L’affaire semblait mal embarquée, avec un front de la droite pour éviter une arrivée au pouvoir de la gauche. Mais agiter le chiffon rouge n’aura pas suffi : avec 50,44% des voix, Gustavo Petro remporte l’élection présidentielle. Il aura a ses côté comme vice-présidente Francia Márquez, afro-descendante originaire de Cauca, une région dans le sud-ouest du pays. Un binôme issu d’un bord politique qui n’avait jamais pu gouverner le pays auparavant. En effet, la Colombie a longtemps été ancrée dans une tradition libérale et conservatrice. Gustavo Petro a d’ailleurs tenu à souligner la portée historique du choix des Colombiens : « En ce moment, nous écrivons l’histoire ! Une nouvelle histoire pour la Colombie, l’Amérique latine, pour le monde ! Ce qui a eu lieu aujourd’hui, avec ces 11 millions d’électeurs et d’électrices, c’est un changement. Un changement réel. »
Face à lui se dressait Rodolfo Hernández, homme d’affaire à succès et incarnation d’une Colombie aisée au détriment d’une classe modeste grandissante avec les années. Il n’obtient que 47,31 % des voix. En tête des sondages au premier tour, ce sont ses frasques successives couplées à la campagne menée de plein pied par Gustavo Petro et les militants du Pacto Histórico qui vont renverser les pronostics. L’élection s’est en effet jouée auprès des abstentionnistes. 58 % des électeurs se sont déplacés pour voter, un record depuis 1998. Plus éloquent encore, le taux de vote blanc, ce vote étant reconnu dans le pays. Seulement 2,24 % des électeurs ont préféré ne pas trancher entre les deux adversaires. Du jamais vu depuis vingt ans qui montre l’engagement des Colombiens dans cette campagne présidentielle. Petro a d’ailleurs saisi l’occasion pour refuser toute caractérisation du pays en « deux Colombie », affirmant sa volonté de gouverner pour l’ensemble des habitants derrière les idéaux d’espoir et d’union.
La victoire de l’homme de gauche, s’inscrit par ailleurs dans la lignée de la vague de fond politique qui frappe le continent depuis plusieurs années. Des figures comme Andrés Manuel López Obrador au Mexique, Gabriel Boric au Chili ou Xiomara Castro au Honduras ont apporté un vent de fraîcheur social et écologique sur un territoire profondément inégalitaire. Il était temps.