Les périphéries de la capitale kényane changent de visage. De nouvelles constructions éclosent un peu partout depuis ces dernières années. Le signe d’un dynamisme dans le pays qui mène à l’apparition d’une classe aisée en mal de logements. Les promoteurs immobiliers ont donc mis la main sur des centaines d’hectares autour de la ville afin de répondre à cette demande croissante de lieux de résidences. Face à cet essor de constructions, les infrastructures routières sortent de terre, anticipant l’afflux dans les années à venir de résidents motorisés.
Tout ces changements ont pourtant lieu dans des espaces déjà occupés. 70 % des habitants de Nairobi habitent dans des bidonvilles où les accès à l’eau et à l’égout, à l’électricité, sont impossibles. Plusieurs centaines de mètres plus loin, des gratte-ciels se dressent dans les airs et hébergent les plus riches du pays. Cette scène témoigne des inégalités croissantes à Nairobi où l’essor économique du territoire ne profite qu’à une infime minorité.
Pour récupérer ces terres sur lesquels résident des milliers de Kényans, les promoteurs ont fait appel à la police, avec la complaisance du gouvernement. Ceci par le biais de la corruption endémique dans le pays. Depuis octobre, c’est une véritable opération de démolition qui est en cours tel que le rapporte Jacobin. Sans préavis, bulldozers et escadrons de police sont déployés dans les zones à raser. En trois mois, ce sont au moins 13 000 maisons de tôle qui ont été rasées, provoquant le déplacement soudain de 76 000 personnes qui perdent souvent le travail de toute une vie.
Lorsque les habitants tentent de s’organiser pour riposter et défendre leurs biens, la police use de canons à eau et de gaz lacrymogène quand elle ne décide pas de tirer à balles réelles dans la manifestation. Au moins deux personnes ont ainsi perdu la vie. Des milliers de résidents se retrouvent sans lieu où aller, et doivent s’abriter dans des tentes rustiques et précaires. Installés sur des terrains convoités, ils craignent que ces scènes de destruction ne se répètent.
Pour les personnes affectées, c’est surtout une défiance vis-à-vis du gouvernement qui s’exprime. Celui-ci est accusé de cynisme et d’inaction face à la misère vécue par une part conséquente de la population. Les intérêts privés des promoteurs sont ainsi jugés plus importants pour le développement du pays. Les perspectives de sortie pour ces citoyens déracinés et marginalisés sont minces dans un Kenya toujours plus inégalitaire…