Cet article fait partie du dossier de la Révolution citoyenne

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Sri Lanka : récit de l’entrée d’un peuple en révolution citoyenne

Au Sri Lanka, la famille Rajapaksa s’est accaparée le pouvoir et a vidé les caisses de l’État. Impossible d’importer les produits nécessaires. L’inflation atteint 10% en juin. Les pénuries s’enchaînent. Interdiction de la vente de carburant, coupures d’électricités 10 heures par jour, 80% de la population est contrainte de sauter au moins un repas par jour. Insupportable. Fin mars, un vent de dégagisme se lève. Un à un, les membres de la famille régnante sont contraints de démissionner. Le 9 juillet, le peuple conquiert les bureaux présidentiels et force le chef de l’État à fuir et annoncer sa démission. Récit de l’entrée d’un peuple en révolution citoyenne.

« Gota, go home ». Samedi 9 juillet, ce cri de colère résonne pendant des heures devant les bureaux du président du Sri Lanka Gotabaya Rajapaksa. Les milliers de manifestants sont venus à pied ou en vélo, pénurie de carburant oblige. Ils réclament par ce slogan la démission du chef de l’État, tenu pour responsable de la faillite économique et sociale du pays. Le vent du dégagisme s’est levé sur le Sri Lanka. Ce même slogan surgit à chaque révolution citoyenne : “dégagez”, “qu’ils s’en aillent tous”. Un slogan qui, une fois de plus, unit une population à bout contre une clique qui s’est accaparée tout le pouvoir, pour son unique profit personnel.

Au Sri Lanka, la concentration des pouvoirs atteint des sommets rarement atteints. En deux ans, un même nom de famille occupe tous les postes clés du gouvernement.

Pour commencer, lors de sa prise de fonction, le président s’est tranquillement octroyé le portefeuille de la Défense, en contradiction totale avec la Constitution qui empêche le chef de l’État d’occuper un poste ministériel. Plus c’est gros, plus ça passe. 

Après cela, plus de limite de décence : Gotabaya Rajapaksa fait appel à son frère, Mahinda Rajapaksa, déjà président du Sri Lanka de 2005 à 2015, avec un bilan pour le moins mitigé notamment en matière de droits humains et de graves soupçons de corruption. Avec un tel curriculum, il mérite bien de cumuler les postes de Premier ministre, ainsi que ministre des Finances, de l’Urbanisme et des Affaires bouddhistes. 

Dans la foulée, le troisième frère, Chamal Rajapaksa, obtient rien de moins que les ministères de l’Irrigation, de la Sécurité, de l’Intérieur et de la Gestion des catastrophes. Il ne faudrait pas faire de jaloux. La nouvelle génération n’est pas laissée sur le bord de la route, on a le sens du partage dans la famille ! Sashindra, fils de Chamal reçoit un poste de secrétaire d’État à l’Agriculture. Pour celui du Premier ministre, ce sera le portefeuille de la Jeunesse et des Sports. A ce niveau, c’est presque artistique ! 

Si encore ils étaient des gestionnaires hors pair et avaient assuré la prospérité du Sri Lanka… Mais voilà, la clique Rajapaksa ajoute à l’incompétence à l’indécence.

Première défaillance grossière : les droits humains. La répression sanglante des Tamouls, dans la partie nord du Sri Lanka, organisé par le ministre de la défense, Gotabaya Rajapaksa, a fait au moins 40 000 victimes civils (plus que le terrible tsunami de décembre 2004) et des dizaines de milliers de disparus. Pour masquer cette violence proche du génocide, le président de l’époque, un certain Mahinda Rajapaksa, fait régner la terreur sur les journalistes étrangers qui tentent de couvrir le conflit. Résultat, les pays occidentaux cessent peu à peu leur aide financière à ce régime de moins en moins fréquentable. 

