L’accélération du rythme de cette progression frappe d’abord. Quelle accélération ! On la mesure mieux si l’on se souvient qu’il aura fallu deux cent mille ans depuis nos premiers ancêtres pour atteindre le premier milliard de personnes vivant en même temps. C’était à la fin du dix-neuvième siècle. Mais il aura suffi de cent ans pour passer d’un à six milliards. Depuis, le rythme d’augmentation s’affole. Car il n’aura fallu que cinq ans pour compter à nouveau un milliard d’êtres humains supplémentaires entre 2009 et 2014… Oui, il n’aura fallu que cinq ans pour réaliser une augmentation qui avait pris auparavant deux mille siècles !
Le nombre porte en lui une dynamique imparable. On en connait le moteur. Croître, c’est se multiplier encore davantage à la génération suivante. Il faut alors satisfaire des besoins sans cesse croissants. Et il faut donc continuellement trouver les techniques et les matières premières qui rendent cela possible.
La question que cela pose ne concerne pas seulement le rythme d’accroissement de la population. Le nombre de personnes lui-même compte. Passer d’un à deux milliards de personnes vivant en même temps, ce n’est pas la même chose que de cent mille à deux cent mille. Pensons à l’impact sur la nature à laquelle ces masses prennent de quoi vivre, réalisons les conséquences sur la façon d’occuper le territoire et de s’organiser pour vivre en société ! Il est frappant de constater comment l’envol de toutes les courbes montrant l’aggravation dramatique des prédations humaines sur la nature commence avec l’envol du nombre des êtres humains à la moitié du vingtième siècle.
Le nombre met donc en cause le mode consommation et de production des biens matériels. Plus grand est le nombre plus devrait être grand l’esprit de parcimonie dans le recours aux ressources. Mais le système capitaliste lui fonctionne à l’inverse. Il doit augmenter sans cesse le rythme de circulation de l’argent qui devient de la marchandise avant de devenir de nouveau de l’argent. Il doit donc sans cesse créer de nouveaux besoins, augmenter la rapidité de l’obsolescence des produits, étendre le domaine du jetable, niveler les gouts et les pratiques consuméristes pour élargir le marché des produits de masse.
Les paliers d’augmentation du nombre des humains expliquent sans doute le rythme particulier visible dans le déroulement de l’Histoire. En effet, on observe à chaque doublement de la population mondiale un changement radical de la condition humaine elle-même. Ce fut le cas avec le passage de la cueillette à l’agriculture, des outils de pierre à ceux en métal, de la chasse à l’élevage et combien d’autres choses de cette importance qui ont tout changé. Ces grands changements s’opèrent sans bruit d’abord. Nous en savons encore quelque chose. La preuve sous nos yeux, en 2013. C’était l’année du passage à sept milliards d’individus sur terre. Sans bruit et sans écho, cette année-là, il s’est consommé davantage de poissons d’élevage que de poissons pêchés en mer. C’est donc l’année où l’humanité est passé, en mer, de la cueillette à l’élevage.
En ce sens général, on voit comment l’Histoire de l’humanité est d’abord celle de l’évolution du nombre des individus qui la composent. C’est dans cette évolution que réside la dynamique de la civilisation humaine quand on considère celle-ci comme un tout. Tous les autres phénomènes sociaux sont les enfants plus ou moins direct de cette donnée de base.
Certes, la bataille pour la répartition des richesses fonde bien vite une lutte des classes dans toutes les formes de société. Elle s’étend bientôt à tous les domaines de la vie en commun. Mais considéré au plan large de l’histoire longue, la lutte pour la répartition des richesses n’est possible qu’à partir d’un certain niveau de développement complexe de la société humaine. Et ce dernier a pour origine première le nombre des êtres humains. Dans cette dimension du regard, la lutte des classes apparaît comme conséquence de l’Histoire et non comme sa cause. De plus, l’évolution du nombre des humains produit un impact permanent sur les sociétés même quand le mode de production et d’échange reste le même. Du coup, à chaque séquence de l’histoire il faut faire le lien entre le nombre des individus vivants et la forme particulière du développement de la société. Ce lien anime chaque forme de société et reste un facteur explicatif essentiel des évènements qui s’y déroulent. La société contemporaine est directement en proie aux impératifs particuliers que l’augmentation du nombre des humains impose à tous les systèmes sociaux dans l’histoire. Peut-être fallait-il que les choses en soient au point où elles sont à présent pour que nous mesurions l’importance de ce facteur.
