Des blocages durs, des scènes de violences policières et un gouvernement sourd aux revendications. C’est par ces mots que s’est caractérisé le mouvement de grève inédit qui s’est mis en place dans le pays il y a plus de deux semaines. Un mouvement mobilisé pour exprimer un ras-le-bol vis-à-vis d’une baisse sans précédent du pouvoir d’achat dans le pays. C’est tout un pan de la population, tenu à l’écart de l’essor économique de ces dernières années qui s’est engagée dans un bras de fer avec les élites économiques et politiques du pays.
C’est l’essence qui a mis le feu aux poudres à la mi-juin. La hausse continue de son coût est venue s’ajouter à une augmentation arbitraire décidée l’année dernière. Rapidement, la mobilisation a gagné en ampleur et les revendications se sont élargies à toutes sortes de griefs accumulés après des années de libéralismes. La politique déployée par Guillermo Lasso, président du pays, a directement été pointée du doigt. Mais le gouvernement a préféré ne pas aborder frontalement les sujets évoqués par les organisations syndicales à l’origine de la grève générale.
Au contraire, le pouvoir a opté pour une stratégie de diabolisation des manifestants, tantôt présentés comme des « terroristes » ou des « brigands » selon les prises de paroles de ministre ou de gouverneurs. Sur le terrain, les forces de l’ordre ont reçu pour consigne d’aller vers l’affrontement avec tout rassemblement, particulièrement sur les axes routiers stratégiques. Plusieurs dizaines d’arrestations arbitraires et six décès en lien avec la mobilisation ont déjà été recensés. Pendant plusieurs jours, un état d’urgence a été décrété dans plusieurs provinces du pays avec des droits élargis donnés à l’armée et à la police.
La violence de la répression a poussé Amnesty International à réagir. L’organisation considère qu’il existe désormais dans le pays une véritable « crise des droits humains » directement provoquée par l’exécutif. D’autres réactions internationales se sont fait entendre. Jean-Luc Mélenchon et Evo Morales ont transmis des messages de solidarité avec le peuple équatorien tandis que l’ancien président du pays, Rafael Correa a réclamé la convocation de nouvelles élections provoquées par une démission de Guillermo Lasso.
Ce dernier doit d’ailleurs affronter une motion de destitution du parlement déclenchée samedi dernier. Le résultat du processus sera connu dans la nuit. Du côté du gouvernement justement, des tentatives de désamorcer la crise ont eu lieu. Le pouvoir a ainsi proposé une baisse du prix de l’essence de… dix centimes. Un compromis rapidement refusé par les organisations syndicales. De premières discussions ont enfin eu lieu hier, lundi 27 juin pour tenter de trouver une porte de sortie mais celles-ci sont déjà suspendues.
Dans la rue, les manifestants restent mobilisés pour renverser un statu quo qui dessert leurs intérêts depuis des années. Une vague qui n’est pas sans rappeler la mobilisation de 2019 au Chili qui a entraîné la rédaction (encore en cours) d’une nouvelle constitution et l’arrivée au pouvoir de Gabriel Boric. Sur tout le continent, c’est une vague vers la gauche qui déferle sur le continent : AMLO au Mexique, Xiomara Castro au Honduras, Gustavo Petro en Colombie… Un tremblement de terre pour un libéralisme mourant.