Conséquence, pour financer leurs projets d’infrastructures pas toujours pertinent, à l’image du gigantesque port construit dans la ville natale de la famille à Hambantota, la clique doit contracter des emprunts faramineux. Qui dit dette massive, dit taux d’intérêt massif. La spirale s’enclenche. Deuxième défaillance : les finances du pays plongent dans le rouge.

La clique Rajapaksa qui a mis la main sur le Sri Lanka est aussi accusé de corruption. 

Dernière défaillance, et non des moindres, la corruption s’infiltre jusqu’au plus haut sommet de l’Etat. Les méga projets inutiles s’enchaînent avec des coûts pour le pays toujours plus élevés au fur et à mesure que des puissants se servent sans scrupule à chaque transaction.  Basil (on vous laisse deviner son nom de famille, vous avez compris le principe maintenant) ex-ministre des finances est surnommé « Monsieur 10% » en référence aux commissions qu’il aurait perçues sur des contrats gouvernementaux.

Fin mars, le processus destituant commence au Sri Lanka. 

Sri Lanka

Sri Lanka : récit de l’entrée d’un peuple en révolution citoyenne

13 juillet 2022

Au Sri Lanka, la famille Rajapaksa s’est accaparée le pouvoir et a vidé les caisses de l’État. Impossible d’importer les produits nécessaires. L’inflation atteint 10% en juin. Les pénuries s’enchaînent. Interdiction de la vente de carburant, coupures d’électricités 10 heures par jour, 80% de la population est contrainte de sauter au moins un repas par jour. Insupportable. Fin mars, un vent de dégagisme se lève. Un à un, les membres de la famille régnante sont contraints de démissionner. Le 9 juillet, le peuple conquiert les bureaux présidentiels et force le chef de l’État à fuir et annoncer sa démission. Récit de l’entrée d’un peuple en révolution citoyenne

« Gota, go home ». Samedi 9 juillet, ce cri de colère résonne pendant des heures devant les bureaux du président du Sri Lanka Gotabaya Rajapaksa. Les milliers de manifestants sont venus à pied ou en vélo, pénurie de carburant oblige. Ils réclament par ce slogan la démission du chef de l’État, tenu pour responsable de la faillite économique et sociale du pays. Le vent du dégagisme s’est levé sur le Sri Lanka. Ce même slogan surgit à chaque révolution citoyenne : “dégagez”, “qu’ils s’en aillent tous”. Un slogan qui, une fois de plus, unit une population à bout contre une clique qui s’est accaparée tout le pouvoir, pour son unique profit personnel.

Au Sri Lanka, la concentration des pouvoirs atteint des sommets rarement atteints. En deux ans, un même nom de famille occupe tous les postes clés du gouvernement.

Pour commencer, lors de sa prise de fonction, le président s’est tranquillement octroyé le portefeuille de la Défense, en contradiction totale avec la Constitution qui empêche le chef de l’État d’occuper un poste ministériel. Plus c’est gros, plus ça passe. 

Après cela, plus de limite de décence : Gotabaya Rajapaksa fait appel à son frère, Mahinda Rajapaksa, déjà président du Sri Lanka de 2005 à 2015, avec un bilan pour le moins mitigé notamment en matière de droits humains et de graves soupçons de corruption. Avec un tel curriculum, il mérite bien de cumuler les postes de Premier ministre, ainsi que ministre des Finances, de l’Urbanisme et des Affaires bouddhistes. 

Dans la foulée, le troisième frère, Chamal Rajapaksa, obtient rien de moins que les ministères de l’Irrigation, de la Sécurité, de l’Intérieur et de la Gestion des catastrophes. Il ne faudrait pas faire de jaloux. La nouvelle génération n’est pas laissée sur le bord de la route, on a le sens du partage dans la famille ! Sashindra, fils de Chamal reçoit un poste de secrétaire d’État à l’Agriculture. Pour celui du Premier ministre, ce sera le portefeuille de la Jeunesse et des Sports. A ce niveau, c’est presque artistique ! 