Le nombre change la nature des phénomènes humains. Voyez comment il aura suffi d’une très brève période, tout juste un demi-siècle pour que se forment ces immenses étendues urbanisées sans bord dans lesquels vivent les lecteurs de ce texte. Mais combien ont-ils pu s’en rendre compte ? Le phénomène décolle en 1950. Et en cinquante ans seulement 60 % de la population mondiale s’est installée dans un espace urbain ! C’est déjà 80 % sur le continent américain et en Europe. Pourtant, durant de longs millénaires, la vie humaine s’était déroulée en petits groupes de nomades éparpillés. Puis se formèrent les premières communautés sédentaires et les villes ensuite. Puis les siècles ont coulé par centaines. Certes, des villes éblouissantes ont émergé et certaines comme Rome ont fondé des empires qui parfois rayonne toujours en nous. Bien sur l’ère moderne a fait sa large place aux villes. Mais encore au milieu du vingtième siècle, 80 % de la population du globe vivait aux champs. À peine 20 % en ville. Ce monde-là a disparu. Sans retour. Ainsi se sont abolies en même temps sur toute la planète, des différences de conditions de vie et de forme de civilisation qui ont été identifiantes pendant des dizaines de siècles.
L’organisation de l’espace urbain transcrit les dominations qui s’exercent entre ceux qui le peuplent. Dans ces conditions l’organisation physique de la ville est non seulement un fait matériel mais aussi une structure sociale et culturelle globale. Les conflits d’intérêts que contient notre société s’y transposent en quelque sorte comme des réalités physiques. Chacun le sait : quand on nomme son quartier, on en dit plus long qu’une simple adresse ! La répartition sociale de l’espace produit ses enjeux. Pour l’essentiel, ceux-ci finissent souvent par se résumer assez simplement : quelles sont les possibilités d’accès de chacun aux services vitaux dont dépend l’existence quotidienne. Comme la possession du feu a pu être un enjeu de base pour les premiers groupes humains, l’accès aux réseaux collectifs est la condition d’une existence dans la ville sans fin.
Je viens de résumer la théorie de l’ère du peuple dans les trois dimensions qu’elle met en relation. D’abord le nombre qui accroit la prédation sur la nature. Il met en cause le mode de consommation comme source de la catastrophe écologique edn cours. Ensuite la Ville comme forme d’organisation des rapports sociaux de la population. Enfin l’accès aux réseaux collectifs comme enjeu de survie et moteur des luttes sociales.
Le nombre et l’individu. Encore reste-t-il à se méfier des mots qui pourraient nous tromper. Car hier encore, une ville c’était une zone délimitée au milieu de la campagne. A présent ce que nous nommons de cette façon c’est tout autre chose. Il s’agit dorénavant d’un habitat qui s’étire parfois sur des centaines de kilomètres. Ce n’est pas seulement une concentration humaine qui s’étale. C’est un espace social. Toute les relations des êtres humains entre eux s’inscrivent dans les relations qu’il impose. Ils y participent sans alternative possible. Ce monde nouveau, le monde tout urbanisé, est celui d’une population travaillée par des tensions qui lui sont injectées dans les veines par son lieu de vie. L’urbanité formate l’humanité. De la sorte, cette manière de vivre fixe l’identité, les capacités d’action et les limites des êtres humains dans tous les domaines. En ce sens, Homo urbanus, est la nouvelle génération de Sapiens, l’espèce dont nous sommes membres, tous, sans exception.
