Julian Assange ne sera pas extradé aux États-Unis : c’est la décision qui a été rendue publique par la justice britannique. La raison invoquée par la juge Vanessa Baraitser ? Sa grande fragilité mentale. Les conditions de détention aux États-Unis seraient extrêmement dangereuses pour lui, puisqu’il serait exposé à des actes qui ne respectent pas les droits humains les plus fondamentaux. En cas d’extradition et de procès, il risquerait 175 ans de prison et serait jugé pour 18 motifs d’inculpation. Dix-sept d’entre eux portent sur la Loi sur l’espionnage et un sur la Loi sur la fraude et la délinquance financière.
Cette décision qui a donné lieu à un fort soulagement intervient après sept années d’enfermement entre les murs étroits d’une ambassade, une pression psychologique incessante, des trahisons qui servent les intérêts des États-Unis qui multiplient les tentatives pour que l’extradition ait lieu. Rien n’est épargné à Julian Assange : des procédures judiciaires qui ne faiblissent pas à des micros placés par la NSA dans l’ambassade de l’Équateur, la journée du lundi 4 janvier 2021 est une journée d’espoir qui pourrait marquer un tournant dans cette affaire.
Le Monde en Commun revient sur ces années au cours desquelles les poursuites, les tentatives de déstabilisation de l’empire étasunien à son égard n’ont jamais cessées.
2010, des révélations qui dérangent : le début des poursuites
Cela fait maintenant plus de dix ans que le fondateur et responsable du site WikiLeaks est poursuivi en justice. Ce site vise à corriger l’asymétrie d’information entre les citoyens et les gouvernements. Il publie régulièrement des révélations qui mettent en cause des personnalités publiques, des gouvernements : de la corruption à l’absence de respect des droits de l’homme, les révélations ont été nombreuses ces dernières années.
Sur ce site, plusieurs milliers de documents faisant état de chiffres cachés, de l’usage de la torture dans le cadre des guerres en Irak et en Afghanistan ont été rendus publics. Ce site a également relayé les cables diplomatiques américains obtenus par Chealsea Manning.
Les premières poursuites dont Julian Assange a été l’objet (qui ont été abandonnées) n’avaient rien à voir avec les révélations. En 2010, peu de temps après les révélations concernant le mode opératoire en Irak et en Afghanistan, il a en effet été accusé d’agression sexuelle en Suède puis a été placé en liberté surveillée en Grande-Bretagne puisqu’un mandat d’arrêt existait en Suède. Il a vécu pendant sept années dans l’ambassade d’Équateur à Londres. Les poursuites pour agression sexuelle ont été abandonnées en 2017. Malgré cet arrêt des poursuites, les autorités britanniques avaient maintenu leurs poursuites.
Lenín Moreno, le paroxysme du lawfare, la trahison équatorienne
Si Julian Assange pouvait rester dans l’ambassade équatorienne sans être arrêté, c’est qu’il bénéficiait d’un droit d’asile accordé par Raffael Correa. Cependant son successeur, le président Lenín Moreno a affirmé n’avoir jamais soutenu les actions de WikiLeaks en 2018 et abaisse les mesures de sécurité de Julian Assange dans l’ambassade où il est pourtant réfugié. En 2019, WikiLeaks avait les « INA Papers » qui prouvaient que la famille de Moreno était impliquée dans des affaires de corruption.
Le mot trahison avait été employé par l’ancien président Correa, qui avait déclaré que « c’est une vengeance personnelle du président Lenin Moreno parce que WikiLeaks il y a quelques jours a publié un cas de corruption très grave ». La trahison à son endroit va encore plus loin puisque le 11 juin 2019, Lenín Moreno autorise la police londonienne à pénétrer dans l’ambassade. Sans droit d’asile, il peut être arrêté. Suite à cette décision hautement politique, les États-Unis demandent son extradition.
Bien que la décision de justice écarte Julian Assange de l’extradition, il n’en reste pas moins que le gouvernement britannique n’aurait jamais dû autant se soumettre aux pressions du gouvernement américain, qui depuis des années et sans répit, poursuit Julian Assange. Le fait que cette décision de justice épargne à Julian Assange l’extradition n’absout pas le Royaume-Uni de s’être engagé dans un processus politique sur ordre des États-Unis et d’avoir mis la liberté des médias et la liberté d’expression sur le banc des accusés. Cette affaire établit un terrible précédent dont les États-Unis sont responsables et le gouvernement britannique est complice.
Suite à ce verdict, la justice américaine pourrait faire appel. Nous devons donc rester mobilisés pour que toutes les charges retenues contre lui soient abandonnées !
Réaction d’Amnesty International suite à l’annonce de la justice britannique
Le Président mexicain, Andrés Manuel López Obrador a annoncé peu de temps après la décision de la justice britannique qu’il offrait l’asile politique à Julian Assange. Il a également déclaré : « je me félicite que le Royaume-Uni agisse de la sorte. Parce que c’est un journaliste et qu’il mérite une chance ». Cette excellente nouvelle constitue un moyen de prendre ses distances et de marquer une indépendance forte vis-à-vis des États-Unis pour le Mexique. C’est donc une annonce hautement symbolique qui a été faite le 4 janvier 2021 par AMLO.
Si les soutiens de Julian Assange sont soulagés de cette décision, il ne s’agit pas pour autant d’une victoire pour le journalisme ou les lanceurs d’alerte. Les États-Unis ont en effet deux semaines pour faire appel. La justice britannique évoque des enjeux de santé : cet informaticien qui devrait être considéré comme un héros n’est toujours pas reconnu comme tel. L’année 2021 marquera-t-elle un tournant dans ce laboratoire du lawfare, cette affaire dans laquelle les États-Unis franchissent toutes les limites que se fixerait un État de droit ?
Vous trouverez ci-dessous plusieurs réactions suite à la journée du 4 janvier :