« Débâcle », c’est le mot qui a été prononcé pour qualifier le débat que les citoyens américains ont dû endurer. Un « shitshow », c’est-à-dire un « débat de merde ». Un commentateur indiquait en ce sens qu’il s’agissait du pire débat présidentiel jamais tenu.
De quoi ont débattu Trump et Biden ? De tout : on ne peut pas reprocher au journaliste de FoxNews, Chris Wallace, d’avoir éludé une seule des questions d’actualité. En guise de réponse, les candidats ont surtout jonglé pour ne pas prendre position avec en bonus, les insultes fréquentes de Donald Trump pour ponctuer les mensonges qu’il assène au public américain.
De son côté, Joseph Biden Jr, le candidat démocrate a endossé le costume du « modéré », faisant tout son possible pour prendre ses distances avec l’aile progressiste de son parti quand Trump qualifiait Sanders de « révolutionnaire d’extrême gauche ». Ce mot est pleinement devenu un mantra dans la rhétorique de Trump : « leftist », gauchiste. Par cette manœuvre, il cherche à amener à lui des « modérés » en saupoudrant ses arguments avec ce mot, dans un style qui n’a rien à envier à celui du Sénateur McCarthy du temps de sa campagne contre des intellectuels et artistes soupçonnés d’être communistes.
Il faut dire que dire que face aux nombreuses manifestations contre les violences policières, Trump a choisi d’exacerber les tensions qui traversent le pays : pour lui les manifestants sont des « extremist leftists » (extrême gauche) qu’il oppose aux patriotes comme ce groupuscule suprémaciste « The Proud boys ».
Il s’agit là d’une stratégie de guerre civile. Les « Antifa » dont parle Trump pour qualifier les manifestants sont une création qui vise avant tout à légitimer la répression et les interventions musclées de groupes d’extrême droite qui surgissent dans des manifestations pacifiques avec une violence extrême.
Autre controverse qui a plané sur le débat télévisé : Trump déclare ouvertement son manque de confiance dans le système électoral (il exprime sa défiance vis-à-vis du vote par correspondance) et laisse planer le doute sur sa volonté à accepter le résultat s’il était battu. Une stratégie du parti Républicain, celle du « vote suppression » : tout faire pour que le moins possible de gens aillent voter dans un contexte où la crise du Covid va pousser beaucoup d’Américains à voter par correspondance. Aux dernières élections, 30 millions de personnes avaient choisi cette forme de vote. On peut s’attendre à un nombre très supérieur en novembre. En créant un doute sur ce mode de scrutin, Trump se prépare à des arguments en cas de défaite.
Ce premier débat n’a fait que confirmer la situation. Un Donald Trump qui n’est concerné que par sa personne, et un Joseph Biden Jr. dont on ne peut espérer que « le moins pire ». La démocratie est la grande perdante de cette campagne et c’est peut-être elle qui est en danger à l’issue de cette élection présidentielle.