Voici une conséquence inattendue de cette ère du grand nombre. La singularité individuelle est un fait essentiel de notre temps L’émergence de l’hyper individu est un résultat direct de la société du grand nombre. Encore une fois cela va contre ce que suggère l’intuition. Pourtant le lien entre l’explosion du nombre et l’affirmation de l’individu est mécanique. Plus les personnes sont nombreuses plus elles sont intégrées dans des chaines longues d’interdépendances qui se construisent pour chacun d’une façon différente selon ses besoins et ses demandes. L’individualisation aigüe observable aujourd’hui peut sembler évidente et nous avons tendance à penser qu’il en a toujours été ainsi. Ce n’est pas le cas. Le temps long est fait pour l’essentiel de sociétés où les individus ne pouvaient se penser et s’assumer autrement que comme stricte composante du groupe. On peut dire qu’ils appartenaient au groupe au sens le plus le strict du mot. Cette appartenance s’étendait à tous les domaines et elle prévalait évidemment dans tous les registres des représentations culturelles. Plus récemment, chacun a été encore longtemps défini par des liens stables et limités qui nous posaient aux yeux des autres et donc aux nôtres. Liens dans la famille, dans le quartier, l’immeuble, dans la hiérarchie du métier. Tous ces ancrages sont devenus changeants et trop volatils pour établir une fois pour toutes, à nos propres yeux, qui nous sommes tout au long d’une vie. C’est plutôt l’inverse : à mesure que le nombre s’étend et que la mécanique sociale devient complexe, chaque élément de la communauté humaine se trouve davantage défini par des interdépendances qui s’étendent très largement en dehors du groupe humain étroit dans lequel il évolue. S’y ajoute un foisonnement croissant et changeant de numéros d’ayant droit, de matricules, d’identifiants et de mots de passe dont chacun est seul à connaître le détail, les croisements et les raisons d’être. Enfin l’individualisation de notre temps rencontre son monde. Les injonctions publicitaires narcissiques, les valeurs dominantes de réussite individuelle au prix de l’écrasement des autres, la compétition généralisée pour l’emploi, le salaire, le logement poussent au chacun pour soi et parfois même à la guerre de tous contre chacun.
Au demeurant, la culture marchande qui domine tous les échanges sociaux construit un dressage intime de chaque instant où chacun est appelé à exprimer son gout particulier. Que ce gout soit largement formaté et que sa singularité soit en bonne partie une illusion est un autre sujet.
Dans ce contexte l’individu mute lui aussi. Il devient à son tour une autre entité. Celle que nous nommons « une personne ». La personne c’est l’individu quand on le considère du point de vue de l’ensemble des liens sociaux qui composent chacun en particulier. L’individu devient une personne à cet instant où il lui faut assumer la cohérence de cet entrelac. Dit autrement : pour que l’individu devienne une personne il lui faut maîtriser sa propre vie. Il doit en quelque sorte prendre le pouvoir sur ce qui le constitue. Ce processus est invariant d’échelle. Il commence par le pouvoir sur soi, sur les conditions effectives de sa vie de chaque jour. Et il n’y a qu’un pas de là jusqu’au point où il devient question de prendre le pouvoir sur les moyens qui la rende possible. C’est là que se trouve la racine du changement d’état qui nous intéresse. Cette volonté de prise de pouvoir porte un nom. Vouloir exercer le pouvoir sur les moyens sociaux qui rendent possible son existence c’est la citoyenneté. Le processus qui fait de l’individu une personne est le même qui pousse celle-ci à devenir citoyenne. Plus l’individualisation spontanée se renforce, plus la citoyenneté lui est nécessaire. Et plus il reçoit de sa condition de vie urbaine une conscience sociale et politique produite par les murs qui l’entourent. Au total donc le grand nombre produit a la fois l’individualisation des rapports sociaux, la personnalisation des individus et leur exigence de citoyenneté. Tel est le point d’ancrage de la dynamique de la révolution citoyenne.
