Cet article fait partie du dossier La Paix

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Texte de référence à venir…

L’extrême droite à l’assaut de l’Europe

Le 21 avril dernier, l’hebdomadaire d’extrême droite Valeurs Actuelles publiait une tribune signée par d’anciens généraux à la retraite. Une lettre ouverte au gouvernement dans laquelle ils justifient explicitement la menace d’une intervention armée dans une « guerre civile » contre les « hordes de banlieue ». Le Rassemblement national les a immédiatement soutenus et encouragés. En novembre 2020 en Espagne, 73 commandants de l’armée à la retraite ont signé une lettre au roi, le mettant en garde contre la « détérioration » de l’Espagne et « le gouvernement social-communiste qui assure la décomposition de l’unité nationale ». Une tribune dans laquelle ils avaient ouvertement assumé le discours et la terminologie utilisés par le parti d’extrême droite Vox. Nous vous proposons une analyse d’un fait politique : après les expériences désastreuses aux Etats-Unis (Trump), au Brésil (Bolsonaro), en Inde (Modi), l’Europe est menacée.

Une vingtaine de généraux à la retraite et plusieurs milliers de militaires dont certains d’active (en poste) se rêvent en acteurs d’un coup d’état militaire. Ivres de délires et fantasmes racistes et xénophobes, ils citent et s’excitent sur les expressions en vogue dans l’imaginaire de l’ultra-droite : du « délitement de la patrie » lié à « l’antiracisme » qui créerait « une haine entre les communautés», à « l’islamisme » et aux « hordes de banlieue » qui transformeraient « la nation en territoires soumis ». 

Ils concluent en agitant la menace d’une prise de pouvoir par l’armée, 60 ans jour pour jour après la tentative du putsch des généraux de l’armée française à Alger, le 21 avril 1961 : 

« Nous sommes disposés à soutenir les politiques qui prendront en considération la sauvegarde de la nation. Par contre, si rien n’est entrepris, le laxisme continuera à se répandre inexorablement dans la société, provoquant au final une explosion et l’intervention de nos camarades d’active dans une mission périlleuse de protection de nos valeurs civilisationnelles ».

Sur Place d’armes, le site où la tribune est également publiée, les généraux signataires expriment leur nostalgie de l’Algérie française. 

Sans surprise, les auteurs et signataires sont des proches du Rassemblement national ou d’autres formations de l’ultra-droite. Ainsi en est-il de Antoine Martinez, prétendant à l’élection présidentielle de 2022 et qui se proclame la voix « des français de souche », ou encore Christian Piquemal qui en 2016 s’était fait connaître pour avoir manifesté contre l’immigration aux côtés de la branche française du mouvement islamophobe allemand Pegida, à Calais. On peut citer aussi François Gaubert, conseiller régional Occitanie élu en 2015 sur la liste de Louis Aliot, actuel maire de Perpignan, membre de l’exécutif du RN. 

Les liens de l’armée française avec l’extrême droite ne sont pas surprenants. D’ailleurs, en mars dernier, une cinquantaine de nouveaux cas de militaires néonazis dont la plupart appartiennent à la Légion Étrangère, corps d’élite de l’armée française créée en 1831 en pleine guerre coloniale en Algérie, avaient été identifiés. 

Marine Le Pen, candidate d’extrême-droite « dédiabolisée » par les médias, s’est empressée de réagir, suivant un plan de communication probablement concerté avec le magazine Valeurs Actuelles. Elle explique dans un texte faussement compatissant, souscrire aux analyses des généraux et partager leur « affliction, comme citoyenne et comme femme politique ». « Messieurs les généraux, rejoignez-moi dans la bataille pour la France », a-t-elle lancé. 

L’extrême droite : de gré ou de force  

Notre voisin espagnol a fait la même expérience il y a quelques mois. C’était en novembre 2020 quand 73 commandants de l’armée de la XXIIIe promotion de l’Académie militaire générale (AGM) se sont adressés au roi dans une lettre ouverte du même acabit que la tribune des généraux en France. 

