À Paris, la haine de classe givre l’Assemblée nationale. Les bons messieurs et les bonnes dames dénoncent nos comportements, veulent nous enseigner les bonnes manières et les beaux habits. Encore ne savent-ils pas ceci : ces tenues qu’ils fustigent sont nos habits du dimanche. Mais beaucoup de ceux qui nous regardent savent combien c’est le cas car ils sont vêtus de même ce jour-là. Jusqu’aux fascistes qui s’indignent de notre apparence ! Les nigauds qui les élisent ont-ils d’assez beaux habits pour venir dans l’isoloir ?
Tant d’arrogance prétentieuse me réjouit. Tous ceux qui s’abaissent à y participer se noieront dans l’océan de mépris populaire que ce genre de pantomime déclenche à coup sûr. Tout va bien. Chacun est à la place qu’il a choisie. Et qui regarde choisit à son tour de quel côté du fossé il se tient.
La macronie est à présent au pied du mur. Ses députés passent aux cadences législatives infernales qu’ils nous imposaient hier au mandat précédent et que nous supportions au prix de tant d’efforts. À présent, les nôtres tiennent bon et sont intellectuellement mobilisés parce que ce sont des militants politiques. À huit heures du soir comme à six heures du matin, ils tiennent bon. La pauvre cohorte de survivants macronistes ne peut en dire autant. Toujours cloués dans le rôle de robots interdits de parole pour que ça aille plus vite, ils sèchent sur leurs bancs comme du linge sur un fil. Ils craqueront avant les nôtres.
L’absurdité et l’injustice de la loi soi-disant « pour le pouvoir d’achat » ont été bien décortiquées par nos députés. La macronie peut toujours se dire qu’elle a marqué un point en faisant adopter une loi grâce à ses nouveaux amis de LR et de RN ! La vérité est juste qu’elle s’est tirée d’affaire sans gloire en prenant beaucoup de coups dans l’opinion de ceux qui ont suivi les débats. Cette loi est un fourre-tout anti social et anti écologique où une bruine de primes et de petits chèques copinent avec des mesures en faveur du gaz de schiste ou du pillage d’EDF. Rien de plus. Le chantage au « c’est mieux que rien » ne fonctionnera pas dans l’opinion qui endure une inflation croissante et asphyxiante.
Seul point d’agacement : la mémoire de poisson rouge des commentateurs médiatiques. Quand le ministre Le Maire annonce qu’il réduira le déficit pour le ramener sous la barre des 3% quelques-uns relèvent qu’il s’agit de la plus violente réduction de budget jamais vue. Cela représente en effet 80 milliards d’euros. C’est précisément ce que j’expliquais la dernière semaine du vote des législatives. À l’époque, peu m’ont alors commenté. Et encore moins avaient interrogé le ministre. Leur importait davantage de répandre les sottises de la propagande macroniste sur les milliards d’impôts imaginaires que nous allions parait-il créer. Bon, donc ce coup-là aussi nous avions raison.
Sinon, plus lassant sont les vautours non moins médiatiques qui guettent le moment où la NUPES se divisera. Ils croient l’heure venue chaque fois qu’un député NUPES oublie d’en saluer un autre en se croisant. Mais au total restons contents : ces gens ne trompent que leurs lecteurs et ce n’est donc pas grave. Ceux qui votent pour nous ne les lisent pas davantage qu’ils ne se payent des tenues au prix indécents comme celles des députés qui nous narguent.
Ici, autre ambiance. D’abord à cause de la température qui m’éloigne de la fournaise de Paris et de Marseille. Ambiance d’altitude qui coupe le souffle : Bogota est à 2 700 mètres. Et puis le temps qu’il fait. « Si tu n’aimes pas le climat de Bogota attends dix minutes ». J’ai fait cette remarque avec succès quand j’avais froid (douze degrés, le rêve du Parisien dans son four), car tout change sans cesse. Il fit chaud et pluvieux autant que possible puis ensoleillé et jusqu’à ce qu’on ne sache plus si c’était l’automne ou l’été.
La fin de la tournée des capitales des victoires de la gauche prend fin pour moi dans les rencontres ici à Bogota. Les deux temps forts furent avec le nouveau président Gustavo Petro et avec la vice-présidente Francia Marquez. Deux personnages marqués du sceau de la grande opiniâtreté, de la grande fidélité à un combat et à une manière d’être que l’on peut qualifier d’insoumise.
