Cet article fait partie du dossier de la Révolution citoyenne

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Dix années ont passé, que reste-t-il de la révolution tunisienne ? L’analyse inédite de Hamma Hammami

Cela fait dix années que Ben Ali a quitté le pouvoir. Le peuple s'est mobilisé, des semaines durant entre décembre 2010 et janvier 2011. Une mobilisation partie de la colère de la jeunesse touchée par le chômage, la pauvreté puis une colère qui embrase le pays, puis une région du monde. Malgré la répression, Ben Ali a fini par quitter le pays pour rejoindre l'Arabie saoudite, le 14 janvier 2011. Dix ans après, quel regard porter sur cette révolution et son bilan ? C'est ce que propose Hamma Hammami, dans cette analyse inédite pour Le Monde en Commun.

Cette analyse inédite a été rédigée par Hamma Hammami, militant des droits de l'homme tunisien, longtemps emprisonné sous Ben Ali, il a été le porte-parole du Front populaire, alliance née de la révolution tunisienne dont plusieurs de ses leaders ont été assassinés en 2013 (comme Chokri Belaïd).

Dix ans après cette date mémorable du 14 janvier qui a vu s’écrouler la poigne de fer et s’enfuir le dictateur, le bilan de cette décennie semble très controversé. 

Faut-il insulter la révolution et le peuple qui l’a déclenchée, comme le font les nostalgiques de l’ancien régime ? Ou continuer à croire que le processus révolutionnaire déclenché ce jour-là est encore en cours malgré toutes les difficultés et les tentatives répétées de récupération ?

Si la révolution tunisienne a eu un seul mérite, c’est celui d’avoir détruit le mur de la peur par lequel le dictateur régnait, d’avoir ouvert la voie aux peuples dans pas moins de douze pays arabes pour se soulever contre leurs dictateurs, d’avoir revendiqué et obtenu dans une large mesure l’exercice des libertés.

Mais cela est-il suffisant pour prétendre, comme le font les nouveaux parvenus, que le bilan est positif ? Pas du tout.

En effet, face à l’élan révolutionnaire du peuple et sa détermination à aller jusqu’au bout, la bourgeoisie compradore (il s’agit de la bourgeoisie intérieure, qui tient sa position du commerce avec l’extérieur) n’a pas perdu de temps pour se réorganiser et préparer la contre-offensive. Depuis, elle a multiplié les manœuvres pour mettre fin au processus révolutionnaire ou du moins le détourner de ses objectifs et en faire une pièce du décor de ladite transition démocratique.

Depuis, de nombreuses batailles ont été menées, certaines, politiques, pour faire barrage au retour de la dictature, d’autres, économiques et sociales, pour concrétiser les aspirations des couches populaires pour une vie meilleure. Et s’il y a des acquis sur le premier plan, la situation empire sur le second. Aujourd’hui, le pays est en crise, une crise profonde et multidimensionnelle.

Les gouvernements qui se sont succédé depuis 2011 ont été incapables d’y apporter une quelconque solution, puisqu’ils ne peuvent toucher au modèle de développement adopté depuis le règne de Ben Ali et approuvé par ses successeurs, modèle basé sur la dépendance totale vis-à-vis des puissances impérialistes et leurs instruments financiers, et sur l’injustice sociale sur le plan intérieur. Si bien que le rapport des forces au terme de cette décennie semble pencher du côté de la contre-révolution ; mais cette impression n’est que  relative, car le peuple n’a pas dit son dernier mot.  En effet, durant dix ans, il a montré une grande capacité de résistance et il n’a cédé sur aucune revendication. Les mobilisations sociales ont pris de l’ampleur et ne sont plus limitées dans le temps.

Elles gagnent par leur étendue géographique, par leurs formes, mais également par la diversité des revendications : elles s’organisent contre la dégradation générale des conditions de vie, contre l’injustice sociale, contre les déséquilibres régionaux, contre la marginalisation et la précarisation, contre la corruption, le népotisme… et elles se caractérisent également par l’élargissement des couches sociales qui y prennent part.

Bref, elles tournent autour du slogan central scandé par les milliers de Tunisiens dans les glorieuses journées de janvier 2011, à savoir « emploi, liberté, et dignité nationale », un slogan fédérateur qui résume les principales aspirations des classes populaires tunisiennes, et qui continue à résonner dans tous les mouvements de protestation.

