Ses chefs, bien plus éclairés que les civils qui les commandent, avaient dès les premières heures clairement déclaré qu’il n’y aurait jamais de solution militaire sur place et qu’une intervention armée sans projet politique ne mènerait nulle part. Comme d’habitude, les dirigeants politiques français se sont enivrés de la toute puissance de nos armes sans se projeter dans un projet raisonnable de sortie du Mali. La mort de nos soldats n’a rien changé à cette inaction une fois passés les premiers moments d’émotion. Comme d’habitude nos appels au retrait ont été rangé dans la catégorie traditionnelle des abandons de poste et du défaitisme.
Comment 12000 casques bleus, 5000 français déployés avec leur matériel, peuvent-ils être tenus en échec par 1000 mercenaires mal armés ?
La question n’est pas posée. Les gouvernants français et leurs bons amis locaux ont cru, comme d’habitude, que tout pourrait continuer du moment que les apparences de la stabilité seraient sauves. Nous avons dit que seuls les maliens sauraient ce qui est bon pour eux et le feraient savoir un jour où l’autre. Cela nous a valu les commentaires acides que l’on devine. Journalistes scrogneugneu et politiciens à jugulaires ont joué du menton. La peau des autres ne leur coûte rien, l’honneur de nos armes et le sens de la présence de la France les indiffèrent.
Pourtant ce moment des maliens est désormais venu, comme nous l’avions prévu et comme n’importe qui aurait pu le dire pour peu qu’il en ait le courage, comme nous.
Le peuple Malien s’exprime. Son message : « qu’ils s’en aillent tous »
Le fatras politique pourri que notre pays a soutenu à bout de bras s’écroule. La réplique du pouvoir en place a été de remettre en cause l’élection de 31 députés de l’opposition. Car ceux là ajoutés à ceux qui ne sont pas mis en cause forment une majorité à l’assemblée nationale. Evidemment il y a eu la répression féroce des manifestants: 11 morts. Cette violence est désormais moralement tolérée du fait de l’exemple de l’usage disproportionné de la force en France contre les manifestants et en particulier contre l’insurrection des gilets jaunes. Aussitôt la propagande a pris le relais. Que 23 sur 24 des candidats à la présidentielle se soient regroupés dans le rejet du système en place, que le mouvement M5 regroupe l’opposition dans sa totale diversité, que les manifestations n’aient jamais faibli : rien de tout cela ne compte.
Le pouvoir politique français, les oligarques qui l’entourent, ses clientèles véreuses locales font bloc autour d’un roman de propagande commun. L’opposition M5-FP compte en effet parmi ses soutiens un imam, monsieur Dicko, qui n’est pourtant pas membre de la direction du mouvement. Le prétexte est donc tout trouvé pour diaboliser l’opposition dans son ensemble présentée comme une bande de putschistes islamistes. Hélas pour les inventeurs de cette histoire trop connue, l’imam Dicko s’est récemment prononcé pour le maintien au pouvoir du président en place. Ce, que rejette tout le reste de l’opposition. Pour autant l’opposition ne l’a pas dénoncé, refusant le piège de la division du peuple qui est le véritable objectif des pouvoirs tutélaires sur le Mali. La grande masse des maliens, inclus les conservateurs comme l’imam Dicko, est unie contre les djihadistes qui ensanglantent le nord du pays. Tous savent comment ils ont bénéficié après 2011 de l’effondrement de la Libye dans les conditions que l’on sait.
Selon nous, le moment est à la solidarité avec la révolution citoyenne du peuple malien
Sachez sur place que des Français s’intéressent à ce qui se passe là-bas et se sentent en harmonie avec l’insurrection populaire. Il importe que nos amis sur place sachent aussi que l’armée française exécute les ordres qu’elle reçoit du pouvoir politique français. Ses soldat(e)s ne peuvent être tenus pour responsables des décisions de ce pouvoir. L’armée française n’a aucune participation à l’action contre la révolution citoyenne malienne. Aussi longtemps que tel est le cas ne les considérez pas comme des ennemis car ils ne le sont pas. Pour ma part, avec mes amis du site, le « Monde en commun », j’échange avec des leaders progressistes du mouvement comme Cheick Oumar Sissoko, cinéaste à la tête du mouvement de la société civile Espoir Mali Koura, et ancien ministre de la culture incarnant la tradition altermondialiste au Mali, ou Oumar Mariko, figure de la gauche anticapitaliste et anti-impérialiste. Ces échanges visent à recueillir le sentiment de nos amis sur l’étape en cours de la révolution citoyenne. Les maliens savent ce qu’ils ont à faire.
Pour reprendre les principaux mots d’ordre du M5-RFP, ils n’acceptent plus les détournements de fonds massifs qui font obstacles à la sécurité et au développement du pays. Ils condamnent l’usage disproportionné de la force et demandent une enquête internationale sur les violences du 10 juillet. Ils exigent que soit rétabli un fonctionnement régulier des institutions de la République. Ils réclament des réformes de la Constitution, du code électoral etc. Ils souhaitent que le processus de paix avec les groupes armés qui sillonnent le nord du pays soit relancés, en des termes qui servent les intérêts du peuple malien et non ceux ce telle ou telle oligarchie des puissances engagées dans la zone.
Ils exigent enfin l’organisation de nouvelles élections. On notera qu’aucune revendication du M5-RFP n’a le moindre caractère religieux. Toutes les revendications visent à renforcer la démocratie malienne et le caractère laïque de la nation. Elles renvoient aux dynamiques universelles des révolutions citoyennes. J’en appelle au réveil de l’opinion sensible de mon pays. Qu’une nouvelle fois une poignée d’affairistes et leurs complices locaux ne rendent pas la France détestable dans un peuple où elle a tant d’amis en plus de l’usage en commun d’une langue.
La France doit faire le choix du peuple, au Mali comme ailleurs.