Les deux ont lutté sans trêve, les deux souvent isolés, les deux bravant la mort puisqu’ici l’un et l’autre ont fait l’objet de menaces de mort et même d’attentats dans un pays où l’on tuait beaucoup et facilement jusqu’à peu. L’un, ancien maire de Bogota, persécuté de toutes les façons possibles. Elle, meneuse des luttes sociales et environnementales des communautés indigènes et afro-descendantes de la région de Cauca. Des têtes dures. Avec l’un, près de deux heures de discussion et autant avec l’autre. Avec lui centralement sur la façon de conduire une politique non extractiviste dans un pays ruiné. Et où il faut en même temps rétablir une paix sûre et durable après des années de tueries. Avec elle, essentiellement sur le programme « 0 faim » dans un pays qui vit des situations de malnutrition et de famine impliquant des millions d’enfants. Neuf mille sont morts l’an passé de cette cause.
Au moins, en Colombie, le problème est reconnu. Et on commence à lutter contre. En France, le déni demeure et dure. Finalement, de Bogota, on voit la France de plus près qu’elle-même se voit. Évidemment, le point d’arrivée du programme « 0 Faim » reste le retour à la souveraineté alimentaire. Car la collecte d’aliments de secours n’est pas la solution. Il faut trouver à manger. Et donc organiser la transition vers une agriculture qui retourne à la production vivrière qui alimentait hier tout le monde. Mais aussi à la stratégie de la création d’un « marché » par la garantie de commandes d’État ou des collectivités locales.
Exactement notre stratégie avec notre proposition de cantines scolaires 100% bio et 100% prises en charge par les budgets publics. En fait, tout le long de la rencontre, nous avancions sur les mêmes thèmes et les mêmes éléments de programme. La crise de l’eau, la baisse de la fertilité des sols, les pesticides : nous parlions la même langue. Comment est-ce possible ? Tout simplement parce que le néolibéralisme a mis en œuvre partout les mêmes politiques qui aboutissent partout au même désastre social et environnemental.
Gustavo Petro a centralisé l’écologie dans son programme et sa démarche politique. C’est un des rares chefs d’État de la nouvelle gauche latino qui a une conscience aussi claire de cette centralité et de l’urgence de faire face au changement climatique. Il touche tout de suite l’étendue du choix à faire. Les caisses de l’État sont vides, l’État est détruit comme partout où passent les libéraux. Pour tenir ses engagements, la pente est rude. Extraire le charbon dont regorge le pays. Sortir le pétrole que contient le sous-sol colombien ? Non. Ce n’est pas le choix. Mais alors qui prend en charge la recette qui ne sera pas réalisée pour le bien commun de l’humanité ?
Ici est l’espace de la diplomatie altermondialiste dont nous nous réclamons. Souvenons-nous comment l’Equateur du gouvernement de Rafael Correa avait essayé de neutraliser le gisement de pétrole Yasuni ITT en demandant aux pays du monde de financer la moitié du manque à gagner. Six ans après, la somme était à peine effleurée. Correa renonça à aller plus loin. Il avait trop besoin de ressources pour financer les infrastructures dont il a magnifiquement équipé son pays. Tel est le dilemme jusqu’à présent. Petro dit : « on ne peut pas y arriver seul et sans aide ».
Je ne peux résumer à un seul échange le long moment passé dans les deux cas à exposer des problèmes et des solutions. Au demeurant, je suis encore sur place. Chaque mot doit être compté dans mon intérêt comme dans celui de mes interlocuteurs. En effet, ils bénéficient du même type de presse indépendante et objective que nous. Le goût du buzz pour un mot sorti de son contexte était autrefois une spécialité locale sans pareille par chez nous. À présent, on connait mieux. Il est ici au niveau de ce que nous connaissons de notre côté. Dans la norme de l’épisode lamentable du procès fait à Mathilde Panot pour l’usage du mot « rescapé ». Mais ici l’effet peut-être plus brutal parmi leurs lecteurs où se trouvent des exaltés plus dangereux et déterminés que par chez nous.
La latino américanisation des sociétés latines européennes est globale. Sans doute la plus intéressante partie du parallèle que j’ai noté sur tant de points est dans l’importance du narcotrafic pour comprendre la forme des flux financier, la place de l’immobilier dans le blanchiment et l’inclusion des autres aspects du crime organisé dans ces circuits. Ici, j’apprends que si le premier marché d’héroïne reste aux États-Unis, le premier pour la cocaïne est en Europe. La description des routes de passages nous ramène au Mali. Et d’une façon générale partout où l’État, les frontières et les douanes ont cessé d’exister faute de moyens ou de volonté. Le chaos libéral de notre pays à chaque poste de services publics donne un avant-goût de ce qui est en train de se généraliser dans le monde : inefficacité, pagaille, gâchis et par-dessus tout un mépris en béton armé du public, que ce soit dans l’avion, la gare, l’autoroute ou ce que l’on voudra.
