau « commandement spatial », qui semble suivre l’exemple des États-Unis dans la militarisation de l’espace, et qui pourrait avoir de dangereuses conséquences internationales. Une nouvelle course aux armements qui exploite des technologies émergentes comme la base de potentielles armes de destruction massive, dans l’espace ou ailleurs, n’offre aucun espoir pour l’humanité.
Nous devons plutôt privilégier le dialogue pour réduire les tensions internationales et travailler ensemble pour résoudre les grandes crises de notre temps, qui sont aussi des menaces pour notre sécurité.
Le gouvernement britannique a également pris la décision de réduire les dépenses en matière de développement international, ce qui entravera les efforts internationaux visant à lutter contre ces menaces et compromettra notre sécurité à tous. Cette décision semble être davantage liée à la volonté de Boris Johnson d’apaiser ses partisans à la droite du parti conservateur et dans les médias de droite plutôt qu’à notre sécurité ou à ce qui est le mieux pour la Grande-Bretagne.
Pris ensemble, ces développements montrent clairement la nécessité d’élever collectivement notre voix en faveur du changement. Sur le plan international, cela signifie que ceux d’entre nous qui font campagne pour la paix et le désarmement profitent de la révision du traité de non-prolifération des armes nucléaires (TNP) en 2021 comme une occasion pour réaffirmer nos positions.
Ici, en Grande-Bretagne, le prochain examen stratégique de la défense et de la sécurité est prévu pour l’année prochaine, et nous devons plaider pour la fin du gaspillage des dépenses consacrées aux armes nucléaires à travers la diversification du secteur de la défense et le renforcement des marchés publics afin de protéger les emplois et les industries.
Renforçons la pression de l’opinion publique pour un changement de priorités – et faisons passer notre planète, notre santé et nos conditions de vie en premier.
Vous pouvez retrouver l’article dans sa version originale sur Tribune Mag