« La sécheresse sera la prochaine pandémie mondiale. » Quand je l’ai dit dans mon meeting en réalité augmentée, je n’ai pas eu l’attention que j’aurais souhaitée. Mais maintenant, c’est officiel. Qui se risquerait à taxer l’ONU de complotiste ? Les auteurs du rapport tirent la sonnette d’alarme dans un rapport publié le 17 juin dernier. D’ici 2025, la moitié de la population mondiale vivra dans des régions confrontées à des pénuries d’eau. En réalité, la pandémie est déjà commencée.
En effet, la température moyenne mondiale a seulement augmenté de 1,2°C. Mais la fournaise est déjà mondiale. Un record de température terrestre a été mesuré l’année dernière en Iran et au Mexique. Le mercure a passé les 80°C, soit 10°C de plus que le précédent record de 2005. Mais cette fournaise concerne aussi les régions les plus froides de la planète. Ainsi, au mois de mai, il faisait déjà plus de 30°C dans le cercle Arctique. Les 50°C du dôme de chaleur ont fait au moins 500 morts en une semaine au Canada.
Le manque d’eau et les températures extrêmes sont déjà subis par des dizaines de milliers d’individus à travers le monde. Mais elles ne touchent pas tout le monde de la même façon. Ainsi, au Canada et aux États-Unis, les plus fortunés prennent d’assaut les hôtels climatisés. Le modèle économique dominant achève de créer les conditions du chaos. En effet, sa logique d’accumulation se matérialise par l’accaparement des ressources, le manque d’investissement chronique et l’affaiblissement des services de l’État. Ce cocktail risque de conduire à la même gestion catastrophique que celle qui a prévalu face au Covid-19. La superposition des conditions sociales et écologiques produit des engrenages dévastateurs.
C’est le cas au Brésil. Le pays subit la pire sécheresse depuis un siècle. Celle-ci menace d’abord la production hydroélectrique. En effet, la sécheresse sévit notamment dans le bassin où le potentiel hydroélectrique est le plus élevé. Cela est très préoccupant car les barrages fournissent 60% de la production électrique du pays. Le gouvernement a sollicité davantage les centrales thermiques afin d’éviter la panne ou le rationnement. Or, leur coût opérationnel est plus élevé. En conséquence, le prix de l’électricité a déjà augmenté. Ce n’est pas tout. La sécheresse concerne aussi les régions les plus agricoles. Mécaniquement, les prix des produits risquent d’augmenter. Certains experts prévoient déjà une hausse de l’indice des prix à la consommation de 5,8 % cette année. Un Brésilien sur six vit déjà dans l’extrême-pauvreté. L’enfer social va encore se réchauffer.
La situation n’est pas meilleure ailleurs. Alors que la spéculation sur l’eau y est désormais possible, les incendies deviennent la norme dans l’Ouest des États-Unis. Outre la sécheresse, les défaillances du réseau électrique non entretenu par l’opérateur privé sont aussi en cause. L’eau, si précieuse pour éteindre les méga-incendies, vient à manquer. En effet, l’essentiel de l’Ouest américain est déjà en état de sécheresse sévère. Concrètement, le niveau du lac Mead est seulement au tiers de sa capacité. Il dessert dans plusieurs États les villes et les cultures très gourmandes en eau. Or, il n’a jamais été aussi bas depuis sa création dans les années 1930. C’est pourtant le plus grand réservoir artificiel du pays. Les boursicoteurs se frottent déjà les mains.
À Mexico, la sécheresse sévit depuis le mois de février. D’après les scientifiques, il pleut de moins en moins chaque année. Or, un habitant sur six ne dispose déjà pas d’eau tous les jours au robinet. Pire, 1,8 millions dépendent exclusivement de camions-citernes de ravitaillement. Pour finir, le réseau est vétuste : un tiers de l’eau se perd en fuites. Mais pas pour tout le monde. En effet, les quartiers riches puisent dans les nappes phréatiques sous la ville. Cela sans connaître l’état exact des réserves. Le pompage est tel que la cité s’affaisse de deux centimètres par an. Jusqu’à quand ?
Cette « pandémie » ne s’arrêtera pas aux frontières nationales. Au contraire, nous nous dirigeons vers un quatrième été de sécheresse d’affilée. 80 départements sont d’ores et déjà menacés de sécheresse. Les Français ne s’y trompent pas : les deux tiers craignent de manquer d’eau dans leur région. Cela ne fait que commencer. En effet, les experts de l’Organisation météorologique mondiale ont averti récemment que le seuil de +1,5°C risquait d’être atteint d’ici 2025. Désormais, les canicules seront 5 fois plus fréquentes qu’il y a un siècle. Nous adapter à cette nouvelle donne climatique irréversible est une tâche immense. Il faut s’y atteler dès maintenant. Nous avons pour cela besoin d’un plan d’adaptation sur plusieurs décennies fait d’objectifs et de délais précis. Le Haut-Conseil pour le Climat préconise justement cela dans son dernier rapport. Les députés insoumis avaient déjà intégré cette idée dans le contre-budget présenté en mars 2020.
En effet, la perturbation totale du cycle de l’eau provoque sécheresses intenses et pluies diluviennes. Nous devons donc adapter les infrastructures hydrauliques pour faire face aux deux éventualités. La priorité est d’économiser l’eau pour éviter les pénuries. Or, 1 litre sur 5 se perd en fuites. Il faut donc réparer. La tâche est d’ampleur : la longueur totale du réseau d’eau potable en France fait l’équivalent de 22 fois le tour de la Terre. Ensuite, il faut renforcer les ouvrages qui permettent de la stocker et de l’utiliser à bon escient. Je parle bien sûr des barrages. Les villes aussi doivent être pensées comme des infrastructures hydrauliques à part entière. En effet, le tout-béton empêche l’infiltration dans les nappes. Il transforme, selon le moment, les villes en fours ou en piscines à ciel ouvert. Au contraire, nous devons les végétaliser d’urgence.
En bref, nous devons réorganiser l’État républicain d’après les objectifs écologiques. Celui de la maîtrise du cycle de l’eau conditionne tous les autres. La ministre allemande de l’environnement a présenté début juin une stratégie nationale de l’eau sur trente ans. Elle est assortie d’un budget d’un milliard d’euros sur dix ans. En France aussi, nous avons les compétences et les entreprises pour le faire. 143 formations liées à l’eau existent déjà. La moitié des diplômés sont des Bac-Pro ou des BTS. La filière eau regroupe au total 124 000 emplois. Mais 20% des salariés ont plus de 55 ans. Des milliers de bras supplémentaires sont nécessaires. Il faut donc aussi planifier l’avenir. Qu’attend le gouvernement français pour affronter cette nouvelle pandémie ?