Cet article fait partie du dossier La fin du libéralisme

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Front commun au Québec : quand l’union fait la force

Le secteur public québecois est attaqué par le gouvernement provincial de la Coalition Avenir Québec (CAQ). Le premier ministre ultra-droitier François Legault cherche à imposer aux quelques 600 000 travailleurs du secteur public - sans conventions collectives depuis mars dernier, des hausses de salaire dérisoires de 9% sur cinq ans, des coupes dans les pensions et une forte augmentation de la charge de travail. Dans le même temps, le corps législatif provincial a ajusté ses propres salaires sur l’inflation et a accordé à ses membres une augmentation de 30%. Après avoir rejeté en octobre la dernière offre du gouvernement, que les organisations syndicales rassemblées en un Front commun uni, ont jugé « insultante », des dizaines de milliers de fonctionnaires sont descendus dans les rues le 21 novembre, au premier jour d’une grève historique, avec un chiffre record de grévistes atteint le 23 novembre 2023. Depuis, le gouvernement a remis une offre sur la table, jugée insuffisante par les travailleurs, qui poursuivent la grève. Une leçon de syndicalisme et d’organisation pour les travailleurs du monde entier.

420 000 employés de la fonction publique et membres du Front commun se sont mis en grève le 21 novembre 2023, rejoints par plus de 60 000 membres de la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) et 80 000 membres de la Fédération interprofessionnelle de la santé (FIQ). Ce qui fait un total de 560 000 syndiqués de la fonction publique, en grève en même temps, le 23 novembre. Un moment historique, et ce, 50 ans après la création du tout premier Front commun syndical en 1972.

Le Front commun est composé de :

  • La CSN : la Confédération des syndicats nationaux. Elle représente des employés de services publics, des enseignants et professionnels ainsi que des membres du réseau de la santé.
  • La CSQ : la Centrale des syndicats du Québec. Elle représente des enseignants professionnels, des personnels de soutien (autant dans les écoles que dans les établissements de l’enseignement supérieur) et des membres du réseau de la santé.
  • La FTQ : la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Elle représente des employés de bureau et de service.
  • L’APTS : L’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux. Elle représente du personnel professionnel et technique dans le milieu de la santé.

Si chacun des secteurs de chacune de ces centrales syndicales négocie habituellement selon leur réalité, avec des négociations qui avancent plus ou moins vite, leur coalition en un front commun syndical uni représentant 420 000 personnes, permet d’installer un rapport de force et d’aller chercher des victoires.

Si la question intersectionnelle des salaires a mis le feu aux poudres, les syndicats d’enseignants sont particulièrement déterminés (la FAE est en grève illimitée depuis le 23 novembre) car les négociations sur plusieurs sujets sont au point mort : au lieu d’améliorer les conditions de travail, de réduire la taille des classes et d’inclure les enseignants dans les processus décisionnels, le gouvernement tente de supprimer des emplois et de les remplacer par un système d’enseignement à distance à la demande, tout en limitant le contrôle des enseignants sur les politiques éducatives.

Le gouvernement a fait cette semaine une nouvelle offre pour bonifier les salaires, qui comprend notamment une augmentation de 12,7% sur cinq ans. Très loin de ce que demandent les syndicats, à savoir, 23% sur trois ans. Le Front commun est resté uni et a entamé ce vendredi 8 décembre, une nouvelle série de grèves, jusqu’au 14. Selon la présidente de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), Magali Picard, le gouvernement pense qu’une augmentation des salaires suffira à calmer tout le monde. Or, c’est pour l’ensemble des conditions d’exercice que les employés du secteur public se battent, largement soutenus par l’opinion publique.

L’objectif du Front commun est d’arriver à un accord avant les fêtes de Noël. Ce vendredi, s’est donc amorcée une ultime séquence de journées de grève, ainsi qu’un ultime avertissement au gouvernement : « Le Front commun détient un mandat très fort, adopté à plus de 95%, de déclencher une grève générale illimitée au moment jugé opportun », est-il indiqué sur le site de la CSN.

Nous parlons d’un moment historique, car c’est la première fois dans l’histoire du Front commun, qu’un mandat de grève générale illimitée est voté à 95%. « C’est unique », selon l’historienne Camille Robert, doctorante en histoire à l’Université du Québec à Montréal, qui explique la force de l’union syndicale et le grand soutien de la population, en ces termes : « Tous les échecs des politiques néolibérales dans les services publics ont tellement été mis en lumière dans les dernières années, notamment avec la pandémie de Covid19, que plus personne ne peut le nier. » Les travailleurs du secteur public rejettent l’argument classique des gouvernements libéraux qui consiste à dire qu’il n’y aurait « pas d’argent » pour les services publics.
Au Québec, ce qui est à l’ordre du jour, c’est une lutte politique contre le gouvernement Legault. Le secteur public, en se défendant ainsi, défend la cause de tous les travailleurs, pas juste au Québec, mais dans le reste du Canada et à l’échelle nord-américaine. C’est ce que l’on comprend du slogan du Front commun : « D’une seule voix. »

Il est très intéressant pour nous d’observer la stratégie de lutte des nord-américains : Actuellement au Québec, et dernièrement aux Etats-Unis avec la grève historique des usines de voitures américaines : les travailleurs des « Big Three » Ford, General Motors et Stellantis, ont remporté la bataille des salaires après 44 jours de grève. Ils vont bénéficier d’une hausse salariale de 25 % sur quatre ans et le salaire ouvrier maximal va monter à 42 dollars (39,50 euros) de l’heure. Un opérateur gagnera désormais plus de 80 000 dollars par an, hors heures supplémentaires. Au pic de la mobilisation, près de 45 000 ouvriers étaient en grève.

