Tu as défendu de profondes réformes du système de sécurité publique, notamment la démilitarisation de la police militaire. Peux-tu nous en dire plus sur cette proposition ?
Luciano – Nous défendons la démilitarisation des organes de sécurité publique au Brésil, en particulier la police militaire et les pompiers. Le modèle de police dans le monde entier est civil. Ce modèle de police militarisée est un héritage de la dictature militaire. Le policier militaire voit le citoyen comme un transgresseur, comme un ennemi, comme s’il était en guerre. Le citoyen fautif devrait être arrêté et emmené devant une autorité pour être jugé, et s’il est reconnu coupable, il devrait être emprisonné et purger sa peine, puis être réinséré dans la société. Le modèle de police militarisée que nous avons considère le citoyen délinquant comme un ennemi qui doit être abattu. C’est un modèle totalement erroné et il provoque de nombreux décès au Brésil. Ce modèle doit être largement débattu par la société.
L’élimination de la militarisation des organes de sécurité publique au Brésil sera un progrès. Parce que la police militaire est considérée comme une force auxiliaire des forces armées. Le modèle de police doit être civil, démocratique, plus communautaire. C’est ce que nous, principalement les membres du mouvement policier antifasciste, défendons depuis notre Manifeste de 2015. Nous prônons une meilleure sécurité, une sécurité plus proche de la société, qui fournit un service démocratique. Par conséquent, nous comprenons que la démilitarisation est la voie à suivre. Mais il est nécessaire de changer ce qui est écrit dans la Constitution fédérale, qui dit que la Police militaire et les Pompiers sont des forces auxiliaires et des réserves des Forces armées.
Tu as été intensément impliquée dans la campagne du président Lula. Comment vois-tu la déclaration de certains secteurs de la presse qui affirment que la majorité des policiers ont soutenu Bolsonaro ? Pourquoi de nombreux policiers ont-ils soutenu Bolsonaro ?
Luciano – Oui. Nous avons participé à la campagne du Président Lula lors de l’élection de 2022, y compris le mouvement de police antifasciste qui a soutenu le Président Lula au second tour. Nous ne comprenons pas que la majorité des policiers au Brésil sont bolsonaristes. Il n’y a pas de recherche qui le détermine, il n’y a pas d’étude quantitative pour que cette thèse soit défendue.
Il y a une partie des forces de police qui est Bolsonariste, et cette partie est assez turbulente. Elle a enfreint les règlements disciplinaires, les codes d’éthique et a même commis des crimes, comme on peut le voir dans la presse. Ils sortent dans les rues en commettant des transgressions disciplinaires, mais ces crimes sont couverts et ne sont pas punis par leurs commandants. Nous ne voyons pas d’action plus forte de la part du ministère public, qui est chargé de faire respecter la loi et qui a le contrôle externe de l’activité de la police.
Nous avons aussi les policiers progressistes dans les forces de police brésiliennes et ces policiers sont représentés par le mouvement antifasciste des policiers, qui est présent dans plus de 20 états. Il y a aussi le mouvement des policiers pour la démocratie. Plusieurs partis de gauche ont des secteurs de sécurité publique. Le PT a des succursales dans 17 États.
Mais une bonne partie des policiers ne prend pas position. Beaucoup ont peur de la persécution et des représailles et ne veulent pas s’identifier à un camp ou à l’autre. D’autres ne se positionnent pas politiquement en tant que policiers, mais dans leur vie privée, ils se positionnent, à la maison, avec leurs amis, de manière réservée. Nous ne comprenons donc pas que la plupart des policiers sont des bolsonaristes.
Le mouvement policier antifasciste a-t-il transmis des propositions à court terme au cabinet de transition du futur gouvernement Lula ?
Luciano : Le mouvement n’a transmis aucune proposition au groupe de transition. Dans notre Manifeste, tu trouveras nos réflexions sur la sécurité publique au Brésil et notre proposition pour améliorer la sécurité publique. Ce manifeste date de 2015, c’est un document de base pour le mouvement policier antifasciste. À ce jour, la Coordination nationale du mouvement policier antifasciste n’a pas été invitée par le groupe de transition à présenter des propositions. Mais si nous étions invités, nous présenterions effectivement nos propositions pour améliorer la sécurité publique au Brésil et valoriser les policiers à tous les niveaux. Nous avons des propositions et nous sommes ouverts au débat.