OCHO MIL MILLONES … Y YO Y YO
El 15 de noviembre, la ONU estimó que la población mundial ha alcanzado los ocho mil millones de personas. Una vez más, durante algunos días, se pide prestar atención a la mayor conmoción en curso en la historia humana desde hace poco más de medio siglo. El número de humanos ha explotado ante los ojos de una generación: la mía. Había 2.500 millones de personas a mediados del siglo XX, cuando nací. Desde finales de 2011, éramos más de 7 mil millones. Por lo tanto, las mujeres y los hombres de mi generación han sido contemporáneos de casi dos duplicaciones sucesivas de la población total del planeta. Ninguna generación anterior había vivido esto.
La aceleración en el ritmo de este aumento sorprende de entrada. ¡Qué aceleración! Lo medimos mejor si recordamos que fueron necesarios doscientos mil años, desde nuestros primeros antepasados, para llegar a los primeros mil millones de personas viviendo al mismo tiempo. Esto sucedió a finales del siglo XIX. Pero solo tomó cien años para pasar de uno a seis mil millones. Desde entonces, la tasa de aumento enloquece. Porque bastaron cinco años para sumar otros mil millones de seres humanos entre 2009 y 2014 … Sí, ¡solo nos tomó cinco años lograr un aumento que anteriormente se había logrado en dos mil siglos!
El número lleva consigo una dinámica imparable. Conocemos su motor. Crecer es multiplicarse aún más en la generación siguiente. Entonces es necesario satisfacer necesidades cada vez mayores. Y así debemos encontrar continuamente las técnicas y materias primas que lo hacen posible.
El problema que esto plantea no es sólo el de la tasa de crecimiento de la población. El número de personas importa por sí mismo. Pasar de uno a dos mil millones de personas viviendo al mismo tiempo no es lo mismo que pasar de cien mil a doscientas mil. ¡Pensemos en el impacto sobre la naturaleza, a la cual estas masas toman lo suficiente para vivir; démonos cuenta de las consecuencias en la forma de ocupar el territorio y de organizarse para vivir en sociedad! Llama la atención cómo se disparan todas las curvas que muestran el dramático empeoramiento de las depredaciones humanas sobre la naturaleza, hecho que comienza con el estallido del número de seres humanos a mediados del siglo XX.
Por lo tanto, el número pone en tela de juicio el modo de consumo y de producción de bienes materiales. Cuanto mayor es el número, tanto mayor debería ser el espíritu de parsimonia en el uso de los recursos. Pero el sistema capitalista funciona a la inversa. Es necesario aumentar constantemente la tasa de circulación del dinero, que se convierte en una mercancía antes de volver a ser dinero. Por lo tanto, el capitalismo debe crear constantemente nuevas necesidades, aumentar la velocidad de obsolescencia de los productos, expandir el campo de los desechables, nivelar los gustos y las prácticas consumistas para expandir el mercado de mercancías producidas en masa.
Las etapas en el aumento del número de humanos explican indudablemente el ritmo particular visible en el desarrollo de la historia. De hecho, con cada duplicación de la población mundial, hay un cambio radical en la condición humana misma. Este fue el caso con el cambio de la recolección a la agricultura, de las herramientas de piedra a las de metal, de la caza a la ganadería y cuántas otras cosas de esta importancia que cambiaron todo. Estos grandes cambios suceden silenciosamente al principio. Todavía sabemos algo al respecto. La prueba ante nuestros ojos se dio en 2013. Fue el año del paso a siete mil millones de personas en la tierra. Sin ruido ni eco, ese año, se consumió más pescado de cultivo que pescado capturado en el mar. Por lo tanto, es el año en que, en el mar, la humanidad ha pasado de la recolección a la cría.
En este sentido general, vemos cómo la historia de la humanidad es, ante todo, la de la evolución del número de individuos que la componen. Es en esta evolución que se encuentra la dinámica de la civilización humana cuando la consideramos como un todo. Todos los demás fenómenos sociales son hijos más o menos directos de estos datos básicos.
