Cet article fait partie du dossier Contre le lawfare

Le Monde en commun publie des articles et contenus audiovisuels accessibles dans 3 langues : français, anglais, et espagnol. L’objectif est de rendre accessible tous les contenus au plus large public. Pour cela, la langue ne doit pas être un obstacle.

Nous sommes en train de constituer un groupe de volontaires qui se chargeront de traduire l’ensemble des contenus afin de les présenter dans au moins trois langues (français, anglais, espagnol).

Si vous souhaitez rejoindre le groupe, merci de nous adresser un mail à contact@linternationale.fr 

Priti Patel, une ministre qui vous veut du bien

La secrétaire d’État à l’Intérieur (Home Secretary) britannique est régulièrement décriée pour les décisions de son ministère. C’est à cette figure du gouvernement Johnson que revient la décision finale sur l’extradition ou non de Julian Assange.

« Je soutiens la réintroduction de la peine de mort [au Royaume-Uni] comme d’un outil de dissuasion contre les criminels récidivistes. » Ces propos sont ceux de Priti Patel, l’actuelle secrétaire d’État à l’Intérieur. Ils ont à peine dix ans et donnent la couleur sur une figure incontournable du gouvernement de Boris Johnson. Son parcours raconte l’ascension d’une personne très rapidement impliquée dans la vie politique du Royaume-Uni.

L’histoire est, à l’origine, la même qu’une grande partie du pays dans la deuxième moitié du 20ème siècle. Priti Patel est issue d’une famille indienne, commerçants en Ouganda, qui décident d’émigrer vers le Royaume-Uni dans les années 60. Née dix ans plus tard, Patel est fortement poussée à suivre des études de sciences politiques avant d’intégrer les milieux conservateurs dans les années 90. À l’époque elle s’identifie pleinement dans les valeurs de travail, de libéralisme, promues par Margaret Thatcher, couplé à une fermeté absolue dans la pratique du pouvoir. Une filiation qu’elle continue de revendiquer aujourd’hui.

Très rapidement, elle s’engage dans des courants conservateurs profondément ancrés à droite. Elle reste ainsi quelques années dans le Referendum Party, un mouvement eurosceptique et libéral, fondé par un proche de Philippe de Villiers. S’ensuit quelques temps dans des cabinets de conseil privés (travaillant ainsi pour l’industrie du tabac) avant une reconnaissance croissante de son potentiel au sein du parti Conservateur. Élue députée en 2010, c’est en réalité la campagne du Brexit de 2016 qui la place sur le devant de la scène. Elle incarne alors ces jeunes élus pleinement engagés pour la sortie de l’Union européenne.

Elle rentre peu de temps après dans le gouvernement de Theresa May, chargée du développement international avant d’être poussée vers la démission lorsqu’elle est accusée de négocier avec les autorités israéliennes dans le dos des diplomates de Whitehall, le Quai d’Orsay anglais. Mais en 2019, c’est le retour en grâce avec sa nomination par Boris Johnson au prestigieux poste de secrétaire d’État à l’Intérieur.

« Nous travaillons à l’organisation du premier vol de transfert des demandeurs d’asile au Rwanda »

Son approche est rapidement remarquée mais dénoncée, adoptant une ligne dure notamment dans sa perception du maintien de l’ordre. Elle facilite ainsi l’attribution d’armements aux forces de l’ordre et a récemment étendu l’utilisation de pouvoirs exceptionnels lors de gardes à vues. Des gardes à vues à bride abattue qui ont sept fois plus de chance de toucher des personnes racisées d’après les statistiques de son ministère.

Dans ses prises de position publique, Priti Patel s’est par ailleurs exprimée contre les revendications de Black Lives Matter (BLM) qui ont eu une résonnance particulière dans le pays. En 2020, le football anglais a souhaité apporter son soutien au mouvement, contre l’avis de supporters qui ont réagi d’une façon particulièrement violente : sifflets répétés, souvent accompagnés de commentaires de nature raciste. Priti Patel avait alors dénoncé le choix des footballeurs de s’agenouiller, considérant que c’était de la politique de bas niveau, non suivie d’effet. Elle avait également refusé de condamner le comportement des supporters.

Mais c’est une autre affaire, récente, qui constitue son véritable fait d’arme. Patel s’est inspirée des pratiques de l’Australie pour repenser le traitement des demandes d’asile au Royaume-Uni. L’île-continent a ainsi pendant des années pratiqué l’envoi de tout demandeur d’asile dans des centres à l’étranger, le temps de traiter leur demande et d’éventuellement leur accorder le droit d’entrer sur son sol. Une pratique dénoncée depuis longtemps par Amnesty international. Dans un accord de coopération des Britanniques avec Kigali signé le mois dernier, cette logique a été poussée à l’extrême.

