Cet article fait partie du dossier de la Révolution citoyenne

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Leçons politiques du peuple bolivien

Ce qui s'est passé en Bolivie entre octobre 2019 et novembre 2020 est un moment intense de l'histoire du continent sud-américain. C'est aussi, pour le reste du monde, une leçon ou des leçons qu'il faut apprendre. Le Monde en commun publie cette chronique de la députée Mathilde Panot, celle "qui n'a peur de rien" comme le dit Jean-Luc Mélenchon. Avant la Bolivie, elle a voyagé en Algérie, en Turquie aussi, où chaque fois, sa présence a beaucoup "énervé" les autorités. Elle veut "revenir ici sur mon déplacement en Bolivie du 4 au 12 novembre 2020, car c’est peut-être la seule lecture que vous aurez à ce sujet".

Mathilde Panot est députée du Val-de-Marne et Vice-présidente du groupe La France insoumise à l'Assemblée nationale. Elle a séjourné en Bolivie au moment de l'investiture du Président Luis Arce et du retour d'exil de Evo Morales.

La presse française se fait bien silencieuse sur le retour victorieux de la démocratie dans l’État plurinational de Bolivie, et surtout sur l’investiture du nouveau président Luis Arce et de son vice-président David Choquehuanca, élus dès le premier tour à 55% des voix le 18 octobre dernier. Pourtant ce qui s’est déroulé en Bolivie est historique. Le peule bolivien a réussi par la voie la plus pacifique, le vote, à mettre en échec un coup d’État.

Déni du coup d’État

Alors pourquoi n’avez rien entendu sur cet épisode historique ? Ce silence s’explique aisément. La presse française dans sa grande majorité avait relayé largement le récit hostile à l’existence du coup d’État. Emboîtant le pas au gouvernement français qui ne dénonçait en rien ce putsch. Lorsqu’au nom du groupe la France Insoumise à l’Assemblée nationale, j’avais posé une question au gouvernement le 12 novembre 2019, Amélie de Montchalin, secrétaire d’État chargée des affaires européennes, refusait de reconnaitre le coup de force qui avait expulsé du pouvoir Evo Morales.

Pourtant comment qualifier autrement une situation où les militants sont menacés physiquement, ainsi que leurs familles ? Où un général de l’armée somme publiquement le président Morales de quitter le pouvoir ? Où la maire de Vinto, Patricia Arce du MAS (Mouvement vers le socialisme) fut kidnappée, tondue et trainée sur 5 kilomètres couverte de peinture rouge ? Où le directeur de la radio du syndicat des travailleurs paysans fut ligoté à un arbre ? Comment qualifier autrement une situation où des massacres ont lieu à l’encontre surtout des populations indigènes, entraînant 35 morts ? Où le dirigeant d’extrême-droite Camacho, cet évangéliste fondamentaliste, se rend dans la maison du peuple, prier sur le drapeau de l’État plurinational de Bolivie pendant que les symboles indigènes étaient brûlés ?

Oui le peuple bolivien fut victime d’un coup d’État d’une très grande violence.  L’État plurinational de Bolivie aiguisant les appétits états-uniens notamment pour ses très grandes réserves de lithium. Le patron de Teslan Elon Musk, ne s’en était d’ailleurs pas caché répondant à un tweet qui disait « Le gouvernement américain organise un coup d’État contre Evo Morales en Bolivie pour que vous puissiez y obtenir du lithium » par : « Nous renverserons [les systèmes politiques] que nous souhaitons ! Faites avec ».

Retour de la démocratie et de la dignité

C’est la première fois dans l’histoire d’Amérique Latine qu’un peuple arrive à mettre en échec un coup d’État en seulement 11 mois. Le peuple bolivien écrit l’histoire par la force des urnes. Ce 18 octobre la mobilisation populaire fut massive avec 88% de participation. Victoire du MAS d’autant plus importante que la Bolivie a connu les nouveaux types de coups d’État.

Fini le dictateur avec l’armée qui reste en place pendant des années.

