Depuis la création de l’État croupion du Kosovo, aussitôt transformé en base militaire US, le monde slave et russe sait que tout est possible venant des alliés de l’OTAN. D’ailleurs, tout a commencé par une trahison. La levée du pacte de Varsovie et l’évacuation militaire des pays de l’Est au moment qui rendit possible la chute du mur avaient été négociées contre la garantie que l’OTAN ne s’étendrait pas aux pays concernés. On commença par faire entrer à l’OTAN les dix pays de l’Est dans l’Union Européenne. Puis ce fut l’installation d’une base de missiles anti-missile en Pologne sous couvert… de menace iranienne. Puis ce fut l’annulation par les USA du traité anti-missiles de courte portée. Puis la formation d’un état-major de l’espace dans l’OTAN et les manœuvres communes dans ce domaine France-Allemagne-USA. J’en passe, comme les manœuvres OTAN en mer Noire, et ainsi de suite.
À chaque étape, l’OTAN n’a pas été la solution mais le problème. La méthode des USA est simple. Ils font des provocations puis poussent des cris quand la Russie ou la Chine répliquent par des mesures de même niveau. Une fois cela posé, l’ambiance est préparée pour passer à une nouvelle étape de tension. Autrement dit : l’OTAN provoque de sang-froid une escalade. Récemment, ce fut frappant avec l’utilisation d’une prétendue menace Russe à la frontière de l’Ukraine. Servile, Macron s’engagea de manière irresponsable à « défendre l’intégrité physique de l’Ukraine ». Ridicule. Vingt-quatre heures plus tard, les Ukrainiens démentaient la menace, trop conscients qu’ils sont du risque d’une escalade sur leur territoire. Puis leur ministre des Affaires étrangères convoqué à Washington nuançait soudain le démenti. Mais aussitôt, l’alerte et la guerre des communiqués prit fin.
Avec la Chine, c’est pire. Là aussi et surtout, il s’agit pour les USA de faire monter en puissance une état d’esprit de guerre froide. Un travail méthodique. La propagande déferle et des pages « d’éléments de langage » se retrouvent amplement dans la presse atlantiste de notre pays comme dans celle des autres. Elles sont relayées plus ou moins mezza-voce par les politiciens atlantistes de tous les partis. En France, ce sont surtout les centristes anciens (MODEM) et nouveaux (LREM) d’un côté et les socialistes du PS de l’autre qui constituent les gros bataillons de l’allégeance aux USA. C’est historique comme l’est la distance gaulliste et communiste à l’égard de USA. Mais quand la bataille s’engage, les sujets « d’alerte » se répètent d’un journal à l’autre, soudain passionnés par des questions de défense qu’ils méprisent souverainement le reste du temps. Un recopiage sans recul des pires refrains US, sans le moindre débat ni la moindre opinion contraire. Ainsi, pour amoindrir le choc de la trahison australienne, certains bavards recopient les notes d’infos sur le pullulement des sous-marins chinois, une vaste blague sur-mesure inventée à Washington.
Le début officiel de la nouvelle campagne anti-chinoise a commencé avec la réunion du 14 juin de l’OTAN à Bruxelles. Pour la première fois, la Chine est désignée comme un adversaire commun des alliés de l’OTAN. Aucune raison précise n’est mise en avant, ni aucune perspective ou conditions pour une baisse du niveau d’alerte que proclame le texte. Une pure escalade. La Chine est pour la première fois pointée comme une menace stratégique avec l’expression euphémisée de « défi systémique ». Lisons. C’est au paragraphe 55 (sur 79…). Il est précisé sans autre forme de procès: « Les ambitions déclarées de la Chine et son assertivité présentent des défis systémiques pour l’ordre international fondé sur des règles et dans des domaines revêtant de l’importance pour la sécurité de l’Alliance ».
Quelles « ambitions déclarées » ? En quoi « l’assertivité » de la Chine est-elle inadmissible de la part d’un pays souverain qui plus est quand il est la première nation productive du monde ? Que veut dire « assertivité » ? Selon mon moteur de recherche ? « Qu’est-ce qu’une attitude assertive ? Le comportement assertif se définit comme une attitude, une posture d’affirmation de soi tout en respectant l’autre. C’est savoir s’affirmer en ayant une attitude respectueuse envers les autres, dans le but d’avoir des relations apaisées ». Autrement dit, c’est l’affirmation de soi qui pose problème à l’OTAN ? Pourquoi ? Parce qu’elle fait de l’ombre à la volonté de toute-puissance des USA. La preuve est ici dans le texte.