Au nom de la lutte contre les passeurs de la Manche, tout immigré entré illégalement au Royaume-Uni sera envoyée à 6 500 kilomètres de là, au Rwanda. Pire, les demandes d’asile ne seront traitées que par les autorités rwandaises. Autrement dit, les exilés devront rester dans le pays africain si la demande en question est acceptée. Sans surprise, c’est une levée de boucliers d’hommes politiques, d’ONG et de citoyens de tout bord qui lui ont répondu. Ce qui ne semble pas entamer sa volonté d’organiser un premier vol « le plus tôt possible ». Elle se dit ainsi prête à entamer une longue bataille judiciaire pour faire réussir son projet.

C’est en tout cas sur ses épaules que repose désormais l’avenir de Julian Assange depuis l’échec judiciaire de l’Australien le mois dernier. La décision finale est attendue dans la semaine et son passé joue en la défaveur du fondateur de Wikileaks. L’attachement à l’ordre et aux sanctions de la secrétaire d’État à l’Intérieur seraient ainsi supérieurs à des considérations d’ordre morales. D’autant plus que le Royaume-Uni a un intérêt économique à entretenir de bonnes relations avec les États-Unis, à l’ère du post-Brexit. Pour une « Grande-Bretagne libérée de ses chaînes » (du nom d’un livre qu’elle a co-écrit) Priti Patel serait ainsi prête à toutes les concessions, aussi terribles soient-elles.

Dans le même dossier

Quelques voitures tournent autour des rond-points, des klaxons et un fond sonore d’applaudissements. Ces images d’iraniens célébrant l’attaque de drones sur Israël ont fait le tour des réseaux sociaux. Mais les spécialistes sont formels : la population iranienne est…

Partagez !

Marina Mesure

Syndicalisme international

Marina Mesure is a specialist of social issues. She has worked for several years with organizations defending workers’ rights such as the European Federation of Building and Wood Workers.

She has campaigned against child labor with the International Labor Organization, against social dumping and the criminalization of unionism. As a famous figure in the international trade union world, she considers that the principle of “equal work, equal pay « remain revolutionary: between women and men, between posted and domestic workers, between foreigners and nationals ».

Marina Mesure, especialista en asuntos sociales, ha trabajado durante varios años con organizaciones de derechos de los trabajadores como la Federación Europea de Trabajadores de la Construcción y la Madera.

Llevo varias campañas contra el trabajo infantil con la Organización Internacional del Trabajo, contra el dumping social, y la criminalización del sindicalismo. Es una figura reconocida en el mundo sindical internacional. Considera que el principio de « igual trabajo, igual salario » sigue siendo revolucionario: entre mujeres y hombres, entre trabajadores desplazados y domésticos, entre extranjeros y nacionales « .

Spécialiste des questions sociales, Marina Mesure travaille depuis plusieurs années auprès d’organisations de défense des droits des travailleurs comme la Fédération Européenne des travailleurs du Bâtiment et du Bois.

Elle a mené des campagnes contre le travail des enfants avec l’Organisation internationale du travail, contre le dumping social, la criminalisation du syndicalisme. Figure reconnue dans le monde syndical international, elle considère que le principe de « travail égal, salaire égal » est toujours aussi révolutionnaire : entre les femmes et les hommes, entre les travailleurs détachés et domestiques, entre étrangers et nationaux ».

Sophia Chikirou

Directrice de la publication

Sophia Chikirou is the publisher of Le Monde en commun. Columnist, director of a documentary on the lawfare, she also founded several media such as Le Média TV and the web radio Les Jours Heureux.

Communications advisor and political activist, she has worked and campaigned in several countries. From Ecuador to Spain, via the United States, Mexico, Colombia, but also Mauritania, she has intervened with progressive and humanist movements during presidential or legislative campaigns.

In 2007, she published Ma France laïque (La Martinière Editions).

Sophia Chikirou es directora de la publicación de Le Monde en commun. Columnista, directora de un documental sobre el lawfare, también fundó varios medios de comunicación tal como Le Média TV y la radio web Les Jours Heureux.

Asesora de comunicacion y activista política, ha trabajado y realizado campañas en varios países. Desde Ecuador hasta España, pasando por Estados Unidos, México, Colombia, pero también Mauritania, intervino con movimientos progresistas y humanistas durante campañas presidenciales o legislativas.

En 2007, publicó Ma France laïque por Edicion La Martinière.

Sophia Chikirou est directrice de la publication du Monde en commun. Editorialiste, réalisatrice d’un documentaire sur le lawfare, elle a aussi fondé plusieurs médias comme Le Média TV et la web radio Les Jours Heureux.

Conseillère en communication et militante politique, elle a exercé et milité dans plusieurs pays. De l’Equateur à l’Espagne, en passant par les Etats-Unis, le Mexique, la Colombie, mais aussi la Mauritanie, elle est intervenue auprès de mouvements progressistes et humanistes lors de campagnes présidentielles ou législatives.

En 2007, elle publiait Ma France laïque aux éditions La Martinière.

Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur notre site. Si vous continuez à utiliser ce dernier, nous considérerons que vous acceptez l'utilisation des cookies.