La troisième table ronde du forum mondial sur les forêts a porté sur le bois et l’éco-construction. Animée par la secrétaire générale de la délégation France insoumise au parlement européen Marina Mesure, avec Coen Van Der Veer, Directeur mondial pour le bois et la foresterie à l’Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois, Emmanuelle Philippo, Responsable pédagogique de l’association LESA et Michel Philippo, co-fondateur de l’association LESA.
Coen Van Der Veer est intervenu en premier, rappelant que sa fédération rassemble 350 syndicats dans le secteur de la construction et la foresterie, elle représente 12,5 millions de travailleurs dans ce secteur et est très impliquée pour les droits des travailleurs migrants.
Monsieur Van Der Veer a donné un chiffre intéressant : la construction représente 40% des émissions mondiales de CO2. Et sur ces 40%, 16% résident dans la phase de construction et de démolition des édifices. Bien évidemment, nous ne pouvons pas totalement arrêter la construction car chaque être humain doit avoir un toit (et un toit digne), mais toute l’intervention de Coen Van Der Veer a porté sur le besoin indispensable d’informer et de faire de la pédagogie autour des matériaux durables et de leur utilisation : « Nous devons revoir l’efficacité énergétique des bâtiments et penser à comment chauffer ces édifices. Nous vivons dans des zones de plus en plus urbanisées. Le taux de construction aura triplé d’ici à 2050 ! Et cela prend des mois pour acheminer des matériaux sur des sites comme Paris. Il faut donc promouvoir des matériaux respectueux de l’environnement qui peuvent être assemblés sur site. Voici les défis auxquels nous sommes confrontés. Tous les syndicats doivent s’apercevoir qu’ils ont un rôle crucial à jouer dans ce secteur et qu’il faut sensibiliser les gens. Un changement de matériau est nécessaire. »
Emmanuelle Philippo est responsable pédagogique de l’association LESA, qui propose des formations et des animations tout public autour de l’éco-construction et de la biodiversité. Les 40% des émissions mondiales de CO2 que représentent la construction est un chiffre qui additionne plusieurs choses : d’abord, la fabrication des matériaux, dont la plupart sont cuits (par exemple, le ciment est cuit jusqu’à 1500 degrés. Ensuite, il y a la mise en oeuvre des chantiers, puis la vie et fin de vie des matériaux. La construction est un secteur qui peut être un levier efficace pour faire face aux bouleversements climatiques que nous traversons.
Voilà pourquoi l’association LESA fait la promotion de matériaux dits « crus » (bois, terre, paille), par opposition aux matériaux conventionnels qui sont cuits lors de leur fabrication. Leurs actions consistent à rédiger des textes programmatiques et à lutter pour qu’ils deviennent des textes de loi. Ils sont en lien avec des députés à l’Assemblée nationale et au Parlement européen. Au niveau communal, les membres de l’association font un travail de sensibilisation auprès des maires et des conseillers municipaux afin de les inciter à utiliser des matériaux présents dans leurs territoires, et pour les faire travailler avec des artisans et constructeurs locaux. « Notre but est de mondialiser cette thématique en donnant des formations partout dans le monde. » Une action difficile car l’association se heurtent aux lobbys, notamment cimentiers.
Michel Philippo, co-fondateur de l’Association LESA a abordé lui, la question de la convergence des luttes et du nécessaire dialogue entre les mondes. Il a donné un exemple : il y a 18 ans, il habitait à côté de la plus grosse cimenterie d’Europe où plein de riverains s’étaient levés pour lutter contre l’incinération de déchets en cimenterie (il y a une quinzaine d’années, le privé s’était mis à incinérer des déchets en cimenterie, en replacement du combustible fossile). Une lutte écologique qu’avait rejoint Michel Philippo à l’époque, et qui a été perdue. Une défaite qu’il explique par l’absence d’une lutte commune qui aurait dû avoir lieu entre les riverains et les travailleurs du bâtiment. « Il ne faut pas oublier les travailleurs du ciment, qui savent mieux que personne comment ça se passe et ce qu’il faudrait faire. Et cela fait des années que ma seule préoccupation consiste à faire des formations dans des écoles, des CAP ou des bacs pros de maçonnerie, pour faire dialoguer tous les futurs travailleurs ».