Ces nouveaux putschs se donnent une apparence démocratique. Jeanine Áñez, sénatrice qui s’était déclarée présidente l’assurait : elle organiserait des élections. Que se serait-il passé si l’autre candidat Carlos Mesa avait gagné ce 18 octobre 2020 ? Tous les pays l’auraient reconnu et d’un coup d’État, se retrouverait un pouvoir en place avec la légitimité d’un président élu quelques soient les conditions de ces élections. D’où le coup de force du peuple bolivien qui a réussi à reconquérir la démocratie notamment grâce à l’organisation d’un mouvement populaire très fort autour du MAS qui regroupe des syndicats, des mouvements citoyens et indigènes.

J’étais invitée par la nouvelle présidence, en tant que vice-présidente du groupe La France insoumise à l’Assemblée nationale, à me rendre à La Paz, capitale bolivienne, afin d’y représenter mon mouvement politique et le président de son groupe parlementaire Jean-Luc Mélenchon.

Assister à la cérémonie d’investiture avec la présence de nombreux chefs d’État, fut un honneur et une grande émotion pour notre délégation.

Nous y étions seuls à représenter la France avec l’ambassadeur de France en Bolivie.

Cette victoire électorale représente une étape historique pour nous et notre famille politique à travers le monde : seul le nombre du peuple met en échec la confiscation violente du pouvoir.

Grâce à une campagne populaire et massive, dans des conditions sanitaires difficiles, les candidats et militants du MAS ont su faire porter au sommet de l’État le changement radical dont le pays avait besoin après 11 mois de malheur. C’est pour nous, ici en France, à l’heure où la droite libérale macroniste n’a plus rien à envier à l’extrême-droite lepéniste, une grande source d’inspiration et d’espoir dans les mois qui s’annoncent.

Le peuple bolivien va devoir faire face à d’immenses défis : le pays est largement surendetté après ces 11 mois de putsch, il leur faut reconstruire une économie mise à mal avec le coronavirus (le tourisme et le prix des matières premières s’étant effondré) et gérer une extrême-droite qui refuse le résultat démocratique. Ainsi trois jours avant l’investiture, un attentat à la dynamite visait le nouveau président élu Luis Arce Catacora contre la maison de campagne du MAS. Le gouvernement bolivien a commencé par établir un impôt de solidarité sur les plus riches du pays et à renouer des relations diplomatiques mises à mal par le coup d’État.

Bien communs et enjeux écologiques

Nous nous sommes rendus lors de notre déplacement bolivien au lac Titicaca, première réserve d’eau naturelle de toute l’Amérique latine.

Situé entre Pérou et Bolivie, le lac qui est alimenté par 25 rivières est aujourd’hui menacé par la pollution minière, agricole et de celle des villes, créant une eutrophisation des milieux, menaçant la faune, la flore et la survie économique des habitants autour du lac.

A titre d’exemple en octobre 2016, 10.000 grenouilles géantes sont mortes d’un coup à cause de ces phénomènes de pollutions.

Il existe un fort enjeu écologique à protéger le lac Titicaca quand on sait qu’en 40 ans la température du lac a augmenté d’un degré et que les prévisions scientifiques prévoient entre 4,5 et 6 degrés d’augmentation de température d’ici 100 ans. Soit le double que le réchauffement prévu sur la planète.

Nous avons eu la chance de pouvoir échanger avec les scientifiques de l’Institut de Recherche pour le développement (IRD) qui mènent un travail de suivi des données concernant le lac Titicaca depuis 40 ans. Ce travail de recherche permet d’apporter un éclairage scientifique aux autorités bolivienne dans le cadre d’un travail de coopération qui je l’espère reprendra au plus vite.

La Bolivie a là aussi beaucoup à nous apprendre car c’est l’un des premiers pays à avoir inscrit dans sa Constitution en 2009 le droit à l’eau pour toutes et tous. Grace à une proposition de la Bolivie, le droit humain à l’eau a été reconnu par Le Conseil des droits de l’homme des Nations unies à travers une résolution de juillet 2010. David Choquehuenca, vice-président de l’État plurinational de Bolivie, avec qui nous avons eu la chance d’échanger lors de notre déplacement, nous indiquait vouloir se battre pour qu’existe une organisation mondiale pour l’eau comme il en existe sur l’alimentation.

Ce déplacement a été aussi l’occasion pour moi de rencontrer la représentation Française locale, et de répondre positivement à l’honneur que m’a fait Monsieur l’Ambassadeur de France en Bolivie en présidant la cérémonie de commémoration du 11 novembre 1918 à l’Ambassade de France à la Paz.