Pour suivre la lecture de cette étrange déclaration d’hostilité contre la Chine, posons encore une question. Quel aspect de la sécurité de l’alliance, prise comme un tout, est-il concerné par « l’assertivité de la Chine »? L’autre chiffon rouge est la question de Taïwan. Cette province chinoise servit de base de repli à l’armée nationaliste de Tchang Kaï-chek après sa déroute contre les Japonais et l’armée populaire chinoise. Habilement, pour faire cesser les hostilités sur le territoire continental de la Chine, l’état-major de l’armée rouge laissa le repli fonctionner comme une évacuation de l’armée blanche. Ce fut un succès. Taïwan était sous autorité de l’État continental chinois depuis la même époque où la Franche-Comté est devenue française. Pendant cinquante ans succéda un régime de parti unique d’extrême droite à Taïwan. La situation a beaucoup évolué depuis lors.
Aujourd’hui se pratique une « ambiguïté pacifique » internationale qui est finalement bien utile à la Paix. Naturellement, Taïwan ne peut prétendre représenter la Chine. D’ailleurs, elle a perdu progressivement tous les attributs correspondants depuis son expulsion du Conseil de sécurité et jusqu’à son appellation aux JO. Tout le monde s’en remet à la formule « une seule Chine » sans plus de précision. Mais tout le monde sait qu’il s’agit de la République populaire de Chine. La France a d’ailleurs été la première à la reconnaître en 1964.
Mais depuis peu, et sans cesse plus agressivement, les USA provoquent la Chine. Cela peut être très dangereux, car les USA sont un Empire aux abois dirigé par des gens intellectuellement limités par leur arrogance dominatrice, comme l’ont montré leur comportement dans toutes les crises récentes. Elles ont d’ailleurs toutes fini dans un désastre pour eux comme au Vietnam, en Irak, en Syrie et en Afghanistan. Menacer et même affronter militairement la Chine est une ligne sans aucun futur. Un pays avancé de un milliard d’habitants ne peut pas être vaincu, quelles que soient les circonstances. Et les dirigeants chinois savent qu’ils ne doivent pas se laisser entrainer dans l’escalade des équipements comme le firent les soviétiques au point d’asphyxier l’économie socialiste de leur pays. Au demeurant, leur modèle d’économie mixte peut s’accommoder d’un volant d’entrainement avec l’aide de l’industrie d’armement comme l’ont montré les États-Unis eux-mêmes.
Mais la pression est forte. Ainsi, un communiqué US dénonce l’accroissement de l’arsenal nucléaire chinois. Mais sans faire évidement état du fait que les USA ont eux-mêmes engagé sous Obama un plan de modernisation de leur arsenal budgété à hauteur de 1 200 milliards de dollars sur 30 ans. Ce qui est un véritable appel à la course aux armements. En toute hypothèse, l’argument est nul et non avenu. Car dans les faits, le nombre de têtes nucléaires déployées par la Chine est estimé à 350 par le SIPRI alors qu’à elle seule la France en dispose de 280. Tout cela reste à des années lumières des immenses capacités des États-Unis qui ont 1600 ogives déployées, pour un stock total de près de 6000 têtes disponibles ! En regardant de plus près, on voit comment, en 2019, le budget militaire de la Chine était estimé à 200 milliards de dollars. Les dépenses militaires (source SIPRI, l’organisme de référence en la matière, dernier rapport à jour), cumulées de l’ensemble des pays membres de l’OTAN représentaient 1035 milliards de dollars – dont 731 par les seuls USA. C’est à dire plus de la moitié des dépenses militaires mondiales. C’est beaucoup pour une alliance purement défensive. C’est peu pour une puissance comme la Chine si son intention était offensive.
Telle est la logique de l’escalade déclenchée par les USA telle qu’elle est relayée par la presse atlantiste des pays inclus dans l’OTAN. Tout est à charge. Aucun raisonnement de sang-froid. Ainsi quand il est reproché à la Chine de coopérer avec la Russie dans le domaine militaire, notamment en participant à des exercices russes dans la zone euro-atlantique. Là encore, aucun argument de contexte n’est pris en compte. Car dans les faits ce rapprochement n’allait pas de soi. Il a été accéléré par les menaces analogues dont les deux pays font l’objet de la part des membres de l’OTAN. En mars, après avoir été ciblés par des sanctions de la part de l’UE, – une première pour la Chine – les deux pays avaient dénoncé des « sanctions illégitimes » imposées par les États-Unis et leurs alliés. Ils ont alors officiellement convenu de « travailler ensemble » pour repousser ces pressions. Pékin et Moscou avaient également décidé ensemble de « s’éloigner du dollar américain pour les échanges commerciaux » afin de réduire les risques économiques liés aux sanctions. Quoiqu’il en soit, pour la Chine, il s’agit surtout de prendre au sérieux les arsenaux déployés en Asie Pacifique par les USA et leurs alliés dans la zone « indopacifique ». Depuis la formation de l’alliance USA-Australie-Grande Bretagne dans l’AUKUS contre la Chine, celle-ci doit être prise au sérieux. On comprend sans mal qu’une grande nation le fasse. Pourquoi ne le ferait-elle pas ? Ici l’intention agressive est clairement située du côté de l’OTAN et non de la Chine.
