Selon des données récemment publiées, un nombre impressionnant d’enfants sont tombés sous le seuil de pauvreté en très peu de temps. L’étude publiée par le Centre sur la pauvreté et la politique sociale de l’université Columbia révèle que le taux mensuel de pauvreté infantile aux États-Unis est passé de 12,1 % en décembre 2021 à 17 % en janvier 2022. Il s’agit du taux le plus élevé depuis fin 2020. Tout compte fait, la hausse signifie que quelques 3,7 millions d’enfants supplémentaires sont soudainement devenus pauvres. Les enfants noirs et latinos connaissant l’augmentation la plus importante.
Des décennies de rhétorique politique et de réflexion sur la politique sociale portées par divers think tanks ont tenté de brouiller la définition et les causes de la pauvreté. Malgré ce travail de sape, le lien de causalité de cette hausse soudaine et la fin d’aides gouvernementales est évident et indéniable. Entre juillet et décembre dernier, l’Internal Revenue Service (IRS, service des impôts états-unien) a envoyé des milliards d’aides économiques aux familles dans le cadre d’un programme de crédit d’impôt pour l’enfance, adopté par le Congrès en mars. Le programme, qui prévoyait l’envoi de paiements d’une valeur de 250 dollars par mois pour les enfants âgés de six à dix-sept ans et de 300 dollars par mois pour les enfants de moins de six ans, représentait une expérimentation à grande échelle dans le transfert direct d’argent liquide par gouvernement aux bénéficiaires. (La taille des bénéficiaires a été réduite avant de finalement exclure du programme les familles à revenu élevé.) Il a expiré fin décembre et les démocrates étant incapables d’en négocier la prolongation – en grande partie à cause des demandes volontairement exagérées du sénateur de Virginie-Occidentale Joe Manchin. Celui-ci a insisté pour que tout renouvellement du programme s’accompagne du respect de certaines exigences de travail pour les familles, stigmatisant ainsi celles à faibles ressources, et d’un plafond de revenu.
Pendant la courte vie du programme, ses résultats ont été rapides et immédiatement mesurables. Selon diverses notes mensuelles publiées par le Centre sur la pauvreté et la politique sociale, le crédit d’impôt pour l’enfance a permis à des millions d’enfants de sortir de la pauvreté chaque mois : 3 millions en juillet, 3,5 millions en août, 3,4 millions en septembre, 3,6 millions en octobre, 3,8 millions en novembre et 3,7 millions en décembre. Comme le soulignent ses chercheurs, la capacité accrue des familles à répondre à leurs besoins fondamentaux a également réduit la faim et n’a pas non plus eu d’impact visible sur l’emploi des parents.
L’adoption suivie de l’expiration du crédit d’impôt pour l’enfance est une étude de cas sur la facilité et la rapidité avec lesquelles la pauvreté peut être réduite grâce aux programmes gouvernementaux. Tout au long des années 80 et 90, une vision bipartite portée par des décideurs politiques conservateurs et libéraux a insinué de diverses façons que les programmes du New Deal et de la Great Society étaient en fait responsables du maintien des bénéficiaires dans la pauvreté. Leur solution : démanteler une grande partie de ce qui était déjà un État-providence états-unien très fragile et incomplet. Cette proposition s’accompagnait d’une série d’explications culturelles dégradantes (et souvent ouvertement racistes) sur l’origine de cette pauvreté avec une gamme de solutions fondées sur l’économie de marché pour les en sortir.
Comme le montre la forte hausse du nombre d’enfants sous le seuil de pauvreté, cette façon de penser est à la fois fausse et un modèle moralement inacceptable. Personne ne devrait être pauvre et personne n’a besoin de l’être. La pauvreté est la résultante d’un choix politique plutôt que d’un échec personnel. Et, si vous voulez la réduire, donner de l’agent au gens est la solution. C’est aussi simple que ça.