Aujourd’hui, avec le pourrissement des rapports au sein de la classe dirigeante qui ne parvient pas à dégager des représentants qui pourraient obtenir la reconnaissance d’une majorité et qui se manifeste aujourd’hui par les luttes intestines entre les têtes du pouvoir exécutif et législatif, la légitimité du pouvoir en place est remise en cause. Le pays est au bord de la banqueroute et il semble de plus en plus ingouvernable et tous les ingrédients de la situation d’avant 2011 sont aujourd’hui présents. Voilà pourquoi les appels à la raison, au dialogue national ne sont que de fausses alternatives dont l’objectif est de sauver le système politique mis en place au lendemain des élections d’octobre 2011. Les appels à l’amendement de la constitution pour instaurer un régime dans lequel le président de la république jouirait de larges pouvoirs, au changement du système électoral pour barrer la route à l’opposition démocratique ne trouvent pas d’oreille consentante.

Pour les forces révolutionnaires et démocratiques, le mal est inhérent au système qu’il faudra balayer.

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Marina Mesure

Syndicalisme international

Marina Mesure is a specialist of social issues. She has worked for several years with organizations defending workers’ rights such as the European Federation of Building and Wood Workers.

She has campaigned against child labor with the International Labor Organization, against social dumping and the criminalization of unionism. As a famous figure in the international trade union world, she considers that the principle of “equal work, equal pay « remain revolutionary: between women and men, between posted and domestic workers, between foreigners and nationals ».

Marina Mesure, especialista en asuntos sociales, ha trabajado durante varios años con organizaciones de derechos de los trabajadores como la Federación Europea de Trabajadores de la Construcción y la Madera.

Llevo varias campañas contra el trabajo infantil con la Organización Internacional del Trabajo, contra el dumping social, y la criminalización del sindicalismo. Es una figura reconocida en el mundo sindical internacional. Considera que el principio de « igual trabajo, igual salario » sigue siendo revolucionario: entre mujeres y hombres, entre trabajadores desplazados y domésticos, entre extranjeros y nacionales « .

Spécialiste des questions sociales, Marina Mesure travaille depuis plusieurs années auprès d’organisations de défense des droits des travailleurs comme la Fédération Européenne des travailleurs du Bâtiment et du Bois.

Elle a mené des campagnes contre le travail des enfants avec l’Organisation internationale du travail, contre le dumping social, la criminalisation du syndicalisme. Figure reconnue dans le monde syndical international, elle considère que le principe de « travail égal, salaire égal » est toujours aussi révolutionnaire : entre les femmes et les hommes, entre les travailleurs détachés et domestiques, entre étrangers et nationaux ».

Sophia Chikirou

Directrice de la publication

Sophia Chikirou is the publisher of Le Monde en commun. Columnist, director of a documentary on the lawfare, she also founded several media such as Le Média TV and the web radio Les Jours Heureux.

Communications advisor and political activist, she has worked and campaigned in several countries. From Ecuador to Spain, via the United States, Mexico, Colombia, but also Mauritania, she has intervened with progressive and humanist movements during presidential or legislative campaigns.

In 2007, she published Ma France laïque (La Martinière Editions).

Sophia Chikirou es directora de la publicación de Le Monde en commun. Columnista, directora de un documental sobre el lawfare, también fundó varios medios de comunicación tal como Le Média TV y la radio web Les Jours Heureux.

Asesora de comunicacion y activista política, ha trabajado y realizado campañas en varios países. Desde Ecuador hasta España, pasando por Estados Unidos, México, Colombia, pero también Mauritania, intervino con movimientos progresistas y humanistas durante campañas presidenciales o legislativas.

En 2007, publicó Ma France laïque por Edicion La Martinière.

Sophia Chikirou est directrice de la publication du Monde en commun. Editorialiste, réalisatrice d’un documentaire sur le lawfare, elle a aussi fondé plusieurs médias comme Le Média TV et la web radio Les Jours Heureux.

Conseillère en communication et militante politique, elle a exercé et milité dans plusieurs pays. De l’Equateur à l’Espagne, en passant par les Etats-Unis, le Mexique, la Colombie, mais aussi la Mauritanie, elle est intervenue auprès de mouvements progressistes et humanistes lors de campagnes présidentielles ou législatives.

En 2007, elle publiait Ma France laïque aux éditions La Martinière.

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