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Priti Patel, une ministre qui vous veut du bien

La secrétaire d’État à l’Intérieur (Home Secretary) britannique est régulièrement décriée pour les décisions de son ministère. C’est à cette figure du gouvernement Johnson que revient la décision finale sur l’extradition ou non de Julian Assange.

« Je soutiens la réintroduction de la peine de mort [au Royaume-Uni] comme d’un outil de dissuasion contre les criminels récidivistes. » Ces propos sont ceux de Priti Patel, l’actuelle secrétaire d’État à l’Intérieur. Ils ont à peine dix ans et donnent la couleur sur une figure incontournable du gouvernement de Boris Johnson. Son parcours raconte l’ascension d’une personne très rapidement impliquée dans la vie politique du Royaume-Uni.

L’histoire est, à l’origine, la même qu’une grande partie du pays dans la deuxième moitié du 20ème siècle. Priti Patel est issue d’une famille indienne, commerçants en Ouganda, qui décident d’émigrer vers le Royaume-Uni dans les années 60. Née dix ans plus tard, Patel est fortement poussée à suivre des études de sciences politiques avant d’intégrer les milieux conservateurs dans les années 90. À l’époque elle s’identifie pleinement dans les valeurs de travail, de libéralisme, promues par Margaret Thatcher, couplé à une fermeté absolue dans la pratique du pouvoir. Une filiation qu’elle continue de revendiquer aujourd’hui.

Très rapidement, elle s’engage dans des courants conservateurs profondément ancrés à droite. Elle reste ainsi quelques années dans le Referendum Party, un mouvement eurosceptique et libéral, fondé par un proche de Philippe de Villiers. S’ensuit quelques temps dans des cabinets de conseil privés (travaillant ainsi pour l’industrie du tabac) avant une reconnaissance croissante de son potentiel au sein du parti Conservateur. Élue députée en 2010, c’est en réalité la campagne du Brexit de 2016 qui la place sur le devant de la scène. Elle incarne alors ces jeunes élus pleinement engagés pour la sortie de l’Union européenne.

Elle rentre peu de temps après dans le gouvernement de Theresa May, chargée du développement international avant d’être poussée vers la démission lorsqu’elle est accusée de négocier avec les autorités israéliennes dans le dos des diplomates de Whitehall, le Quai d’Orsay anglais. Mais en 2019, c’est le retour en grâce avec sa nomination par Boris Johnson au prestigieux poste de secrétaire d’État à l’Intérieur.

« Nous travaillons à l’organisation du premier vol de transfert des demandeurs d’asile au Rwanda »

Son approche est rapidement remarquée mais dénoncée, adoptant une ligne dure notamment dans sa perception du maintien de l’ordre. Elle facilite ainsi l’attribution d’armements aux forces de l’ordre et a récemment étendu l’utilisation de pouvoirs exceptionnels lors de gardes à vues. Des gardes à vues à bride abattue qui ont sept fois plus de chance de toucher des personnes racisées d’après les statistiques de son ministère.

Dans ses prises de position publique, Priti Patel s’est par ailleurs exprimée contre les revendications de Black Lives Matter (BLM) qui ont eu une résonnance particulière dans le pays. En 2020, le football anglais a souhaité apporter son soutien au mouvement, contre l’avis de supporters qui ont réagi d’une façon particulièrement violente : sifflets répétés, souvent accompagnés de commentaires de nature raciste. Priti Patel avait alors dénoncé le choix des footballeurs de s’agenouiller, considérant que c’était de la politique de bas niveau, non suivie d’effet. Elle avait également refusé de condamner le comportement des supporters.

Mais c’est une autre affaire, récente, qui constitue son véritable fait d’arme. Patel s’est inspirée des pratiques de l’Australie pour repenser le traitement des demandes d’asile au Royaume-Uni. L’île-continent a ainsi pendant des années pratiqué l’envoi de tout demandeur d’asile dans des centres à l’étranger, le temps de traiter leur demande et d’éventuellement leur accorder le droit d’entrer sur son sol. Une pratique dénoncée depuis longtemps par Amnesty international. Dans un accord de coopération des Britanniques avec Kigali signé le mois dernier, cette logique a été poussée à l’extrême.

Au nom de la lutte contre les passeurs de la Manche, tout immigré entré illégalement au Royaume-Uni sera envoyée à 6 500 kilomètres de là, au Rwanda. Pire, les demandes d’asile ne seront traitées que par les autorités rwandaises. Autrement dit, les exilés devront rester dans le pays africain si la demande en question est acceptée. Sans surprise, c’est une levée de boucliers d’hommes politiques, d’ONG et de citoyens de tout bord qui lui ont répondu. Ce qui ne semble pas entamer sa volonté d’organiser un premier vol « le plus tôt possible ». Elle se dit ainsi prête à entamer une longue bataille judiciaire pour faire réussir son projet.

C’est en tout cas sur ses épaules que repose désormais l’avenir de Julian Assange depuis l’échec judiciaire de l’Australien le mois dernier. La décision finale est attendue dans la semaine et son passé joue en la défaveur du fondateur de Wikileaks. L’attachement à l’ordre et aux sanctions de la secrétaire d’État à l’Intérieur seraient ainsi supérieurs à des considérations d’ordre morales. D’autant plus que le Royaume-Uni a un intérêt économique à entretenir de bonnes relations avec les États-Unis, à l’ère du post-Brexit. Pour une « Grande-Bretagne libérée de ses chaînes » (du nom d’un livre qu’elle a co-écrit) Priti Patel serait ainsi prête à toutes les concessions, aussi terribles soient-elles.

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