Ciertamente, la batalla por la distribución de la riqueza pronto fundó una lucha de clases en todas las formas de la sociedad, que se extendió rápidamente a todas las áreas de la vida común. Pero considerada en el amplio plano de la historia larga, la lucha por la distribución de la riqueza sólo es posible a partir de un cierto nivel de desarrollo complejo de la sociedad humana. Y este último tiene como origen primario el número de seres humanos. En esta dimensión de la mirada, la lucha de clases aparece como una consecuencia de la historia y no como su causa. Además, la evolución del número de seres humanos tiene un impacto permanente en las sociedades, incluso cuando el modo de producción e intercambio sigue siendo el mismo. Como resultado, en cada secuencia de la historia, es necesario establecer el vínculo entre el número de individuos vivos y la forma particular de desarrollo de la sociedad. Este vínculo anima cada forma de sociedad y sigue siendo un factor explicativo esencial de los acontecimientos que tienen lugar allí. La sociedad contemporánea es víctima directa de los imperativos particulares que el aumento en el número de humanos impone a todos los sistemas sociales de la historia. Tal vez las cosas tenían que llegar a donde están ahora para que apreciáramos la importancia de este factor.
El número cambia la naturaleza de los fenómenos humanos. Vea cómo solo tomó un período muy corto de tiempo, solo medio siglo, para que se formaran las inmensas extensiones urbanizadas sin fronteras en las que viven los lectores de este texto. Pero, ¿cuántos fueron capaces de darse cuenta? El fenómeno despegó en 1950. ¡Y en cincuenta años solo el 60% de la población mundial se ha asentado en un espacio urbano! Ahora, ya es el 80% en las Américas y en Europa. Sin embargo, durante muchos milenios, la vida humana se había desarrollado en pequeños grupos de nómadas dispersos. Luego se formaron las primeras comunidades sedentarias y luego las ciudades. Luego pasaron los siglos por cientos. Ciertamente, han surgido ciudades deslumbrantes y algunas, como Roma, han fundado imperios que a veces aún brillan ante nosotros. Por supuesto, la era moderna les ha dado grandes espacios a las ciudades. Pero incluso a mediados del siglo XX, el 80% de la población mundial vivía en los campos. Apenas el 20% en la ciudad. Ese mundo se ha ido. Sin retorno. Así se han ido aboliendo al mismo tiempo en todo el planeta, las diferencias en las condiciones de vida y forma de civilización que se han ido identificando durante decenas de siglos.
La organización del espacio urbano refleja las dominaciones ejercidas entre quienes lo pueblan. En estas condiciones, la organización física de la ciudad no es sólo un hecho material, sino también una estructura social y una cultural global. Los conflictos de intereses contenidos en nuestra sociedad se transponen a ella como realidades físicas. Todo el mundo sabe que cuando nombras tu vecindario, ¡dices algo más que una simple dirección! La distribución social del espacio produce sus desafíos. En su mayor parte, éstos terminan resumiéndose a menudo de manera bastante simple: cuáles son las posibilidades de acceso para todos a los servicios vitales de los que depende la vida cotidiana. Tal como la posesión del fuego puede haber sido un tema básico para los primeros grupos humanos, el acceso a las redes colectivas es la condición para una existencia en la ciudad sin fin.
Acabo de resumir la teoría de la era del pueblo en las tres dimensiones que ésta pone en relación. Primero, el número que aumenta la depredación sobre la naturaleza e imputa al modo de consumo el origen del desastre ecológico en curso. Luego, la Ciudad como forma de organización de las relaciones sociales de la población. Finalmente, el acceso a las redes colectivas como una cuestión de supervivencia y una fuerza motriz para las luchas sociales.
El número y el individuo. Queda aún por desconfiar de las palabras que podrían engañarnos. Porque ayer mismo, una ciudad era un área demarcada en medio del campo. Ahora, a lo que llamamos así es algo completamente diferente: actualmente es un hábitat que a veces se extiende por cientos de kilómetros. No es solo una concentración humana la que se extiende. Es un espacio social. Todas las relaciones de los seres humanos entre ellos forman parte de las relaciones que esta situación impone: participan en ella sin ninguna alternativa posible. Este nuevo mundo, el mundo plenamente urbanizado, es el de una población trabajada por tensiones que le son inyectadas en las venas por su lugar de vida. La urbanidad da forma a la humanidad. De esta manera, esta forma de vida establece la identidad, las capacidades de acción y los límites de los seres humanos en todos los ámbitos. En este sentido, el Homo urbanus, es la nueva generación de Sapiens, la especie de la que todos somos miembros, sin excepción.
