Des formules creuses contre la pandémie, un symbole désastreux pour les droits humains
Les dirigeants des pays membres du G20, réunis virtuellement, ont notamment déclaré avoir « mobilisé des ressources pour répondre aux besoins de financement immédiats dans le domaine de la santé mondiale afin de soutenir la recherche, le développement, la fabrication et la distribution de diagnostics, de traitements et de vaccins sûrs et efficaces contre le Covid-19 ». Dont acte.
Est-ce à dire que la réponse vaccinale à la pandémie sera collective, solidaire, libérée des intérêts des laboratoires pharmaceutiques et de la concurrence généralisée observable ces derniers mois ? Rien n’est moins sûr à ce stade.
Sur le plan international, la politique saoudienne a été marquée ces dernières par : la guerre au Yémen où l’Arabie saoudite, à la tête d’une coalition internationale, viole ouvertement le droit international humanitaire et commet régulièrement des crimes de guerre ; un activisme anti-iranien obsessionnel et néfaste au respect du droit international dans la zone, puisqu’il a par exemple conforté Donald Trump dans sa mise à bas de l’accord sur le nucléaire iranien, signé en 2015 par la France, les États-Unis, la Chine, l’Allemagne, la Russie, le Royaume-Uni, l’Union européenne et l’Iran, que ce dernier appliquait pourtant rigoureusement ; la persistance du soutien de Riyad à la propagation de l’islamisme dans le monde, via le financement et la créations d’écoles wahhabites et la formation d’imams fondamentalistes.
Sur le plan intérieur, l’assassinat épouvantable en 2018 du journaliste Jamal Khashoggi dans le consulat d’Arabie Saoudite en Turquie a démontré le vrai visage de la « modernisation » du royaume engagée sous la férule du prince héritier Mohamed Ben Salman, et vantée dans le monde occidental à grand renfort de campagnes de communication payées des dizaines de millions de petro dollars. Comble de cynisme, l’Arabie saoudite a souhaité mettre en avant pendant ce G20 le thème de l’« autonomisation des femmes dans le monde du travail ». Le sort des femmes saoudiennes qui militent depuis des années, aujourd’hui menacées, harcelées ou emprisonnées comme Loujain al Hathloul, Nassima al Sada ou Samar Badawi, a-t-il été évoqué dans les échanges ? Et le sort du blogueur Raif Badawi, à qui l’athéisme et le militantisme pour une monarchie constitutionnelle ont valu la condamnation aux coups de fouet et un emprisonnement qui dure depuis 2012 ? Pour ne citer que ces tristes exemples.
Au moment où le gouvernement français prétend lutter contre le séparatisme – euphémisme qu’il emploie pour stigmatiser les musulmans de France – et pour la défense des droits humains, de la liberté d’expression, participer à ce sommet organisé par Riyad sans questionner les pratiques de l’Arabie Saoudite témoigne d’un double jeu cynique : on pointe les musulmans français, dans l’immense majorité hermétiques à l’islamisme, mais on préserve une puissance des plus ambiguës sur ce sujet et renforce ainsi le régime saoudien dans sa stratégie pour gagner en respectabilité et en attractivité.
Ces contradictions entre les principes et les actes de la France et de nombreuses démocraties ont comme origine première la dépendance au pétrole et aux pétrodollars.
Alors que la catastrophe climatique menace d’atteindre des proportions inouïes, les États les plus industrialisés de la planète n’ont toujours pas entamé la bifurcation qui les rendrait auto-suffisant sur le plan énergétique et permettrait de mettre un frein à une des causes principales de la crise écologique. La France ajoute à cela sa dépendance aux ventes d’armements, renforcée ces dernières années par la privatisation de l’industrie nationale de défense, dont la monarchie saoudite est le premier client.
Ce sommet G20 aura ainsi résumé à lui-seul une action internationale basée sur de grandes déclarations et indignations sélectives, mais marquée concrètement par une vision militariste et affairiste ne palliant pas l’absence de stratégie politique cohérente.