Une mobilisation nationale massive a eu lieu ce week-end pour dire non à la candidature (poussée par l’élite médiatico-néolibérale) de Keiko Fujimori. « Non à Keiko », « Fujimori jamais plus » a-t-on pu lire sur les pancartes des manifestants, qui expriment leur ras-le-bol et leur indignation face à la corruption : La candidate d’extrême droite a été plus d’un an en détention dans le cadre de l’enquête sur le scandale sans précédent Odebrecht, du nom d’un géant brésilien du bâtiment qui a reconnu avoir versé des pots-de-vin à de nombreux dirigeants politiques latino-américains. Selon la justice, la formation de Keiko Fujimori aurait reçu 1,2 million de dollars pour financer illégalement sa campagne électorale en 2011.
En manifestant contre la candidature de la fille Fujimori, le peuple a surtout exprimé sa volonté profonde de tourner la page du fujimorisme, courant d’extrême droite autoritaire et néolibéral dont Keiko Fujimori est l’héritière et la farouche partisane… Elle est allée jusqu’à qualifier la politique d stérilisations forcées menée par son père (qui purge actuellement une peine de 25 ans de prison pour corruption et crime contre l’humanité), comme une politique de « planning familial ». À Lima ce week-end, les associations de victimes du fujimorisme ont ouvert la marche, à laquelle se sont joints des collectifs féministes, LGBT, des artistes et des milliers de citoyens, conscients du risque d’avoir à nouveau un membre de la famille Fujimori à la tête de leur pays : en effet devant la popularité du candidat de gauche, la presse nationale (dont les titres sont détenus à 80% par le groupe conservateur El Comercio) multiplie les papiers et les éditos alarmistes face à la possible victoire de Pedro Castillo et parle « d’un nouveau Venezuela » si le candidat de gauche venait à être élu. Un argument-épouvantail devenu classique en Amérique Latine (et ailleurs…) dont se sert la droite pour discréditer la gauche. Les médias se sont donc mis en ordre de bataille derrière Keiko Fujimori « pour le bien de la démocratie », et l’ont faite remonter dans les sondages.
Dimanche 23 mai, 18 personnes ont été assassinées dans la principale zone de production de drogue du Pérou. Les forces armées attribuent cet attentat au « Sentier lumineux », guérilla maoïste née dans les années 70 et quasi inactive aujourd’hui. Plusieurs voix de la classe politique se sont élevées pour mettre en garde contre l’instrumentalisation de ce massacre ; en effet, Keiko Fujimori accuse son rival depuis le début de la campagne de liens avec Sentier Lumineux, ce que Pedro Castillo nie fermement. Il a apporté son soutien aux familles des victimes : « Ma solidarité avec les familles des 18 victimes de l’attaque lâche qui a eu lieu à Pichari, VRAEM. Je condamne fermement cette attaque terroriste et j’exhorte la justice à appliquer tout le poids de la loi. Nous ne tolérerons aucun acte de violence. »
Un évènement qui est à craindre comme étant annonciateur d’une augmentation des tensions politiques, à deux semaines du second tour des élections présidentielles, dans un pays très divisé.