Cet article fait partie du dossier La fin du libéralisme

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Texte de référence à venir…

L’hypocrisie

« L’hypocrisie est un hommage que le vice rend à la vertu », déclara le moraliste et écrivain La Rochefoucauld, une vérité du XVIIe siècle qui s’applique à l’heure actuelle en politique américaine. Je fais référence aux manœuvres tactiques menées par le président Biden le mois dernier, quand il a balayé les frondeurs progressistes du Parti démocrate tout en leurrant les participants écologistes de la COP26. Non pas que Biden ait l’habitude de citer les belles phrases de grands intellectuels français, ou qu’il y ait derrière son allure de gars ordinaire un esprit nourri de philosophie et de réflexion. Des millions de personnes ont vu sur Internet l’image de Biden, les yeux fermés, apparemment endormi dans son fauteuil à Glasgow; beaucoup, sans doute, s’en sont gaussés, se disant que cette mini-sieste symbolisait parfaitement les difficultés du président pour arriver à ses fins. Nous partageons ici la chronique de John R. MacArthur publié sur le site Le Devoir.

John R. MacArthur est un journaliste américain et auteur de livres sur la politique américaine. Il est président et éditeur du Harper's Magazine.

Mais loin d’être somnambule, atteint de démence ou simplement victime de son âge, Biden songeait, j’imagine, au coup de matraque qu’il allait flanquer aux membres du caucus progressiste à la Chambre des représentants, et surtout aux insurgés Alexandria Ocasio-Cortez (AOC) et Bernie Sanders. Et je pense qu’il savourait silencieusement sa victoire imminente contre la faction rebelle de son parti.

Car le 5 novembre, à Washington, on a sonné le glas de la « révolution » Sanders et du phénomène AOC. C’est ce jour-là que l’ordre établi du Parti démocrate s’est vraiment rétabli, et que les caciques ont fait la leçon aux députés de tendance gauchiste et réformatrice. Jusque-là, le caucus progressiste de la Chambre avait résisté à la pression de la Maison-Blanche de voter le projet de loi de 1200 milliards de dollars pour les travaux publics d’infra-structures — ponts, autoroutes, égouts, transport en commun — sans que le Sénat approuve simultanément le projet de loi social et environnemental cher aux progressistes, le plan « Build Back Better » (BBB), qui, dans sa forme originale, allait dépenser, en dix ans, 3500 milliards pour des programmes ciblant les démunis, les ouvriers et les gens âgés, payés en partie par des impôts prélevés sur les riches. Pendant des mois, le bras de fer s’est poursuivi entre les 95 membres du caucus progressiste et deux sénateurs démocrates « centristes », Joe Manchin et Kyrsten Sinema, qui se proclamaient, toujours d’un ton pieux, outrés par les présumés dangers d’inflation et d’un déficit fédéral grandissant. En fait, Manchin et Sinema étaient outrés qu’on puisse envoyer autant d’argent aux pauvres sans d’abord les soumettre à des obligations de travail et qu’une bonne partie des dépenses soit prise dans les poches des donateurs huppés du Parti démocrate. Manchin, chouchou de l’industrie du charbon dans son État de Virginie-Occidentale, n’était pas non plus ravi de voir autant d’argent investi dans des projets anti-combustibles fossiles. Avec une infime majorité démocrate, les 95 résistants de gauche ont pu entraver Manchin et Sinema, étant donné que les députés républicains de la Chambre étaient quasi unanimes dans leur opposition aux deux projets de loi. Pas de projet social, ont dit avec insistance les progressistes, pas de projet d’infrastructures.

Toutefois, derrière leur rhétorique de bravoure, les progressistes pliaient, petit à petit, devant la pression de Biden, qui cherchait à apaiser Manchin plutôt que la gauche. Durant les « négociations », le montant estimé du BBB a baissé presque de moitié, jusqu’à 1800 milliards. Pourquoi ? Parce que Biden n’est ni le nouveau Franklin D. Roosevelt ni un progressiste — c’est un apparatchik de souche qui se retrouve par instinct aux côtés du clientéliste Manchin. Leur connivence a abouti le 5 novembre lorsque Nancy Pelosi, présidente de la Chambre et également démocrate réglo, a poussé les 58 membres noirs du caucus à faire pression sur les progressistes pour qu’ils capitulent et votent le projet d’infrastructures sans condition. Les démocrates noirs ont suivi la cheffe Pelosi — depuis le meurtre de George Floyd, ils possèdent un atout moral puissant —, et le projet d’infrastructures a été promulgué à 228 voix contre 206. Parmi le caucus démocrate, seuls les six frondeurs les plus radicaux (dont AOC), faisant partie de ce qu’on nomme le Squad, ont voté non.