Traducción al español
En París el odio de clase congela la asamblea nacional. Los buenos caballeros y las buenas damas denuncian nuestro comportamiento, quieren enseñarnos buenas maneras y ropajes bonitos. Todavía no lo saben: estos atuendos que fustigan son nuestras ropas domingueras. Pero muchos de quienes nos miran saben muy bien que es así porque están vestidos de la misma manera en ese día. ¡Me río de los fascistas que se indignan por nuestra apariencia! ¿Quiénes los eligen tienen suficiente ropa para venir a la cabina de votación? Tanta arrogancia pretenciosa me alegra. Todos aquellos que se inclinen a participar en estas ridiculeces se ahogarán luego en el océano del desprecio popular que este tipo de pantomima desencadenará sin duda alguna. Todo está bien. Cada uno está en el lugar que ha escogido. Y quien mira, elige a su vez de qué lado de la zanja se para.
La Macronía está ahora al pie del muro. Sus diputados están sufriendo hoy las infernales cadencias legislativas que nos impusieron ayer durante el mandato anterior y que mantuvimos a costa de tanto esfuerzo. Ahora, los nuestros siguen firmes y están intelectualmente movilizados porque son militantes políticos. A las ocho de la tarde como a las seis de la mañana, aguantan. La pobre cohorte de sobrevivientes macronistas no puede decir lo mismo. Siempre clavados en el papel de robots a los que se les prohíbe hablar para que la sesión vaya más rápido, se secan en sus bancos como la ropa en un alambre. Se resquebrajarán antes que los nuestros.
El absurdo y la injusticia de la llamada ley « en favor del poder de compra » han sido bien diseccionados por nuestros diputados. ¡La Macronía siempre puede decir que ha ganado un punto al aprobar una ley gracias a sus nuevos amigos de LR y RN! La verdad es que se salió con la suya sin gloria al recibir muchos golpes ante la opinión de quienes siguieron los debates. Esta ley es una atiborrada caja de costurera antisocial y antiecológica en el que una tanda de bonos y pequeños cheques están en línea con las medidas a favor del gas de esquisto o el saqueo de EDF. Nada más. El chantaje del « peor es nada » no funcionará ante la opinión pública que soporta una inflación creciente y asfixiante.
El único punto de molestia: la memoria de pez de acuario de los comentaristas de los medios. Cuando el ministro Lemaire anuncia que reducirá el déficit por debajo del 3%, algunos señalan que ésta es la reducción presupuestaria más violenta jamás vista. Eso representa 80.000 millones de euros. Es exactamente lo que yo expliqué la última semana de la votación legislativa. En ese momento, poco se comentó lo que dije. Y aún menos, cuestionaron al ministro. Era más importante para ellos difundir las locuras de la propaganda macronista sobre los miles de millones de impuestos imaginarios que iríamos a crear. Bueno, así que en ese golpe también teníamos razón.
De lo contrario, más tediosos son los no menos mediáticos buitres que esperan el momento en que los NUPES se dividan. Creen que ha llegado el momento cada vez que un diputado de NUPES se olvida de saludar a otro al cruzarse en un pasillo. Pero en general, sigamos felices: estas personas solo engañan a sus lectores y, por lo tanto, no importa. Los que votan por nosotros no los leen más de lo que pagan por atuendos indecentes como los de los diputados que se burlan de nosotros.
Por aquí, otro ambiente. En primer lugar, por la temperatura que me aleja del horno de París y Marsella. Impresionante ambiente de altitud: Bogotá está a 2700 metros sobre el nivel del mar. Y luego, el clima. « Si no te gusta el clima de Bogotá espera diez minutos ». Lo hice con éxito cuando tenía frío (doce grados, el sueño del parisino en su horno), porque todo cambia constantemente. Hacía calor y llovía a cántaros, luego hacía sol y hasta que ya no sabíamos si era otoño o verano.
El final de la gira por las capitales de las victorias de la izquierda termina para mí en los encuentros, aquí en Bogotá. Los dos puntos destacados fueron con el nuevo presidente Gustavo Petro y con la vicepresidenta Francia Márquez. Dos personajes marcados por el sello de una gran obstinación, de una gran fidelidad a una lucha y a una forma de ser que puede calificarse de insumisa.