Si encore ils étaient des gestionnaires hors pair et avaient assuré la prospérité du Sri Lanka… Mais voilà, la clique Rajapaksa ajoute à l’incompétence à l’indécence.

Première défaillance grossière : les droits humains. La répression sanglante des Tamouls, dans la partie nord du Sri Lanka, organisé par le ministre de la défense, Gotabaya Rajapaksa, a fait au moins 40 000 victimes civils (plus que le terrible tsunami de décembre 2004) et des dizaines de milliers de disparus. Pour masquer cette violence proche du génocide, le président de l’époque, un certain Mahinda Rajapaksa, fait régner la terreur sur les journalistes étrangers qui tentent de couvrir le conflit. Résultat, les pays occidentaux cessent peu à peu leur aide financière à ce régime de moins en moins fréquentable. 

Conséquence, pour financer leurs projets d’infrastructures pas toujours pertinent, à l’image du gigantesque port construit dans la ville natale de la famille à Hambantota, la clique doit contracter des emprunts faramineux. Qui dit dette massive, dit taux d’intérêt massif. La spirale s’enclenche. Deuxième défaillance : les finances du pays plongent dans le rouge.

La clique Rajapaksa qui a mis la main sur le Sri Lanka est aussi accusé de corruption. 

Dernière défaillance, et non des moindres, la corruption s’infiltre jusqu’au plus haut sommet de l’Etat. Les méga projets inutiles s’enchaînent avec des coûts pour le pays toujours plus élevés au fur et à mesure que des puissants se servent sans scrupule à chaque transaction.  Basil (on vous laisse deviner son nom de famille, vous avez compris le principe maintenant) ex-ministre des finances est surnommé « Monsieur 10% » en référence aux commissions qu’il aurait perçues sur des contrats gouvernementaux.

Fin mars, le processus destituant commence au Sri Lanka. 

Le Premier ministre est le premier à dégager, au bout d’un mois de révolte populaire. Président pendant 10 ans, il concentre d’abord la colère de la population. Le 9 juillet, lorsque la foule déborde les forces de sécurités, l’unique accès de violence sera dirigé contre sa résidence personnelle. Le peuple force l’entrée et peut admirer le luxe faramineux dans lequel se vautrait la famille régnante. Dans le même temps, l’ONU estime que 80% de la population saute un repas à cause de la pénurie alimentaire. Insupportable. Les manifestants y  mettront le feu. 

Un par un, les membres de la famille sont chassés du pouvoir. Un par un, le peuple réclame leur démission. Un par un, la force de la volonté populaire finit par triompher. Qu’importe les gaz lacrymogènes, les canaux à eau et tout l’arsenal répressif encore plus violent développé et affiné pendant la répression des Tamouls par les forces de sécurité. Au Sri Lanka, le peuple a décidé d’en finir avec cette caste qui lui pourrit la vie. 

Le 9 juillet, après une journée d’insurrection déterminée, les bureaux du président sont envahis. Le chef de l’État s’enfuit sous la protection de l’armée et annonce sa démission. 

Le peuple Sri Lankais reprend la maîtrise des affaires de l’État et de la piscine présidentielle.

Loin des caricatures des foules hargneuses et sanguinaires, l’insurrection destituante ne donne pas lieu à des déchaînements de rage. Pourtant, la colère est bien là. Et au vu de l’accaparement sauvage par la clique Rajapaksa, elle semble bien légitime. Aucun mort, des dizaines de blessées suite à la répression policière. Mais point de lynchage, point de sauvagerie. Juste la froide détermination de reprendre le contrôle sur ce qui est censé appartenir au peuple en démocratie : le pouvoir. 

Le processus destituant est proche de s’achever au Sri Lanka. Le Président honnis a promis de démissionner le 13 juillet. Les manifestants, qui ne lui accordent plus aucune confiance, ont décidé d’occuper ses bureaux pour le forcer à tenir parole. Gotabaya Rajapaksa tiendra-t-il parole ? Le peuple va-t-il finalement réussir à dégager cette clique qui a mis à sac le pays ? La réponse viendra dans les prochains jours.

