Imprimantes, casques audio, téléphones, ordinateurs, appareils photo… la consommation de produits électroniques explose, l’obsolescence programmée aidant, et remplit les décharges, menaçant des millions de vies humaines : 12,9 millions de femmes et 18 millions d’enfants et adolescents qui travaillent dans le secteur informel de la récupération et qui constituent une main d’œuvre recherchée, pour leurs « petites mains ». Dans un rapport sans précédent sur les déchets électroniques et la santé des enfants, l’Organisation mondiale de la Santé lance un cri d’alerte et appelle à des mesures efficaces et contraignantes pour protéger les enfants de cette menace pour leur santé.
Le rapport s’intitule Children and digital Dumpsites : « Les enfants et les décharges de déchets électroniques. » Appelés les « récupérateurs », ils sont plus de 18 millions d’enfants et d’adolescents, dont certains n’ont pas plus de 5 ans, à travailler dans le secteur industriel informel dont le traitement des déchets est un sous-secteur. Ils brûlent des déchets pour en récupérer le cuivre, l’or et autres métaux précieux. Des fumées toxiques empoisonnent leur organisme, exposé alors à plus de 1000 substances nocives comme le plomb, le mercure et le nickel. Altérations de la fonction pulmonaire, dommages irréversibles sur l’ADN, développement de maladies chroniques… les impacts sont terribles également sur les femmes et futures mères qui travaillent dans ces décharges. La plus « emblématique », celle d’Agbogblosphie, située au Ghana. Considéré comme le site le plus pollué du monde, on l’appelle « la poubelle de l’Occident » : environ 40 000 tonnes de déchets y sont déversées chaque année en provenance d’Europe et des Etats-Unis.
« Un enfant qui mange un seul œuf de poule venant d’Agbogbloshie, ingérera 220 fois la dose quotidienne tolérable de dioxines chlorées fixée par l’Autorité européenne de sécurité des aliments », a déclaré Marie-Noel Brune Drisse, l’auteure principale du rapport de l’OMS.
Car toutes les substances toxiques qui se dégagent des fumées de déchets électroniques se répandent aussi dans le sol, contaminent l’eau et empoisonnent les 80 000 personnes qui survivent autour de la décharge.
L’appât du gain responsable
Les volumes de déchets électroniques sont en constante hausse à l’échelle mondiale. Avec une augmentation de 21% de 2014 à 2019 et 53,6 millions de tonnes de déchets générées rien qu’en 2019, l’OMS parle de « tsunami de déchets électroniques ». Une augmentation de volumes qui ne doit cesser de se poursuivre, à mesure que l’utilisation des ordinateurs et smartphones (pour ne prendre que ces objets) ne cessent de progresser, à cause de leur obsolescence de plus en plus rapide. A l’image de la « fast-fashion » qui consiste à produire toujours plus de vêtements de mauvaise qualité pour toujours devoir en racheter, les entreprises qui produisent ces objets électriques et électroniques ne construisent plus d’équipements solides et pérennes, obligeant ainsi les consommateurs à acheter toujours plus. Et donc à jeter.
L’OMS appelle les exportateurs, les importateurs et les gouvernements à prendre des mesures efficaces et contraignantes pour la fabrication d’équipements durables et pour assurer « l’élimination écologiquement rationnelle » des déchets électroniques : Seulement 17,4 % des déchets électroniques produits en 2019 sont parvenus jusqu’aux installations formelles de gestion ou de recyclage, selon les estimations les plus récentes du GESP, le reste allant illégalement dans des décharges comme celle d’Agbogbloshie.
« Les enfants et les adolescents ont le droit de grandir et d’apprendre dans un environnement sain, et l’exposition aux déchets d’équipements électriques et électroniques et à leurs nombreux composants toxiques a incontestablement un impact sur ce droit », a déclaré la Dre Maria Neira, Directrice du Département Environnement, changements climatiques et santé de l’OMS.