En février 2020, 250 millions de travailleurs indiens ont battu le pavé pour quelques droits fondamentaux : un salaire décent, une assurance médicale et une retraite.
Cette mobilisation de centaines de millions de travailleurs de l’est du Bengale-occidental à la pointe de Kerala n’a rien d’anecdotique.
En toile de fond, un chômage qui explose alors même que ce pays voit entrer chaque année 10 à 12 millions de nouveaux actifs sur son marché du travail, des droits humains et sociaux bafoués par un gouvernement qui entend flexibiliser le monde du travail en facilitant les licenciements et en neutralisant les syndicats en leur imposant un taux de représentativité dans les entreprises à 75 % pour pouvoir exister.
Et que dire de la nouvelle loi sur la citoyenneté en Inde qui octroie la citoyenneté aux minorités religieuses persécutées du Bangladesh, du Pakistan et de l’Afghanistan à l’exception de celles de confession musulmane ?
Réforme qui avait suscité l’émoi et de nombreuses manifestations brutalement réprimées par le pouvoir nationaliste hindou. 24 manifestants y ont trouvé la mort.
Malgré les menaces, malgré la répression policière rien n’y a fait, et ce sont 250 millions d’Indiens qui sont descendus dans les rues avec en tête de ces cortèges pour la dignité et un avenir meilleur, les étudiants de 60 universités et les travailleurs ruraux. Puis, les travailleurs du public ont emboîté le pas dans la sidérurgie, le charbon, l’électricité, le transport, les hydrocarbures jusqu’à paralyser une partie du pays. Quelles revendications ? Augmentation du salaire minimum, création d’emplois, respect du droit à un emploi public dans les zones rurales (National Rural Employment Guarantee Act), blocage de l’inflation, respect du droit du travail sans dérogation, sécurité sociale pour tous, retraite mensuelle, ratification des conventions 87 et 98 de l’OIT sur la liberté syndicale et la négociation collective et enfin interdiction des investissements étrangers directs dans des secteurs stratégiques tels que les chemins de fer.
Finalement, ces revendications du bout du monde ne nous sont-elles pas familières ?
Et si elles n’apparaissaient pas seulement en Inde ou en France, mais aussi au Chili, au Liban, au Népal ou au Burkina Faso ? Et si, elles étaient symptomatiques d’un capitalisme mondialisé à bout de souffle, ayant pour seul crédo l’exploitation et la mise en concurrence ? La reconnaissance de ces luttes aux quatre coins du monde ouvre une brèche, favorisant l’union des travailleurs au-delà des frontières et des continents. Cette brèche, nous la portons et lui donnons un visage : celui des jours heureux.