Les commandants, nostalgiques de l’époque franquiste, assurent que l’Espagne « connaît une situation de détérioration » dans laquelle « la cohésion nationale court de sérieux risques ». Ils accusent le gouvernement « social-communiste, soutenu par les indépendantistes, de participer à la décomposition de l’unité nationale ». Ils montrent leur soutien et leur loyauté au roi « dans ces moments difficiles pour la patrie ». 

Parmi les signataires, un lieutenant général, deux généraux de division, quatre généraux de brigade et 66 colonels. Des soldats entrés à l’académie en 1964 et âgés de plus de 70 ans. Aujourd’hui à la retraite, ils ont le droit de s’exprimer. Sauf qu’ils ont signé en tant que soldats, pas en tant que citoyens. La lettre est donc adressée à dessein au roi, constitutionnellement capitaine général des armées, par l’intermédiaire du chef de la maison royale, Jaime Alfonsin. 

Le Forum Milice et Démocratie (FMD), héritier de la défunte Union Démocratique Militaire (UMD) persécutée par la dictature, a critiqué le fait que ces commandants prétendent représenter le corps militaire dans son ensemble. Le Chef d’Etat major de l’armée française a, au bout de 5 jours, exprimé les mêmes regrets et exigé des sanctions. 

La stratégie de la violence armée

Il n’y aucun doute possible sur la stratégie mise en œuvre aussi en Espagne qu’en France : abusant de l’apparat militaire, des militants proches de l’extrême-droite (Vox en Espagne et Rassemblement national en France), cherchent à effrayer la population. 

Ils instrumentalisent l’armée et tentent de l’identifier à une formation politique, une candidate à la prise de pouvoir. En France, Marine Le Pen, en Espagne, Rocio Monasterio, candidate Vox aux élections régionales à Madrid. 

Rappelons que l’extrême droite a tenté récemment une prise de pouvoir par la violence aux Etats-Unis !  

En avril 2020 une première fois, avec des dizaines de manifestants armés qui étaient entrés dans le Capitole de l’Etat du Michigan, pour exiger l’assouplissement du confinement. Une action militante menée par la base ultra-réactionnaire de Donald Trump, qui avait tweeté son soutien à ces manifestations. 

Et surtout le 6 janvier 2021, quand des milliers d’émeutiers sont entrés dans le Capitole à Washington, pour tenter de bloquer la certification des résultats du vote et la victoire de Joe Biden. Une tentative de coup d’Etat finalement échouée mais qui rappelle la nature profonde de l’extrême-droite : le culte de la violence armée, la provocation à la guerre civile, et la haine viscérale de la démocratie. 

Podemos et la France insoumise résistent, les autres fuient

Face à l’évidente coordination entre les mouvances extrémistes et à la mise en œuvre de stratégies similaires, que font les gouvernants ? 

En France, il a fallu que l’opposant Jean-Luc Mélenchon, président du groupe La France insoumise à l’Assemblée nationale, s’exprime avec gravité et saisisse la justice pour que le gouvernement d’Emmanuel Macron réagisse. Apeurés, incapables de saisir les enjeux, la ministre de la défense, et le Président de la République, pourtant tous deux en charge des armées, sont restés silencieux. Cherchant d’abord à minimiser la portée de la tribune (plus de 8000 militaires payés par le ministère des Armées), ils ont mis 5 jours avant d’annoncer des sanctions administratives. 

Le Parti socialiste et Europe-Ecologie-Les Verts ont fait preuve d’un manque de courage politique affligeant. Leur silence en dit long sur leur incapacité à mener les batailles fondamentales de la gauche républicaine. 

