Une initiative citoyenne européenne « pas de profit sur la pandémie » propose la levée immédiate des brevets afin de faire tomber vaccins et traitement dans le domaine public.
Les débuts de la campagne de vaccination en France ont confirmé ce que la crise de la pandémie de Covid-19 avait déjà révélé : l’effondrement de la puissance publique, désormais incapable de planifier et d’organiser la mise en œuvre logistique d’une politique de santé publique.
Ce désastre est la conséquence d’années de démantèlements de l’Etat, prônés par les libéraux de tout poils. C’est cette même idéologie qui a conduit le gouvernement français à faire appel à des cabinets de conseil privés, grassement rémunérés avec de l’argent public (2 millions d’euros par mois pour le cabinet McKinsey), avec un résultat accablant.
Ce dernier fiasco s’ajoute à tous les problèmes soulevés au cours des dernières semaines autour de la campagne de vaccination : manque de transparence, collusions entre les autorités publiques et les grands acteurs privés, argent public privatisé, contradiction entre l’intérêt général et les intérêts du capital. Face à cela, il est temps de reprendre le pouvoir sur les Big Pharma. Il est donc urgent de lever les brevets sur les vaccins.
Le développement rapide des vaccins contre le COVID19 est le fruit d’années de recherche scientifique, largement financées par des subventions publiques. En temps normal, les grands laboratoires n’investissent que très peu dans les vaccins, jugés moins rentables que d’autres traitements. Ils ne sont engagés dans cette course aux vaccins que lors qu’est apparu la perspective des profits gigantesques qu’ils pourraient en tirer.
En d’autres termes, les investissements dans la recherche scientifique sont socialisés, tandis que les bénéfices liés au développement de cette nouvelle technique sont intégralement privatisés. La clef de voûte de cette captation d’argent public, c’est le système de la propriété intellectuelle et des brevets.
Les laboratoires prétendent que les brevets sont l’unique moyen de garantir « l’innovation », omettant le fait que ces découvertes scientifiques sont essentiellement financées par de l’argent public. En réalité, la brevabilité sur les vaccins (comme sur l’ensemble des traitements et développements médicaux) est l’arme par laquelle les grands laboratoires s’assurent un monopole légal et une rente juteuse sur le dos des citoyens. Ils en contrôlent ainsi la production et sont en position de déterminer intégralement les termes de l’échange.
Disposant du monopole de la production, ils sont d’abord libres d’en fixer le prix, avec d’autant plus d’aisance que la Commission européenne et les États sont désireux d’acquérir le plus rapidement possible les doses nécessaires à une vaccination de la population en vue de former une immunité collective.
Ainsi, la Commission européenne a commandé au nom des États de l’Union européenne l’équivalent de plus d’un milliard de doses de vaccins pour un montant encore inconnu mais estimé à plusieurs dizaines de milliards d’euros. S’il y a incertitude sur le montant total, c’est aussi parce que les laboratoires imposent des clauses de confidentialité sur ces contrats.
Ainsi, à ce jour, la consultation par les parlementaires européens du contrat d’un seul vaccin (CureVac) a été autorisée et à des conditions scandaleuses : signature d’un engagement de confidentialité, interdiction de prendre la moindre photo, clauses censurées et accès restreint à certains députés seulement sur des plages horaires bien définies.
Cette absence de transparence génère notamment une inquiétude sur l’existence dans ces contrats de clauses de responsabilité : en cas de problème avec les vaccins commandés et administrés, qui sera responsable : les États ou les laboratoires ? Dans une réponse donnée au député européen belge du PTB, Marc Botenga, la Commission européenne reconnaît à demi-mots que ce sont les États qui devront assumer la responsabilité d’éventuels effets secondaires.
Elle dément ainsi les propos de la ministre française Agnès Pannier Runacher qui certifiait l’inexistence de ce type de clause. Outre le fait de payer à prix fort des vaccins dont ils ont largement financé le développement, les citoyens européens doivent donc assumer en prime les éventuels préjudices causés. Tous les coûts et pertes sont à la charge de la société, les profits exorbitants au bénéfice des laboratoires.
L’existence des brevets restreint également la distribution des vaccins, aux dépens de ce que commandent l’intérêt général et la raison. En effet, conséquence du monopole sur la production, les seules capacités productives mobilisables sont celles des laboratoires concernés. Or elles ne sont pas suffisantes pour assurer le rythme nécessaire à la vaccination en plusieurs temps de la majorité des populations.
Outre les prix exorbitants, la relative rareté des doses a conduit à un hold-up des
pays développés sur les vaccins à leur seul avantage, laissant le reste du monde et les pays les plus vulnérables à la merci des ravages du virus. Même dans les pays occidentaux, cette privatisation de la production entraîne une incapacité à assurer la distribution des doses nécessaires.
Déjà au Royaume-Uni, pour tenter d’y remédier, le délai entre les deux injections est passé à 3 mois et l’Union européenne entend l’allonger à six semaines, malgré les risques que cela fait peser sur l’efficacité du vaccin. De manière générale, l’impossibilité d’instaurer un accès universel aux vaccins signifie que le virus peut continuer à sévir, à muter et ainsi, à terme, mettre en danger à nouveau l’ensemble de la santé mondiale.
Rarement la contradiction entre la propriété privée des moyens de production et l’intérêt
général n’est aussi flagrante : la santé de l’immense majorité de la population mondiale est mise en danger pour le profit de quelques uns.
Nous ne sommes évidemment pas sans recours face à une telle situation. Dores et déjà existent des potentialités pour faire sauter le verrou mis en place par les grandes firmes pharmaceutiques. Les salarié·es de Sanofi, par le biais du syndicat de la CGT, exige que la société mette à disposition ses capacités productives pour rapidement augmenter la production de doses et ainsi fournir la population mondiale ; à défaut d’un acte volontaire de l’entreprise, la CGT Sanofi appelle l’Union européenne et les États à réquisitionner l’outil industriel. Qu’attend la Commission européenne ? Qu’attend le gouvernement français ? La situation n’est-elle pas assez grave ?
Une telle mesure pourrait permettre, à terme, d’enfin constituer un pôle public du médicament, comme proposé l’année dernière par les député·es de la France insoumise, et ainsi rendre aux citoyen·nes les avancées médicales qu’ils ont financé. Les médicaments et des traitements deviendraient ce qu’ils devraient être : des biens communs au cœur d’une politique de santé publique au service des patient·es.
Mais une mesure immédiate est nécessaire pour répondre à l’urgence sanitaire : il s’agit de lever les brevets sur les vaccins et traitement développés contre le Covid-19. C’est le sens de l’initiative citoyenne européenne « Pas de profit sur la pandémie ». Lancée par plusieurs citoyens, organisations, partis et mouvements européens, soutenue par la France insoumise, cette initiative exige la levée immédiate des brevets afin de faire tomber vaccins et traitement dans le domaine public.
Si cette initiative recueille les signatures de plus d’un million de citoyen·nes européen·nes, alors la Commission européenne sera dans l’obligation de présenter des actes juridiques traduisant dans la loi les demandes exprimées. Le succès de cette initiative est donc cruciale pour engager un rapport de force avec les grands laboratoires privés.
À terme, elle permet d’ouvrir une brèche par laquelle nous serons en mesures de reprendre le contrôle sur la production que nous subventionnons, créer un pôle public du médicament et planifier une véritable politique de santé publique dans l’intérêt des patient·es.