Ambos lucharon incansablemente, ambos a menudo aislados, ambos desafiando la muerte ya que aquí ambos fueron objeto de amenazas de muerte e incluso ataques en un país donde se ha asesinado mucho y fácilmente hasta hace poco. Él, un exalcalde de Bogotá, perseguido de todas las formas imaginables. Ella, lidera las luchas sociales y ambientales de las comunidades indígenas y afrodescendientes de la región del Cauca. Son un par de cabezas duras. Una discusión de casi dos horas con él y otro tanto con ella. Con él, centralmente sobre cómo llevar a cabo una política no extractivista en un país en ruinas. Y donde, al mismo tiempo es necesario restablecer una paz segura y duradera después de años de asesinatos. Con ella, principalmente en el programa « 0 hambre » en un país que vive situaciones de desnutrición y hambruna que involucran a millones de niños. Nueve mil murieron el año pasado por esta causa.
Al menos, en Colombia se reconoce el problema. Estamos empezando a luchar contra esa plaga. En Francia, la negación permanece y dura. Finalmente, desde Bogotá vemos a Francia más cerca de lo que ésta se ve a sí misma. Obviamente, el punto final del programa « Tiene Hambre » sigue siendo el retorno a la soberanía alimentaria. Porque la recolección de alimentos de emergencia no es la solución. Tienes que encontrar comida. Y así, organizar la transición hacia una agricultura que vuelva a la producción de alimentos que ayer alimentaba a todos los colombianos. Pero también, a la estrategia de crear un « mercado » garantizando órdenes de compra del Estado o de las autoridades locales.
Exactamente nuestra estrategia con nuestra propuesta de comedores escolares 100% ecológicos y 100% apoyados por presupuestos públicos. De hecho, a lo largo de la reunión fuimos avanzando en los mismos temas y los mismos elementos del programa. La crisis del agua, la disminución de la fertilidad del suelo, los pesticidas: hablamos el mismo idioma. ¿Cómo es eso posible? Simplemente porque el neoliberalismo ha implementado las mismas políticas en todas partes y porque éstas conducen en todas partes al mismo desastre social y ambiental.
Gustavo Petro ha centralizado la ecología en su programa y en su enfoque político. Es uno de los pocos jefes de Estado de la nueva izquierda latinoamericana que tiene una conciencia tan clara de esta centralidad y de la urgencia de hacer frente al cambio climático. Inmediatamente aborda el alcance de la elección a tomar. Las arcas del Estado están vacías, el Estado está destruido, como en todas partes por donde pasan los liberales. Para mantener sus compromisos la pendiente es áspera. Extraer el carbón que abunda en el país. ¿Sacar el petróleo del subsuelo colombiano ? No. No es esa la elección. Pero entonces, ¿quién se hace cargo del ingreso que no se realizará para el bien común de la humanidad ?
Aquí está el espacio de la diplomacia alter-mundialista que decimos representar. Recordemos cómo Ecuador bajo el gobierno de Rafael Correa intentó neutralizar el campo petrolero Yasuní de ITT, pidiendo a los países del mundo que financiaran la mitad del déficit. Seis años después, esa suma apenas se tocó. Correa renunció a ir más allá. Necesitaba recursos para financiar la infraestructura con la que ha equipado bellamente a su país. Ese es el dilema hasta ahora. Petro dice: no puedes hacerlo solo y sin ayuda.
No puedo resumir en un solo intercambio el largo tiempo dedicado en ambos casos a exponer problemas y soluciones. Además, sigo en ello. Cada palabra debe ser contada en mi interés, así como en el de mis interlocutores. De hecho, se benefician del mismo tipo de prensa independiente y objetiva que nosotros. El sabor del zumbido por una palabra fuera de su contexto fue una vez una especialidad local sin paralelo entre nosotros. Ahora lo sabemos mejor. Él está aquí al nivel de lo que sabemos por nuestro lado. En la forma del lamentable episodio del juicio mediático que se le hizo a Mathilde Panot por haber usado la palabra « sobreviviente ». Pero aquí, el efecto puede ser más brutal entre los lectores, donde se exaltan algunos que son mucho más peligrosos y decididos que los que tenemos en casa.
La latino-americanización de las sociedades latinas europeas es mundial. Quizás la parte más interesante del paralelismo que he señalado en tantos puntos está en la importancia del narcotráfico para entender la forma de los flujos financieros, el papel de los bienes raíces en el lavado de dinero y la inclusión de otros aspectos del crimen organizado en estos circuitos. Aquí me entero de que si el primer mercado de heroína sigue siendo los Estados Unidos, el primero para la cocaína está en Europa. La descripción de las rutas de paso nos lleva de vuelta a Mali. Y, en general, dondequiera que el Estado, las fronteras y las aduanas han dejado de existir por falta de medios o de voluntad. El caos liberal de nuestro país en cada puesto de servicio público da un anticipo de lo que se está generalizando en el mundo: ineficiencia, desperdicio de esfuerzos y sobre todo, un desprecio duro como piedra hacia el público, los clientes, ya sea en el avión, la estación, el automóvil o donde sea.