Que Taïwan soit un prétexte à escalade est donc assez évident. Son agitation comme un chiffon rouge est assez clairement visible. De son côté, la Chine populaire renouvelle à intervalle régulier sa position « une seule Chine ». Mais elle s’en remet aux générations futures pour régler le problème. La Chine continentale n’a en effet aucun intérêt à un conflit et ne le cherche pas. Elle est en effet le premier fournisseur et premier client de Taïwan. De nombreux hommes d’affaires et sociétés chinoises continentales ont leur siège sur l’île. La pente de l’Histoire réunifiera la Chine sous l’autorité de Pékin, c’est une certitude. Les démonstrations de force que fait la Chine, parfois, sont toujours calculées au millimètre comme le savent tous les observateurs. Et elles sont toujours la réplique à une tentative de mordre le trait de « l’ambiguïté pacifique » respectée jusqu’à présent.
Il n’existe pas de cas offensif chinois. C’est donc à dessein que les USA créent des incidents. Ils leurs permettent d’espérer obtenir un rappel à l’ordre venant de Pékin. celui-ci est ensuite présenté au monde entier comme une menace. C’est ce qui s’est passé quand ont commencé des rumeurs sur la volonté de Taïwan de se déclarer indépendante en même temps que le nombre et la visibilité des militaires américains sur place et autour s’accroissaient. Les survols chinois de l’île furent aussitôt présentés comme autant de menaces d’agression, voire d’invasion. Antony Blinken, le soi-disant ami de la France et secrétaire d’État de Biden, a roulé les mécaniques pour « exprimer sa préoccupation concernant les pressions diplomatiques et économiques continue de la République Populaire de Chine contre Taïwan ». Non sans un certain humour noir, il a aussi invité le pays « à résoudre ses différents avec Taïwan pacifiquement ». Tout est revenu au calme. Mais cela ne durera pas. Ce jeu est entièrement dans la main des USA et il n’est pas sûr que tous leurs objectifs soient directement et seulement tournés contre la Chine. L’OTAN est d’abord une alliance qui garantit aux USA leur contrôle sur leurs alliés, ne l’oublions pas. La vérité est que les USA n’imaginent pas avoir des alliés mais des vassaux. Leur exigence que 2% des budgets soient consacrés aux dépenses militaires fonctionne comme un tribut exigé des membres de l’alliance qui sont invités à se fournir en armes USA et donc à contribuer directement au fonctionnement de l’économie de ce pays qui est régulièrement relancée avec ce type de commandes gigantesques.
La question de Taïwan est donc un indicateur à surveiller en permanence. Il permet de mesurer le degré d’alignement des pays vis-à-vis des USA. Et aussi le degré d’indépendance des médias qui recopient la propagande US. Car sans imagination, ces journaux reprennent les vieux refrains de la guerre du Golfe contre « l’esprit de Munich » qui les poussaient déjà à avaler tout rond les charniers de Timisoara, les armes de destructions massives en Irak et d’une façon générale n’importe quelle ligne de propagande des agences d’influence des USA. On verra tout cela fleurir de nouveau bien largement. Une fois de plus, il va falloir tenir bon sous l’outrage et les pressions pas toujours délicates. La question ici n’est pas d’être pour ou contre Taïwan. Ou bien pour ou contre la Chine populaire, même si naturellement cela est tout à fait légitime de l’être comme dans tout débat. Le point de vue sous lequel je me situe est d’un autre ordre. Il part du respect de l’ordre international comme condition de la paix générale. Et il postule l’indépendance de la France face aux tentatives pour l’embrigader dans des aventures dans lesquelles elle n’a aucun intérêt. Enfin il affirme la nécessité de sortir d’une alliance militaire où elle n’est pas la bienvenue comme l’a prouvé l’affaire AUKUS alors même que la France existe géographiquement dans l’espace considéré.
Il faut donc raisonner sur des bases documentées pour affronter la réalité. Car la situation se durcit. Pour la première fois, les USA ont invité les représentants de l’île à une réunion internationale des démocraties en décembre. La Chine a protesté. 110 pays sont invités. C’est évidemment une comédie destinée à affirmer que l’Amérique est « redevenue » le leader du « monde démocratique ». En tous cas, la centralité du prétexte taïwanais est assez forte pour être devenue un élément du « dress-code» atlantiste. Chacun se doit d’en parler comme d’une grande question importante. À preuve dans le piteux accord de coalition gouvernementale tricolore en Allemagne entre trois partis caricaturaux de « réalisme atlantiste ». Berlin a donc un avis sur Taïwan ! « Toute modification du statu quo dans le détroit de Taïwan ne peut se faire que de manière pacifique et d’un commun accord. Dans le cadre de la politique d’une seule Chine de l’UE, nous soutenons la participation objective de Taïwan démocratique aux organisations internationales ». Plus hypocrite et plus fumeux tu meurs.