Donc, il n’y avait plus de levier sur Manchin et Sinema. Mais voilà que le 19 novembre, comme si de rien n’était, la Chambre a voté à 220 voix contre 213 pour le BBB, déjà émasculé par Manchin et Sinema avec l’accord du président et du chef de la majorité au Sénat, Charles Schumer, lui aussi un serviteur fidèle de la machine démocrate. En juillet, Manchin et Schumer avaient signé en secret un genre de contrat qui projetait un BBB qui ne dépasserait pas les 1500 milliards. Il semble que tout ait été arrangé d’avance — que c’est Manchin qui avait dicté l’envergure du BBB dès son début. Peu importe que la Chambre ait voté un BBB d’environ 2000 milliards, car Manchin tient les rênes; avec le Sénat à égalité 50-50 entre les deux partis, son soutien est indispensable, et il va encore exiger des réductions importantes avant qu’une version finale du BBB ne soit présentée aux deux chambres.

Et Biden, l’hypocrite qui dormait tranquillement à Glasgow? Aujourd’hui, le président américain peut se féliciter de son alliance avec un véritable baron du charbon — en bel hommage à la vertueuse Greta Thunberg et à la croisade sainte contre le changement climatique.

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Marina Mesure

Syndicalisme international

Marina Mesure is a specialist of social issues. She has worked for several years with organizations defending workers’ rights such as the European Federation of Building and Wood Workers.

She has campaigned against child labor with the International Labor Organization, against social dumping and the criminalization of unionism. As a famous figure in the international trade union world, she considers that the principle of “equal work, equal pay « remain revolutionary: between women and men, between posted and domestic workers, between foreigners and nationals ».

Marina Mesure, especialista en asuntos sociales, ha trabajado durante varios años con organizaciones de derechos de los trabajadores como la Federación Europea de Trabajadores de la Construcción y la Madera.

Llevo varias campañas contra el trabajo infantil con la Organización Internacional del Trabajo, contra el dumping social, y la criminalización del sindicalismo. Es una figura reconocida en el mundo sindical internacional. Considera que el principio de « igual trabajo, igual salario » sigue siendo revolucionario: entre mujeres y hombres, entre trabajadores desplazados y domésticos, entre extranjeros y nacionales « .

Spécialiste des questions sociales, Marina Mesure travaille depuis plusieurs années auprès d’organisations de défense des droits des travailleurs comme la Fédération Européenne des travailleurs du Bâtiment et du Bois.

Elle a mené des campagnes contre le travail des enfants avec l’Organisation internationale du travail, contre le dumping social, la criminalisation du syndicalisme. Figure reconnue dans le monde syndical international, elle considère que le principe de « travail égal, salaire égal » est toujours aussi révolutionnaire : entre les femmes et les hommes, entre les travailleurs détachés et domestiques, entre étrangers et nationaux ».

Sophia Chikirou

Directrice de la publication

Sophia Chikirou is the publisher of Le Monde en commun. Columnist, director of a documentary on the lawfare, she also founded several media such as Le Média TV and the web radio Les Jours Heureux.

Communications advisor and political activist, she has worked and campaigned in several countries. From Ecuador to Spain, via the United States, Mexico, Colombia, but also Mauritania, she has intervened with progressive and humanist movements during presidential or legislative campaigns.

In 2007, she published Ma France laïque (La Martinière Editions).

Sophia Chikirou es directora de la publicación de Le Monde en commun. Columnista, directora de un documental sobre el lawfare, también fundó varios medios de comunicación tal como Le Média TV y la radio web Les Jours Heureux.

Asesora de comunicacion y activista política, ha trabajado y realizado campañas en varios países. Desde Ecuador hasta España, pasando por Estados Unidos, México, Colombia, pero también Mauritania, intervino con movimientos progresistas y humanistas durante campañas presidenciales o legislativas.

En 2007, publicó Ma France laïque por Edicion La Martinière.

Sophia Chikirou est directrice de la publication du Monde en commun. Editorialiste, réalisatrice d’un documentaire sur le lawfare, elle a aussi fondé plusieurs médias comme Le Média TV et la web radio Les Jours Heureux.

Conseillère en communication et militante politique, elle a exercé et milité dans plusieurs pays. De l’Equateur à l’Espagne, en passant par les Etats-Unis, le Mexique, la Colombie, mais aussi la Mauritanie, elle est intervenue auprès de mouvements progressistes et humanistes lors de campagnes présidentielles ou législatives.

En 2007, elle publiait Ma France laïque aux éditions La Martinière.

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