“The United States Postal Service” connu aux États-Unis sous le sigle USPS est une des plus anciennes institutions née de la Révolution Américaine en 1775. Une institution gouvernementale des plus populaires, appréciée par plus de 90% de la population selon les derniers sondages. Et pourtant!
Déjà fragilisé par une précédente administration républicaine, USPS fait l’objet d’une attaque frontale menée personnellement par Donald Trump. Si les premières attaques par les conservateurs Républicains étaient guidées par leur permanente obsession de la privatisation, leurs accusations de mauvaises gestions du service public, cette dernière offensive de Trump ajoute un aspect de vendetta personnelle couplée à une tentative d’enrayer le processus démocratique.
Sous l’administration de George W Bush et de son idéologue Vice-président Dick Cheney, le Congrès avait passé en 2006 une loi connue comme le “Postal Accountability and Enhancement Act”. Aux termes de cette loi, la Poste américaine était dans l’obligation de garantir par des réserves en liquidités les retraites de ses employés à hauteur de 5.5 milliards de dollars annuellement pendant une période de dix ans. Cette disposition seule a eu pour effet de mettre la Poste dans un déficit permanent, quand bien même elle dégage un surplus d’exploitation annuelle. De telles lois sont les outils constants des adeptes du néo-libéralisme global pour détruire le service public et livrer aux hedges funds vautours le bien commun, salué du mantra de la privatisation.
Les conséquences de cette loi furent la fermeture de centaines de bureaux de poste, de centres de triage et des centaines de milliers de postiers licenciés. A cet égard, et dans le contexte actuel, il faut noter que la Poste américaine était pendant très longtemps l’institution qui employait le plus d’africains-américains. Les licenciements ont alors affecté durement cette dernière communauté.
Malgré la persistance des Républicains à tenter de privatiser la Poste, l’opposition du public à voir disparaitre ce service public a semblé avoir gain de cause. Le 5 Février 2020, le Congrès a passé la loi “USPS Fairness Act” par un vote de 309 voix pour, 106 voix contre, comprenant la moitié de la délégation des Républicains votant en support de cette loi qui supprime l’exigence de la loi de 2006 et octroye à la Poste une aide exceptionnelle de 25 milliards de dollars. Cette loi a été transmise au Sénat mais la crise du Covid19 a interrompu le travail législatif et la loi est encore en attente d’examen par cette institution.
Trump et son équipe en ont alors profité pour saisir l’opportunité de s’attaquer à nouveau à la Poste en exigeant ce qui a été adopté à grande échelle en Europe : une politique d’austérité pour la Poste. Suppression de postes, fermetures de bureaux, sous-traitance des services et du personnel par le privé et fin des droits de négociation collective pour le Syndicat des Postiers.
Dans la loi “Cares Act” qui contient tout un ensemble d’aides économiques pour faire face à la crise du Covid-19, il a été attribué la somme de 500 milliards de dollars pour les plus grandes compagnies privées mais pas un sou pour la Poste. Le secrétaire au Trésor Steven Mnuchin a utilisé toutes sortes de menaces pour forcer la Poste a accepté ladite politique d’austérité, s’opposant à la délivrance de l’aide exceptionnelle de 25 milliards si ces réformes n’étaient pas mises en application.
Une autre condition tient dans l’exigence personnelle de Trump de voir la Poste renégocier le contrat qui la lie à la société Amazon de Jeff Bezos et de quadrupler le tarif des colis postaux. Chacun sait l’état délétère des relations de Trump avec Bezos, aussi propriétaire du journal d’opposition à sa politique, le Washington Post. Si cette exigence était suivie d’effets, la Poste perdrait non seulement la clientèle d’Amazon mais nombreux se tourneraient vers des alternatives pour envoyer leurs colis entrainant une perturbation totale dans ce secteur , la Poste étant un élément essentiel pour la bonne distribution du courrier et des colis.
Mais le plus alarmant vient de se produire avec le départ de l’ancienne “postmaster general”, Megan Brennan, et son remplacement par Louis DeJoy, qui n’a pour seule qualification que d’être un collecteur de fonds pour le parti Républicain. A la suite de ce remplacement, deux des directeurs de la Poste ont démissionné dont la personne responsable du vote par correspondance, bête noire de Trump et des Républicains.
Trump vient de prendre le total contrôle de la Poste.
Nous sommes à quelques mois de l’élection présidentielle prévue en novembre 2020. Donald Trump plonge dans les sondages. Le cumul des tumultes actuels dans la société et de la crise économique inévitable avec maintenant près de 50 millions de chômeurs font craindre le pire au Président et à ses soutiens Républicains. Sont en jeu, non seulement la Présidence, mais le contrôle du Congrès. La Poste devient tout à coup une arme défensive et de subversion aux mains des Républicains.
Le vote par correspondance a représenté 30 millions de votes en 2016. Aujourd’hui six États ne votent que par correspondance. La peur des effets du Covid-19 va à n’en pas douter inciter plus d’Américains à voter par correspondance.
Si la politique d’austérité est mise en place à la Poste par cette nouvelle équipe aux ordres de Trump, il va s’en suivre une désorganisation du service par la fermeture de nouveaux bureaux, des licenciements. Qui alors va distribuer le courrier dans les parties les plus éloignées du pays? Quels délais vont intervenir dans la distribution en général?
Tout cela risque de mettre en danger la pratique du vote par correspondance et ainsi dérégler le bon déroulement des élections de novembre. La Poste, dans de telles conditions, aura du mal à faire face aux besoins liés à la tenue des élections. Il ne fait pas de doute que cette élection Présidentielle se jouera sur une poignée d’États pour le compte du collège électoral. Parmi ces États, la Floride et l’Arizona, mais aussi le Michigan et le New Hampshire, qui ont une forte majorité de citoyens votant par correspondance.
Par son dysfonctionnement éventuel La Poste peut non seulement fausser le vote mais entretenir une longue incertitude sur les résultats quand viendra l’heure du décompte des votes.
Certains aujourd’hui n’hésitent pas à dire qu’un “coup” est en préparation. Plus que jamais les États-Unis d’Amérique – dont la Constitution commence par ces mots WE THE PEOPLE (« Nous le peuple ») -, doivent compter sur la patriotisme d’une population qui ces jours-ci semble décider à affirmer son pouvoir. C’est le seul rempart contre la dérive des institutions.