En Espagne, la situation est similaire : seul Podemos, le mouvement de Pablo Iglesias, monte au créneau inlassablement. Désigné comme ennemi à abattre par Vox, Pablo Iglesias a été directement menacé de mort (il a reçu une lettre de menace et 4 balles de fusil dans une enveloppe), sans que cela n’émeuve la classe politique. 

La stratégie de l’extrême-droite consiste aussi à « accrocher une cible » sur ceux qui résistent. En Europe, la France et l’Espagne sont les cibles. L’Allemagne est aussi dans une situation très inquiétante (nous y reviendrons à l’occasion des élections en cours). « Plus jamais ça ! » entendait-on après la collaboration vichyste et le franquisme. Les bruns sont pourtant de retour.

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Marina Mesure

Syndicalisme international

Marina Mesure is a specialist of social issues. She has worked for several years with organizations defending workers’ rights such as the European Federation of Building and Wood Workers.

She has campaigned against child labor with the International Labor Organization, against social dumping and the criminalization of unionism. As a famous figure in the international trade union world, she considers that the principle of “equal work, equal pay « remain revolutionary: between women and men, between posted and domestic workers, between foreigners and nationals ».

Marina Mesure, especialista en asuntos sociales, ha trabajado durante varios años con organizaciones de derechos de los trabajadores como la Federación Europea de Trabajadores de la Construcción y la Madera.

Llevo varias campañas contra el trabajo infantil con la Organización Internacional del Trabajo, contra el dumping social, y la criminalización del sindicalismo. Es una figura reconocida en el mundo sindical internacional. Considera que el principio de « igual trabajo, igual salario » sigue siendo revolucionario: entre mujeres y hombres, entre trabajadores desplazados y domésticos, entre extranjeros y nacionales « .

Spécialiste des questions sociales, Marina Mesure travaille depuis plusieurs années auprès d’organisations de défense des droits des travailleurs comme la Fédération Européenne des travailleurs du Bâtiment et du Bois.

Elle a mené des campagnes contre le travail des enfants avec l’Organisation internationale du travail, contre le dumping social, la criminalisation du syndicalisme. Figure reconnue dans le monde syndical international, elle considère que le principe de « travail égal, salaire égal » est toujours aussi révolutionnaire : entre les femmes et les hommes, entre les travailleurs détachés et domestiques, entre étrangers et nationaux ».

Sophia Chikirou

Directrice de la publication

Sophia Chikirou is the publisher of Le Monde en commun. Columnist, director of a documentary on the lawfare, she also founded several media such as Le Média TV and the web radio Les Jours Heureux.

Communications advisor and political activist, she has worked and campaigned in several countries. From Ecuador to Spain, via the United States, Mexico, Colombia, but also Mauritania, she has intervened with progressive and humanist movements during presidential or legislative campaigns.

In 2007, she published Ma France laïque (La Martinière Editions).

Sophia Chikirou es directora de la publicación de Le Monde en commun. Columnista, directora de un documental sobre el lawfare, también fundó varios medios de comunicación tal como Le Média TV y la radio web Les Jours Heureux.

Asesora de comunicacion y activista política, ha trabajado y realizado campañas en varios países. Desde Ecuador hasta España, pasando por Estados Unidos, México, Colombia, pero también Mauritania, intervino con movimientos progresistas y humanistas durante campañas presidenciales o legislativas.

En 2007, publicó Ma France laïque por Edicion La Martinière.

Sophia Chikirou est directrice de la publication du Monde en commun. Editorialiste, réalisatrice d’un documentaire sur le lawfare, elle a aussi fondé plusieurs médias comme Le Média TV et la web radio Les Jours Heureux.

Conseillère en communication et militante politique, elle a exercé et milité dans plusieurs pays. De l’Equateur à l’Espagne, en passant par les Etats-Unis, le Mexique, la Colombie, mais aussi la Mauritanie, elle est intervenue auprès de mouvements progressistes et humanistes lors de campagnes présidentielles ou législatives.

En 2007, elle publiait Ma France laïque aux éditions La Martinière.

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