La grève a touché des usines stratégiques, essentiellement les plus lucratives, ainsi que des usines de production de pièces, et ont surtout été concentrées dans le bassin industriel de Détroit, qui est l’une des régions les plus touchées par la désindustrialisation du pays et par la crise de 2008. Les travailleurs ont su cibler des usines stratégiques et ont procédé de manière graduelle : le nombre de grévistes a progressivement augmenté chez les trois constructeurs et un premier accord provisoire a été conclu entre l’UAW (syndicat United Auto Workers) et la direction de Ford. Des accords ont été conclus dans la foulée avec Stellantis, puis GM, preuve de la force de contagion d’un mouvement de grève.

La grève de l’UAW s’inscrit dans un contexte de victoires sociales aux Etats-Unis (la grève des livreurs d’UPS ou celle des scénaristes à Hollywood), avec l’effet boule de neige que ça implique : Toyota a promis des hausses de salaire conséquentes à ses employés pour s’aligner sur les « Big Three » et éviter les velléités syndicales dans ses usines. Le président de l’UAW, Shawn Fain, a déclaré : « La prochaine fois, on ne s’attaquera pas qu’au Big 3, mais au Big 5 ou Big 6 », visant Volkswagen, Toyota et Tesla, qui n’ont pour le moment pas de présence syndicale.

De ces victoires émergent de nombreux points communs dans la stratégie de lutte : c’est le travail de terrain en amont et la mobilisation de tous les employés qui ont permis d’arracher des victoires significatives.

Si le taux de syndicalisation aux Etats-Unis est encore très bas, on observe cependant une nette embellie ces dernières années, notamment suite aux initiatives des travailleurs à bas salaire du secteur des services de Amazon ou Starbucks, en première ligne pendant la pandémie de Covid19. Cet enchaînement des victoires est essentiel car il induit une grande politisation des questions liées au travail et offrent l’espoir d’inverser la tendance.

Comme dans le secteur public au Québec, l’union fait la force. Et chaque victoire est un encouragement à l’action pour tous les secteurs.

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Marina Mesure

Syndicalisme international

Marina Mesure is a specialist of social issues. She has worked for several years with organizations defending workers’ rights such as the European Federation of Building and Wood Workers.

She has campaigned against child labor with the International Labor Organization, against social dumping and the criminalization of unionism. As a famous figure in the international trade union world, she considers that the principle of “equal work, equal pay « remain revolutionary: between women and men, between posted and domestic workers, between foreigners and nationals ».

Marina Mesure, especialista en asuntos sociales, ha trabajado durante varios años con organizaciones de derechos de los trabajadores como la Federación Europea de Trabajadores de la Construcción y la Madera.

Llevo varias campañas contra el trabajo infantil con la Organización Internacional del Trabajo, contra el dumping social, y la criminalización del sindicalismo. Es una figura reconocida en el mundo sindical internacional. Considera que el principio de « igual trabajo, igual salario » sigue siendo revolucionario: entre mujeres y hombres, entre trabajadores desplazados y domésticos, entre extranjeros y nacionales « .

Spécialiste des questions sociales, Marina Mesure travaille depuis plusieurs années auprès d’organisations de défense des droits des travailleurs comme la Fédération Européenne des travailleurs du Bâtiment et du Bois.

Elle a mené des campagnes contre le travail des enfants avec l’Organisation internationale du travail, contre le dumping social, la criminalisation du syndicalisme. Figure reconnue dans le monde syndical international, elle considère que le principe de « travail égal, salaire égal » est toujours aussi révolutionnaire : entre les femmes et les hommes, entre les travailleurs détachés et domestiques, entre étrangers et nationaux ».

Sophia Chikirou

Directrice de la publication

Sophia Chikirou is the publisher of Le Monde en commun. Columnist, director of a documentary on the lawfare, she also founded several media such as Le Média TV and the web radio Les Jours Heureux.

Communications advisor and political activist, she has worked and campaigned in several countries. From Ecuador to Spain, via the United States, Mexico, Colombia, but also Mauritania, she has intervened with progressive and humanist movements during presidential or legislative campaigns.

In 2007, she published Ma France laïque (La Martinière Editions).

Sophia Chikirou es directora de la publicación de Le Monde en commun. Columnista, directora de un documental sobre el lawfare, también fundó varios medios de comunicación tal como Le Média TV y la radio web Les Jours Heureux.

Asesora de comunicacion y activista política, ha trabajado y realizado campañas en varios países. Desde Ecuador hasta España, pasando por Estados Unidos, México, Colombia, pero también Mauritania, intervino con movimientos progresistas y humanistas durante campañas presidenciales o legislativas.

En 2007, publicó Ma France laïque por Edicion La Martinière.

Sophia Chikirou est directrice de la publication du Monde en commun. Editorialiste, réalisatrice d’un documentaire sur le lawfare, elle a aussi fondé plusieurs médias comme Le Média TV et la web radio Les Jours Heureux.

Conseillère en communication et militante politique, elle a exercé et milité dans plusieurs pays. De l’Equateur à l’Espagne, en passant par les Etats-Unis, le Mexique, la Colombie, mais aussi la Mauritanie, elle est intervenue auprès de mouvements progressistes et humanistes lors de campagnes présidentielles ou législatives.

En 2007, elle publiait Ma France laïque aux éditions La Martinière.

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