Cet article fait partie du dossier La fin du libéralisme

Le Monde en commun publie des articles et contenus audiovisuels accessibles dans 3 langues : français, anglais, et espagnol. L’objectif est de rendre accessible tous les contenus au plus large public. Pour cela, la langue ne doit pas être un obstacle.

Nous sommes en train de constituer un groupe de volontaires qui se chargeront de traduire l’ensemble des contenus afin de les présenter dans au moins trois langues (français, anglais, espagnol).

Si vous souhaitez rejoindre le groupe, merci de nous adresser un mail à contact@linternationale.fr 

Texte de référence à venir…

Chomsky : « Le plan principal de Trump est de détruire les chances de vie humaine organisée »

Dans une interview, Noam Chomsky revient sur le moment politique aux États-Unis. Même s'il pense que nos gouvernements sont "criminels", il juge que le niveau de conscientisation des citoyens a augmenté. Il plaide pour une contestation non-violente : "la protestation violente a toujours été un cadeau aux éléments les plus durs et les plus brutaux de la société."

Ce texte est la retranscription par ZinTV d'une interview de Noam Chomsky donnée au média en ligne News Click.

Vijay Prashad : Bonjour et bienvenue à News Click. Aujourd’hui, nous avons la chance d’avoir avec nous le légendaire Noam Chomsky. Noam, bienvenue à News Click.

Noam Chomsky : C’est un plaisir d’être avec vous, même si ce n’est que de façon virtuelle.

Il y a 60 ou 70 ans, Aimé Césaire a écrit une phrase que je voudrais vous lire : “Une civilisation qui ne peut pas résoudre les problèmes qu’elle a créés est une civilisation en déclin.” À mon avis, c’est une phrase très juste. Noam, comment décririez-vous la civilisation actuelle, en particulier dans les pays occidentaux ?

Il y a quinze ans, j’ai écrit un livre intitulé Failed States, qui portait principalement sur les États-Unis, mais qui se généralisait aux autres sociétés occidentales. Ce qu’ils ont fait bien avant d’avoir beaucoup de problèmes et c’est ce que l’Occident a fait au cours des 40 dernières années, c’est de participer à un projet qui est très bien pour ceux qui l’ont conçu car ils vivent au paradis mais qui est un désastre pour presque tout le reste du monde. C’est ce qu’on appelle le néolibéralisme. Dans les années 1970, ce projet a vraiment prospéré avec Reagan et Thatcher. La conception était assez claire dès le début et nous pouvons le voir avec les résultats actuels : la richesse s’est concentrée à des niveaux extraordinaires, tandis que la population générale a stagné voire s’est dégradée. Par exemple, les États-Unis, où actuellement 0,1 % de la population, non pas 1 %, mais 0,1 %, possède 20 % de la richesse alors que la moitié de la population a une valeur nette négative, c’est-à-dire plus de passifs que d’actifs, de sorte que près de  70 % des gens vivent au jour le jour, d’une paye à l’autre. S’il y a un imprévu, c’est pas de chance et  les prestations finissent par diminuer aussi considérablement.

Logiquement, la concentration des richesses se traduit directement par un pouvoir de contrôle encore plus grand sur le système politique. Cela a toujours existé, mais c’est devenu plus aigu aujourd’hui. On le voit dans la législation qui vise à détruire les syndicats, à détruire les droits des travailleurs, à créer un système mondial qui se révèle par la suite préjudiciable aux mêmes responsables. Il s’agit d’un système mondial fragile, conçu pour tirer le meilleur parti possible de la mobilité des capitaux, même si, bien entendu, il n’y a pas de mobilité de la main-d’œuvre. Il s’agit d’un système extrêmement protectionniste. On parle beaucoup du marché libre, mais c’est de la foutaise, c’est un système très protectionniste, qui vise à garantir les droits des investisseurs.

Prenons l’exemple des médicaments, dont on parle beaucoup ces derniers temps. Il existe un médicament qui semble aider à soulager certains symptômes. Ce médicament appartient à une entreprise pharmaceutique, Gilead, une énorme entreprise, qui a développé le médicament, en partie, comme d’habitude, grâce à l’aide gouvernementale pour le développement de la recherche. Mais ils conservent le brevet.

Selon les règles néolibérales de l’Organisation Mondiale du Commerce, ces compagnies ont des droits de monopole pendant des décennies et  peuvent faire payer des sommes comme 20.000 dollars par dose, si elles le souhaitent. Eh bien, il se trouve qu’il existe une loi aux États-Unis, la loi Bayh-Dole, que vous pouvez consulter si vous le souhaitez, qui oblige, n’autorise pas mais oblige le gouvernement à s’assurer qu’un médicament développé avec l’aide du gouvernement soit disponible publiquement à un prix raisonnable. Mais nous vivons dans un monde de gouvernements criminels qui ne se soucient pas du tout du monde. Pas du tout ! C’était bien clair avec Reagan et tous ceux qui sont venus après lui ont fait de même. Aucun d’eux ne fait appliquer cette loi et les entreprises  fixent les prix qu’elles veulent faire payer. Eh bien, maintenant la pression sur ces gouvernement est telle qu’ils ne peuvent reculer et c’est ainsi que le système est conçu.

Nous vivons dans un monde de gouvernements criminels qui ne se soucient pas du tout du monde. Pas du tout. C’était bien clair avec Reagan et tous ceux qui sont venus après lui ont fait de même.

