Martin Léna est chargé de campagnes pour l’association Survival qui lutte pour les droits des peuples autochtones. Lors du Forum mondial sur les forêts qui a eu lieu vendredi 3 décembre 2021, il a donné la définition du colonialisme vert et rappelé les menaces liées à la gestion forestière qui pèsent sur les populations autochtones.
C’est tout le travail de l’association Survival : dénoncer le modèle de colonialisme vert qui repose sur la spoliation des terres des peuples autochtones, au nom de la conservation de l’environnement. Un modèle qui est dominant en Afrique et en Asie où les communautés locales sont considérées comme des nuisances au lieu de les considérer comme des partenaires clés et des experts de la biodiversité locale. Un modèle raciste et colonialiste qui provient du mythe d’une nature sauvage qui nourrit nos imaginaires jusque dans la culture populaire.
En effet les territoires des peuples autochtones sont imaginés comme étant des terres sauvages, vides et intactes, alors que les communautés locales les ont façonnées depuis toujours, qu’elles en dépendent et les protègent. D’ailleurs, 80% de la biodiversité de la planète se situent sur les terres des peuples autochtones.
Il s’agit d’une vision raciste et colonialiste qui trouve son origine dans les premiers parcs nationaux américains de la fin du 19e siècle, créés après « les avoir vidés » de leurs habitants : les peuples autochtones. Ce modèle a été exporté en Afrique et en Asie.
Les premiers parcs nationaux africains étaient des réserves de chasse de l’époque coloniale. A l’époque de la décolonisation, des organisations comme WWF ont été créées et ont embauché d’anciens administrateurs coloniaux afin de permettre la continuité du contrôle européen sur ces territoires et leurs ressources. Un modèle colonial qui fait payer le prix de la destruction de la nature aux peuples autochtones par des expulsions illégales et de la violence. Car la création de ces parcs s’accompagnent d’une grande militarisation, à des abus et à l’impunité. Quand ces peuples tentent de revenir sur leurs terres pour accéder à leurs sites sacrés ou des plantes médicinales (en somme à ce qui fait partie de leur mode de vie et à leur identité), ils risquent d’être battus, torturés, tués ou violés par des écogardes qui ont été militarisés au nom d’une lutte contre le braconnage, qui est pourtant un tout autre sujet.
Martin Léna a rappelé que ces grandes organisations de conservation sont complices et soutiennent financièrement ces atrocités, tout comme nos gouvernements occidentaux, qui à travers leurs banques de développement, financent ce modèle. Comme la France qui à travers l’AFD, finance différentes aires protégées. Nous avons un parfait exemple en Inde, avec la réserve de tigres Kaziranga, visité en février 2021 par la Ministre de la Transition écologique Barbara Pompili. Ce parc est mis en avant comme un modèle de conservation alors que ces réserves de tigres servent surtout à engranger des profits : tourisme de masse, exploitation des ressources.
Martin Léna résume la situation : « On a un modèle de conservation loin d’être fondé sur les droits humains, et qui s’appuie toujours sur une approche néo-libérale selon laquelle la nature est définie comme une forme de capital dont la valeur doit être décidée par le marché. »
En ce qui concerne les négociations internationales, l’association Survival voit d’un très mauvais oeil les objectifs promus lors de la COP15, comme celui d’augmenter de 30% la surface d’aires protégées dans le monde. Un objectif destiné bien sûr à faire perdurer ce modèle d’accaparement massif de ces terres, sans aucune garantie pour les droits territoriaux des peuples autochtones.
Martin Léna a conclu en rappelant que ces droits sont pourtant inscrits dans le droit international; dans la déclaration de l’ONU sur les droits des peuples autochtones ou encore dans la convention 169 de l’OIT : « le droit à l’auto-détermination », « le droit au consentement des communautés pour des projets qui risqueraient d’avoir de l’influence sur leur mode de vie ».
Bref. Nous avons besoin d’un modèle de conservation qui lutte contre la véritable cause de la destruction de l’environnement et qui place la diversité humaine et les droits humains en son centre.