De gauche à droite, les député.e.s Danielle Simonet, Raquel Garrido, Alexis Corbière, Nadège Abomangoli, Pascale Martin et Ersilia Soudais, avec Manuela Royo, membre de l’Assemblée constituante chilienne.
C’est un héritage dont le Chili va, semble-t-il, se débarrasser pour de bon. L’actuelle Constitution du Chili a la quarantaine passée. Entrée en vigueur en 1981, elle a été rédigée par le régime dictatorial du général Augusto Pinochet, né du coup d’Etat de 1973 contre le président socialiste Salvador Allende. Berceau du néolibéralisme sauvage sous ce régime, le Chili souhaite désormais se débarrasser d’un texte qui ne lui confère que peu de droits et à l’héritage autoritaire évident. Il n’en a en tout cas jamais été aussi proche.
Tout commence en octobre 2019, quand des lycéens protestent par milliers dans les rues de Santiago, la capitale du pays, contre la hausse des tarifs du transport public. Une étincelle qui embrase le Chili des mois durant, dans une explosion sociale dirigée contre un néolibéralisme chilien exacerbé, porté par le président d’alors, Sebastián Piñera. Les manifestations sont massives, le pouvoir en place vacille. Sous la pression, l’une des principales revendications des manifestations est concédée par le gouvernement : la convocation d’un référendum pour la mise en place d’une Assemblée constituante, chargée de rédiger une nouvelle Constitution et de changer ainsi les règles du jeu dans le pays. Le référendum a lieu un an après le début des manifestations, en octobre 2020, et le Chili vote massivement en faveur de la constituante, à près de 79% des suffrages « pour ».
En mai 2021, les Chiliens votent de nouveau pour élire les membres de cette assemblée, et donnent une majorité aux coalitions de gauche populaire qui se sont présentées. Manuela Royo fait partie de celles et ceux qui ont été élus à l’issue de ce processus, et qui ont depuis participé à la rédaction d’un nouveau texte constitutionnel.
Auditionnée à l’Assemblée nationale ce mercredi, elle a été reçue en France par des députés de la Nouvelle Union Populaire Ecologique et Sociale (NUPES), à l’initiative notamment de Raquel Garrido, néodéputée de la NUPES-LFI, elle-même née au Chili du temps de la dictature. « Nous l’écouterons attentivement », a déclaré la députée insoumise dans un tweet.
Sa venue s’effectue dans le cadre d’une tournée européenne pour promouvoir l’approbation (Apruebo) du nouveau texte constitutionnel le 4 septembre prochain, dont la version finale a été remise au président Gabriel Boric le 4 juillet dernier. « Il a fallu beaucoup de vies sacrifiées pour pouvoir discuter d’une constitution issue d’un débat démocratique », a déclaré le président de centre-gauche. Élu par la force du mouvement social et en rejet du système politique traditionnel, il ajoute : « Une nouvelle fois le peuple aura le dernier mot sur son destin. Nous démarrons une nouvelle étape ».
Engagé de longue date au cœur des mouvements progressistes dans le sous-continent américain, Jean-Luc Mélenchon, qui y est actuellement en tournée, précise dans sa dernière note de blog que la victoire de Gabriel Boric au Chili a été « remarquable à plus d’un titre », avant d’ajouter qu’elle « complète un processus de révolution citoyenne très avancé où le mouvement populaire a déjà gagné la convocation d’une assemblée constituante ». « Les sociétés latinos préfigurent les nôtres », rappelle-t-il dans cette même note. Au regard des résultats électoraux récents de la NUPES, la France pourrait peut-être bien être la première à entamer un processus constituant sur le Vieux continent, dans un futur plus si lointain que cela.