Les effets sont tangibles pour la plupart des gens qui se retrouvent marginalisés, en situation très précaire, sans syndicat, sans assistance. Comme l’a souligné Thatcher, la société n’existe pas. Reagan et Thatcher ont frappé dans le mille. La première chose qu’ils ont faite a été d’essayer de détruire les syndicats, la seule protection des travailleurs contre le capitalisme prédateur. Eh bien, Reagan a fait exprès de ne pas appliquer le droit du travail qui exige entre autres de ne pas engager de briseurs de grève pour mettre fin aux à ces grèves, ce qui est illégal dans le monde entier et les entreprises ont suivi son exemple et ont fait la même chose. Les gens sont donc laissés à eux-mêmes, ils sont atomisés, ressentent une grande colère, du ressentiment et de la haine envers les institutions. Et c’est un terrain fertile pour les démagogues qui viennent dire que c’est la faute de quelqu’un d’autre, qui créent des boucs émissaires comme les immigrés, les clandestins, les mères vivant de l’aide sociale, ce qui est extrêmement raciste et qui rejette la responsabilité des problèmes sur les riches mères noires qui vont toucher l’aide sociale dans des limousines et voler ce qui est à toi. Ça se passait comme cela déjà à l’époque de Reagan. Trump est aussi un génie en la matière, il le fait tout le temps. C’est pourquoi il parle tant de la construction d’un mur à la frontière et de tout le reste.

Et cela se produit aussi dans de nombreux autres pays, terrain facile pour les démagogues. C’est le monde auquel nous sommes confrontés : un monde de capitalisme sauvage et extrême qui a eu 40 ans pour tout détruire. En Europe, cette situation est exacerbée par la structure même de l’Union européenne, qui transfère depuis Bruxelles toutes les décisions importantes à une troïka non élue. Les grandes banques veillent et vous pouvez imaginer le résultat. C’est le monde d’aujourd’hui. Et je n’ai pas encore parlé du pire.

Lire la suite de l’article sur ZinTV

Dans le même dossier

Sans réelle opposition et ultra favori pour l’investiture du Parti conservateur américain, Donald Trump a largement remporté le Caucus en Iowa. L’élection américaine aura lieu le 5 novembre prochain et déjà, les observateurs demandent à Biden de muscler le…

La fin du libéralisme

Le dimanche 19 novembre, le candidat néofasciste Javier Milei a été élu avec 56% des voix, face au ministre de l’économie sortant Sergio Massa. Une élection qui intervient alors que l’Argentine est plongée dans une grave crise avec une…

Partagez !

Marina Mesure

Syndicalisme international

Marina Mesure is a specialist of social issues. She has worked for several years with organizations defending workers’ rights such as the European Federation of Building and Wood Workers.

She has campaigned against child labor with the International Labor Organization, against social dumping and the criminalization of unionism. As a famous figure in the international trade union world, she considers that the principle of “equal work, equal pay « remain revolutionary: between women and men, between posted and domestic workers, between foreigners and nationals ».

Marina Mesure, especialista en asuntos sociales, ha trabajado durante varios años con organizaciones de derechos de los trabajadores como la Federación Europea de Trabajadores de la Construcción y la Madera.

Llevo varias campañas contra el trabajo infantil con la Organización Internacional del Trabajo, contra el dumping social, y la criminalización del sindicalismo. Es una figura reconocida en el mundo sindical internacional. Considera que el principio de « igual trabajo, igual salario » sigue siendo revolucionario: entre mujeres y hombres, entre trabajadores desplazados y domésticos, entre extranjeros y nacionales « .

Spécialiste des questions sociales, Marina Mesure travaille depuis plusieurs années auprès d’organisations de défense des droits des travailleurs comme la Fédération Européenne des travailleurs du Bâtiment et du Bois.

Elle a mené des campagnes contre le travail des enfants avec l’Organisation internationale du travail, contre le dumping social, la criminalisation du syndicalisme. Figure reconnue dans le monde syndical international, elle considère que le principe de « travail égal, salaire égal » est toujours aussi révolutionnaire : entre les femmes et les hommes, entre les travailleurs détachés et domestiques, entre étrangers et nationaux ».

Sophia Chikirou

Directrice de la publication

Sophia Chikirou is the publisher of Le Monde en commun. Columnist, director of a documentary on the lawfare, she also founded several media such as Le Média TV and the web radio Les Jours Heureux.

Communications advisor and political activist, she has worked and campaigned in several countries. From Ecuador to Spain, via the United States, Mexico, Colombia, but also Mauritania, she has intervened with progressive and humanist movements during presidential or legislative campaigns.

In 2007, she published Ma France laïque (La Martinière Editions).

Sophia Chikirou es directora de la publicación de Le Monde en commun. Columnista, directora de un documental sobre el lawfare, también fundó varios medios de comunicación tal como Le Média TV y la radio web Les Jours Heureux.

Asesora de comunicacion y activista política, ha trabajado y realizado campañas en varios países. Desde Ecuador hasta España, pasando por Estados Unidos, México, Colombia, pero también Mauritania, intervino con movimientos progresistas y humanistas durante campañas presidenciales o legislativas.

En 2007, publicó Ma France laïque por Edicion La Martinière.

Sophia Chikirou est directrice de la publication du Monde en commun. Editorialiste, réalisatrice d’un documentaire sur le lawfare, elle a aussi fondé plusieurs médias comme Le Média TV et la web radio Les Jours Heureux.

Conseillère en communication et militante politique, elle a exercé et milité dans plusieurs pays. De l’Equateur à l’Espagne, en passant par les Etats-Unis, le Mexique, la Colombie, mais aussi la Mauritanie, elle est intervenue auprès de mouvements progressistes et humanistes lors de campagnes présidentielles ou législatives.

En 2007, elle publiait Ma France laïque aux éditions La Martinière.

Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur notre site. Si vous continuez à utiliser ce dernier, nous considérerons que vous acceptez l'utilisation des cookies.