Détention administrative : la loi de l’arbitraire
Lorsque la loi du plus fort s’applique au détriment de l’État de droit, ce sont des hommes, des femmes et des enfants dont la vie est subitement bouleversée. Selon les dernières estimations de l’organisation Addameer, l’État d’Israël détient 4 700 prisonniers politiques, dont près de 800 par mesure administrative, dans une proportion qui a doublé en 10 ans. Des êtres humains sont ainsi privés de liberté sans inculpation, sans procès, sans preuve, parfois après des dénonciations anonymes sans fondement, et se retrouvent derrière les barreaux de prisons en territoire occupé.
Pourquoi ce qui ne serait admis d’aucun pays dit démocratique peut être pratiqué impunément par les autorités militaires israéliennes, sans que la communauté internationale ne s’en offusque et encore moins le condamne ? À qui revient la responsabilité de garantir les droits humains lorsque même les représentants du peuple sont mis au ban de la démocratie comme ce fut le cas à maintes reprises pour Khalida Jarrar ? Membre du Conseil Législatif Palestinien pour le FPLP, cette femme de 59 ans a été placée en détention administrative durant plus de 57 mois au total. Les autorités militaires israéliennes lui ont même refusé le droit de se rendre aux obsèques de sa fille en juillet 2021.
Ces autorités bâillonnent et condamnent au silence celles et ceux qui ont osé parler à haute voix, osé dénoncer les bourreaux, osé interpeller la conscience internationale, car gare à celles et ceux qui voudront tel David affronter Goliath. Ils vivront désormais avec la menace d’un nouvel emprisonnement comme une épée de Damoclès pesant continuellement au-dessus de leurs têtes.
« Terroristes ! » clame le système administratif et militaire israélien.
« Antisémites ! » vilipendent, ailleurs dans le monde et sans s’embarrasser des amalgames, ceux qui soutiennent mordicus la politique de cet État.
Israël et les Droits de l’Enfant
Existe-t-il une seule raison qui pourrait justifier l’enfermement d’enfants comme Ahmad Manasra qui, depuis ses 13 ans, est privé de liberté et a développé des troubles psychiques à la suite de nombreux placements en isolement et de mauvais traitements ?
Selon Defence for Children International – Palestine, qui s’appuie sur les données publiées par le service pénitentiaire israélien, 20 enfants étaient placés en isolement carcéral en janvier 2022. 168 étaient « détenus pour la sécurité ». L’ONG dénombre également plus de 2000 morts d’enfants par armes à feu ces 20 dernières années.
L’État d’Israël est pourtant tenu de respecter les dispositions de la Convention Relative aux Droits de l’Enfant (CIDE) prise lors de l’Assemblée générale des Nations Unies du 20 novembre 1989 et qu’il a ratifiée. Il y est précisé que la détention ou l’emprisonnement d’un enfant doit « n’être qu’une mesure de dernier ressort, et être d’une durée aussi brève que possible ».
Amnesty International a dénoncé la prolongation de l’isolement d’Ahmad Manasra dont l’état de santé mental s’est gravement détérioré. Sa situation illustre aussi bien le non-respect des droits de l’enfant que la question de la négligence médicale.
De nombreux prisonniers sont en effet uniquement soignés à « coup de doliprane », bien qu’ils présentent parfois de lourdes pathologies chroniques qui nécessitent des prises en charge spécifiques, réduisant ainsi considérablement leur espérance de vie.
Salah Hamouri face à l’impuissance de la France
C’est contre ce déni des droits humains que se bat Salah Hamouri, avocat franco-palestinien, détenu depuis le 7 mars 2022 dans des conditions indignes et placé à l’isolement dans une cellule de 4m², sans fenêtre, en représailles à une grève de la faim entamée aux côtés de 29 autres prisonniers politiques. Salah Hamouri était alors privé de sel, substance vitale dans le cadre d’une grève de la faim. Délesté de 14 kilos et grandement affaibli, Salah Hamouri a finalement mis fin à cette grève au bout de 19 jours, en échange de la libération prochaine de prisonniers âgés, malades, ainsi que de femmes et d’enfants en détention administrative.
Le gouvernement français et la représentation diplomatique se contentent d’un rôle passif, de visites consulaires en visites consulaires, sans obtenir la moindre avancée dans ce dossier, sans pouvoir obtenir la moindre visite familiale, le moindre coup de fil, et sans pouvoir mettre fin à un harcèlement qui dure depuis une vingtaine d’années. Dans ces conditions, difficile d’envisager une libération de Salah Hamouri rapide. Il est pourtant du devoir de la France de porter assistance à tous ses ressortissants partout dans le monde, et en particulier lorsque les droits humains élémentaires de ceux-ci sont bafoués.
Combien de temps faudra-t-il attendre pour que la France hausse le ton face à des mesures punitives que des experts de l’ONU ont eux-mêmes qualifiées de « sadiques » ? Quand la France se décidera-t-elle à convoquer l’ambassadeur israélien ? Combien de détenus administratifs faudra-t-il encore avant que la communauté internationale condamne fermement le « système d’apartheid imposé par l’État d’Israël au peuple palestinien », selon les mots d’Amnesty International ?
Si l’inaction est dangereuse, méfions-nous du silence. Il tue à petit feu celles et ceux que l’État d’Israël voudrait voir plonger dans l’oubli, donnant ainsi raison à Doris Lessing qui disait : « Très peu de monde se soucie réellement de la liberté, de la vérité. Rares sont ceux qui ont de l’envergure, cette force dont dépend la vraie démocratie. En l’absence de gens courageux, une société libre meurt, ou ne naît pas. »