Grande première en Irlande du Nord où Sinn Féin (« Nous-mêmes »), parti républicain qui défend la réunification avec le reste de l’île, est arrivé en tête des voix, devant le DUP (Democratic Unionist Party, Parti unioniste démocrate). Sinn Féin devrait ainsi constituer le plus grand groupe à l’assemblée sans toutefois obtenir la majorité (27 sièges sur 90). Par ailleurs, si le rapport de force est inversé avec le DUP, avec pour la première fois un Premier ministre issu du Sinn Féin, l’accord du Vendredi saint signé en 1998 impose la présence des deux partis au sein de l’exécutif nord-irlandais. Malgré cela, la victoire de Sinn Féin représente un formidable vecteur d’espoir pour la population qui a désigné le parti républicain en premier choix (le scrutin nord-irlandais étant un scrutin par préférence) à plus de 29 %.
Sinn Féin récolte en effet les fruits d’une campagne menée au plus près des préoccupations des citoyens, sur des thématiques de pouvoir d’achat ou le système de santé, l’évocation de la réunification avec l’Irlande étant poussée à la marge. Une stratégie gagnante dans un territoire où les divisions entre unionistes et républicains ne sont plus les moteurs des discussions entre électeurs, contrairement au sujet des inégalités. De son côté, le DUP a préféré axer son discours autour de la seule opposition au Sinn Féin, diabolisant le parti républicain et ses dirigeants. Une déconnexion sanctionnée par les urnes, les unionistes perdant 40 000 voix en cinq ans soit une baisse de 6,7 %. Le DUP passe de 28 à 25 élus. À noter enfin les très bons résultats du mouvement transpartisan et pacifiste Alliance. Cette troisième voie est la seule force politique à avoir remporté de nouveaux sièges par rapport à l’élection de 2017, passant de 8 à 17 élus.
Cette élection a eu lieu trois mois après le début d’un blocage institutionnel, un de ceux qui ont caractérisé l’exécutif nord-irlandais au cours des quinze dernières années. Pourtant, malgré l’enjeu du rétablissement d’une stabilité politique en Irlande du Nord, le taux de participation est en berne. Le fruit d’une résignation des électeurs : défavorables à la sortie de l’Union européenne, ils ont été contraints de suivre le mouvement du Royaume-Uni, subissant de plein fouet les implications d’une telle décision. Le Sinn Féin a d’ailleurs promis d’organiser un référendum sur la question de l’unification avec l’Irlande au cours des cinq années qui viennent, ce qui devrait remettre cette question européenne au cœur des débats.