Après avoir dégagé la caste politique, il restera encore une étape cruciale, la première phase de l’exercice du pouvoir populaire : le processus constituant, ce moment où le peuple se refonde, se définit dans ses valeurs, ses objectifs communs et construit le cadre pour s’assurer de maintenir sa souveraineté pleine et complète sur ses représentants.

Lire l’article sur L’insoumission

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Marina Mesure

Syndicalisme international

Marina Mesure is a specialist of social issues. She has worked for several years with organizations defending workers’ rights such as the European Federation of Building and Wood Workers.

She has campaigned against child labor with the International Labor Organization, against social dumping and the criminalization of unionism. As a famous figure in the international trade union world, she considers that the principle of “equal work, equal pay « remain revolutionary: between women and men, between posted and domestic workers, between foreigners and nationals ».

Marina Mesure, especialista en asuntos sociales, ha trabajado durante varios años con organizaciones de derechos de los trabajadores como la Federación Europea de Trabajadores de la Construcción y la Madera.

Llevo varias campañas contra el trabajo infantil con la Organización Internacional del Trabajo, contra el dumping social, y la criminalización del sindicalismo. Es una figura reconocida en el mundo sindical internacional. Considera que el principio de « igual trabajo, igual salario » sigue siendo revolucionario: entre mujeres y hombres, entre trabajadores desplazados y domésticos, entre extranjeros y nacionales « .

Spécialiste des questions sociales, Marina Mesure travaille depuis plusieurs années auprès d’organisations de défense des droits des travailleurs comme la Fédération Européenne des travailleurs du Bâtiment et du Bois.

Elle a mené des campagnes contre le travail des enfants avec l’Organisation internationale du travail, contre le dumping social, la criminalisation du syndicalisme. Figure reconnue dans le monde syndical international, elle considère que le principe de « travail égal, salaire égal » est toujours aussi révolutionnaire : entre les femmes et les hommes, entre les travailleurs détachés et domestiques, entre étrangers et nationaux ».

Sophia Chikirou

Directrice de la publication

Sophia Chikirou is the publisher of Le Monde en commun. Columnist, director of a documentary on the lawfare, she also founded several media such as Le Média TV and the web radio Les Jours Heureux.

Communications advisor and political activist, she has worked and campaigned in several countries. From Ecuador to Spain, via the United States, Mexico, Colombia, but also Mauritania, she has intervened with progressive and humanist movements during presidential or legislative campaigns.

In 2007, she published Ma France laïque (La Martinière Editions).

Sophia Chikirou es directora de la publicación de Le Monde en commun. Columnista, directora de un documental sobre el lawfare, también fundó varios medios de comunicación tal como Le Média TV y la radio web Les Jours Heureux.

Asesora de comunicacion y activista política, ha trabajado y realizado campañas en varios países. Desde Ecuador hasta España, pasando por Estados Unidos, México, Colombia, pero también Mauritania, intervino con movimientos progresistas y humanistas durante campañas presidenciales o legislativas.

En 2007, publicó Ma France laïque por Edicion La Martinière.

Sophia Chikirou est directrice de la publication du Monde en commun. Editorialiste, réalisatrice d’un documentaire sur le lawfare, elle a aussi fondé plusieurs médias comme Le Média TV et la web radio Les Jours Heureux.

Conseillère en communication et militante politique, elle a exercé et milité dans plusieurs pays. De l’Equateur à l’Espagne, en passant par les Etats-Unis, le Mexique, la Colombie, mais aussi la Mauritanie, elle est intervenue auprès de mouvements progressistes et humanistes lors de campagnes présidentielles ou législatives.

En 2007, elle publiait Ma France laïque aux éditions La Martinière.

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