Esta es una consecuencia involuntaria de esta era del gran número. El surgimiento del hiper individuo es un resultado directo de la sociedad del gran número. Una vez más, esto va en contra de lo que sugiere la intuición. Sin embargo, el vínculo entre la explosión del número y la afirmación del individuo es mecánico. Cuanta más gente haya, más se integran en largas cadenas de interdependencias que se construyen de una manera diferente para cada uno, según sus necesidades y demandas. La aguda individualización observable hoy en día puede parecer obvia y tendemos a pensar que siempre ha sido así. Este no es el caso. El largo plazo se compone esencialmente de sociedades donde los individuos no podrían pensar y asumirse a sí mismos como algo más que un componente estricto del grupo. Se puede decir que pertenecían al grupo en el sentido más estricto de la palabra. Esta membresía se extendió a todos los campos y obviamente prevaleció en todos los registros de la representación cultural. Más recientemente, cada uno ha sido definido durante mucho tiempo por vínculos estables y limitados que nos plantearon a los ojos de los demás y, por lo tanto, a los nuestros. Vínculos en la familia, en el barrio, en el edificio, en la jerarquía de la profesión. Todos estos anclajes se han vuelto cambiantes y demasiado volátiles para establecer de una vez por todas, a nuestros propios ojos, quiénes somos a lo largo de toda la vida. Todo lo contrario: a medida que el número se expande y que la mecánica social se vuelve compleja, cada elemento de la comunidad humana queda más definido por interdependencias que se extienden muy lejos del estrecho grupo humano en el que cada cual evoluciona. Además, hay una proliferación creciente y cambiante en el número de titulares de derechos, de matrículas, de identificadores y de contraseñas que sólo cada cual conoce los detalles, los cruces y las razones de ser. Finalmente, la individualización de nuestro tiempo se encuentra con su mundo. Los mandatos publicitarios narcisistas, los valores dominantes del éxito individual a costa de aplastar a otros, la competencia generalizada por el empleo, los salarios, la vivienda, empujan a la actitud del cada cual para sí mismo y, a veces incluso, a la guerra de todos contra todos.
Al mismo tiempo, la cultura comercial que domina todos los intercambios sociales construye un adiestramiento íntimo, de cada momento, donde cada cual está llamado a expresar su gusto particular. Que tal o cual preferencia esté considerablemente formateada y que su singularidad sea, en gran medida, una ilusión, eso es otra cuestión.
En este contexto, el individuo también muta. A su vez, se convierte en otra entidad: aquella que llamamos « una persona ». La persona es el individuo cuando lo consideramos desde el punto de vista de todos los lazos sociales que conforman a cada uno en particular. El individuo se convierte en una persona en ese momento en que debe asumir la coherencia de este entrelazamiento. En otras palabras: para que el individuo se convierta en una persona debe controlar su propia vida. Debe, de alguna manera, empoderarse de lo que lo constituye. Este proceso es un invariante de escala. Comienza con el poder sobre uno mismo, sobre las condiciones reales de la vida diaria. Y sólo hay un paso a dar hasta el punto en que se trata de tomar el poder sobre los medios que la hacen posible. Aquí es donde está la raíz del cambio de estado que nos interesa. Este deseo de tomar el poder tiene un nombre. Querer ejercer un poder sobre los medios sociales que hacen posible nuestra existencia es lo que llamamos ciudadanía. El proceso que hace que el individuo sea una persona es el mismo proceso que empuja al individuo a convertirse en ciudadano. Cuanto más fuerte es la individualización espontánea, más ciudadanía necesita; y tanto más recibe, de su condición de vida urbana, una conciencia social y política producida por los muros que lo rodean. En suma, por lo tanto, el gran número produce simultáneamente la individualización de las relaciones sociales, la personalización de los individuos y sus exigencias de ciudadanía. Este es el ancla de la dinámica de la revolución ciudadana.