Le jour de l’investiture de Louis Arce et de David Choquehuanca correspondant au jour de proposition de candidature à l’élection présidentielle de Jean-Luc Mélenchon en France, nous avons aussi rencontré des insoumis français actifs pour soutenir nos actions et mener campagne pour l’Avenir en Commun en Bolivie aussi. Au plus haut niveau de nos hôtes, la sympathie pour les insoumis marque la fraternité des luttes internationales.

Je ne peux pas terminer ce long billet sans une pensée émue aux familles des morts des massacres perpétrés à qui nous avons rendu hommage en présence aussi d’un représentant du Haut-Commissariat aux droits humains de l’ONU et la Defensora del pueblo.

La Bolivie a envoyé un message d’espoir au monde entier. Le peuple est toujours la solution ! Même dans les moments les plus sombres, rappelons-nous que nous avons toujours la force de changer l’histoire et d’ouvrir des horizons heureux ! Merci au peuple bolivien pour sa quête de liberté qui fait écho à la nôtre en France !

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Marina Mesure

Syndicalisme international

Marina Mesure is a specialist of social issues. She has worked for several years with organizations defending workers’ rights such as the European Federation of Building and Wood Workers.

She has campaigned against child labor with the International Labor Organization, against social dumping and the criminalization of unionism. As a famous figure in the international trade union world, she considers that the principle of “equal work, equal pay « remain revolutionary: between women and men, between posted and domestic workers, between foreigners and nationals ».

Marina Mesure, especialista en asuntos sociales, ha trabajado durante varios años con organizaciones de derechos de los trabajadores como la Federación Europea de Trabajadores de la Construcción y la Madera.

Llevo varias campañas contra el trabajo infantil con la Organización Internacional del Trabajo, contra el dumping social, y la criminalización del sindicalismo. Es una figura reconocida en el mundo sindical internacional. Considera que el principio de « igual trabajo, igual salario » sigue siendo revolucionario: entre mujeres y hombres, entre trabajadores desplazados y domésticos, entre extranjeros y nacionales « .

Spécialiste des questions sociales, Marina Mesure travaille depuis plusieurs années auprès d’organisations de défense des droits des travailleurs comme la Fédération Européenne des travailleurs du Bâtiment et du Bois.

Elle a mené des campagnes contre le travail des enfants avec l’Organisation internationale du travail, contre le dumping social, la criminalisation du syndicalisme. Figure reconnue dans le monde syndical international, elle considère que le principe de « travail égal, salaire égal » est toujours aussi révolutionnaire : entre les femmes et les hommes, entre les travailleurs détachés et domestiques, entre étrangers et nationaux ».

Sophia Chikirou

Directrice de la publication

Sophia Chikirou is the publisher of Le Monde en commun. Columnist, director of a documentary on the lawfare, she also founded several media such as Le Média TV and the web radio Les Jours Heureux.

Communications advisor and political activist, she has worked and campaigned in several countries. From Ecuador to Spain, via the United States, Mexico, Colombia, but also Mauritania, she has intervened with progressive and humanist movements during presidential or legislative campaigns.

In 2007, she published Ma France laïque (La Martinière Editions).

Sophia Chikirou es directora de la publicación de Le Monde en commun. Columnista, directora de un documental sobre el lawfare, también fundó varios medios de comunicación tal como Le Média TV y la radio web Les Jours Heureux.

Asesora de comunicacion y activista política, ha trabajado y realizado campañas en varios países. Desde Ecuador hasta España, pasando por Estados Unidos, México, Colombia, pero también Mauritania, intervino con movimientos progresistas y humanistas durante campañas presidenciales o legislativas.

En 2007, publicó Ma France laïque por Edicion La Martinière.

Sophia Chikirou est directrice de la publication du Monde en commun. Editorialiste, réalisatrice d’un documentaire sur le lawfare, elle a aussi fondé plusieurs médias comme Le Média TV et la web radio Les Jours Heureux.

Conseillère en communication et militante politique, elle a exercé et milité dans plusieurs pays. De l’Equateur à l’Espagne, en passant par les Etats-Unis, le Mexique, la Colombie, mais aussi la Mauritanie, elle est intervenue auprès de mouvements progressistes et humanistes lors de campagnes présidentielles ou législatives.

En 2007, elle publiait Ma France laïque aux éditions La Martinière.

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