Lors de la rencontre internationale « Les défis d’un monde post-néolibéral », organisée par Morena (mouvement mexicain créé par AMLO), des leaders politiques et personnalités de toute l’Amérique latine ont exprimé leur volonté d’agir de façon solidaire et coordonnée pour sortir de l’ère néolibérale et empêcher les actions de déstabilisations et de coups d’État.
En plus de l’Espagne représentée par José Luis Zapatero et Pablo Iglesias, la France était présente via Jean-Luc Mélenchon, seule personnalité politique issue de la gauche française. Alors même que le continent sud-américain connaît une nouvelle vague politique anti-libérale, avec les victoires importantes de Lopez Obrador au Mexique, de Luis Arce en Bolivie, de Alberto Fernandez en Argentine, mais aussi avec les révoltes populaires, les leaders de la gauche européenne et français semblent totalement coupés de ce renouveau.
Ces derniers mois, voire même dernières années, sous l’impulsion de Jean-Luc Mélenchon, des représentants de la France insoumise sont les seuls à entretenir des liens avec les leaders du continent latino-américain. Mathilde Panot, vice-présidente du groupe la France insoumise à l’assemblée nationale, par exemple, était la seule française présente à l’investiture du nouveau président bolivien Luis Arce en novembre 2020.
Ce qu’a dit Jean-Luc Mélenchon
D’un point de vue historique, les événements qui se déroulent sur le nouveau continent sont une source de renouveau : face à la brutalité du libéralisme, face à la répression parfois meurtrière, les peuples parviennent à rétablir la démocratie. La voie des urnes est la seule retenue par des citoyens qui rejettent la violence dont ils sont les premières victimes. Jean-Luc Mélenchon a mis l’accent, lors de son intervention, sur l’impact de ces démonstrations pacifiques et l’accession au pouvoir de « (notre) camp politique » : pour lui, il s’agit de « révolutions citoyennes » qui prennent appui sur l’expérience et la détermination. Il considère que l’une des forces de la mouvance humaniste (que les hispanisants appellent « progressiste ») réside dans l’absolue nécessité de l’entraide pour surmonter les défis écologiques du 21ème siècle ainsi que les défis liés à la multitude humaine. Il a insisté auprès des autres leaders présents lors de la conférence sur l’importance de placer « l’entraide » (ayuda mutua) au centre d’une vision partagée. L’entraide se traduit alors par des politiques d’intérêt général qui doivent répondre à des objectifs simples : produire sans détruire la planète, consommer et partager, assurer la paix, soutenir les dispositifs de solidarité (services publics notamment).
L’ancien président du gouvernement espagnol, José Luis Rodríguez Zapatero, a déclaré pour sa part, que, il y a deux ans, le Mexique avait changé de cap. « Le Mexique a décidé de rectifier l’histoire dans un projet de changement profond qui se consolide au profit des plus humbles, des plus oubliés, de ceux qui ont dû partir pendant des décennies ». Pour lui, l’un des grands défis de la gauche en Amérique latine est de construire un grand espace de coordination qui rassemble les mouvements progressistes et travaille à un programme commun.
Nous vous proposons ci-dessous la traduction d’un article paru dans le journal El Pais et qui rend compte des échanges du point de vue espagnol.
Les dirigeants progressistes d’Amérique latine et d’Europe saluent la voie ouverte au Mexique par Andres Manuel López Obrador à l’occasion du deuxième anniversaire de son gouvernement et appellent à la fin du néolibéralisme.
La recherche de références accompagne les réflexions de la gauche des deux côtés de l’Atlantique depuis des décennies. Lorsque ces référents parviennent au gouvernement, leur portée symbolique se multiplie, car ils deviennent un miroir possible.
Aujourd’hui, le président mexicain Andrés Manuel López Obrador et le groupe qui l’a porté au pouvoir, Morena, sont un centre d’intérêt pour les mouvements progressistes d’Amérique latine et d’Europe : ceux qui gouvernent, ceux qui ont gouverné, ceux qui ne l’ont jamais fait et ceux qui cherchent à revenir. Au deuxième anniversaire du début de la « Quatrième transformation », une vingtaine de dirigeants ont entouré le parti mardi, appelant à l’unité des forces progressistes sur la scène internationale et demandant la fin du néolibéralisme.
De l’ancien président du gouvernement espagnol José Luis Rodríguez Zapatero à l’actuel deuxième vice-président, Pablo Iglesias, l’ancien dirigeant de l’Uruguay José Mujica ou l’Équatorien Rafael Correa ; en passant par le leader de l’opposition colombienne Gustavo Petro, le Français Jean-Luc Mélenchon, le co-fondateur de Podemos Juan Carlos Monedero, l’écrivain mexicain Paco Ignacio Taibo II, directeur du Fondo de Cultura Económica ; ainsi que Mario Delgado, président de Morena, ou le philosophe Enrique Dussel, secrétaire national de la formation politique de l’organisation. Tous ont indiqué, dans un hommage virtuel promu par le dessinateur Rafael Barajas, El Fisgón, un chemin qui vise à atteindre le « post-néolibéralisme ». Un lieu de frontières floues qu’ils ont tenté de démêler pendant près de quatre heures et qui, en fin de compte, cherche à consolider des projets progressistes et à rompre avec le passé.
Iglesias, responsable des droits sociaux dans un gouvernement présidé par le socialiste Pedro Sánchez, qui a eu des frictions avec López Obrador après avoir demandé des excuses pour les crimes de la conquête, est intervenu depuis Madrid avec un message enregistré dans lequel il comparait la victoire de Morena en 2018 à la présence de Podemos dans l’exécutif. Selon lui, « elle exprime une augmentation de la poussée populaire vers la justice sociale, elle ouvre d’énormes possibilités pour les peuples d’Amérique latine et aussi pour les peuples d’Espagne ». « Nous avons de nombreux défis à relever tous ensemble », a-t-il poursuivi.
M. Zapatero s’est penché sur ce qu’il considère comme une priorité, c’est-à-dire la recherche de plates-formes communes, en particulier en Amérique latine. L’ancien président socialiste a déclaré :
« la gauche doit réaffirmer et récupérer sa vision internationaliste, ce sont les meilleurs moments de son histoire, sa vision de pouvoir donner une réponse globale et coordonnée »
Les crises, a-t-il dit en faisant référence aux conséquences du Covid-19, « sont des crises mondiales, maintenant pour toujours ». Et il a appelé à la confiance, malgré tout, dans l’avenir. « Le pessimisme n’a jamais créé d’emploi. Nous avons besoin de cette force de conviction pour que les citoyens nous fassent confiance. Cette année sera marquée par une grave crise mondiale. Mais il y a un siècle, en 1920, nous avions déjà eu la Première Guerre mondiale et nous avions aussi une pandémie qui était dévastatrice », a déclaré l’ancien président avant de poser la nécessité de réfléchir à une « grande reconstruction ».
Dans la première décennie du siècle, l’Amérique était dominée par un axe de gauche qui n’a cessé de croître. Après la révolution dite bolivarienne initiée par Hugo Chávez au Venezuela, Luiz Inácio Lula da Silva est arrivé au pouvoir au Brésil, Rafael Correa en Équateur, Evo Morales en Bolivie et Néstor Kirchner, plus tard Cristina Fernández, en Argentine. José Mujica a été élu président de l’Uruguay en 2010.