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Le Racisme, une histoire du capitalisme : « carceral capitalism » (Part 2)

Après avoir lu mon article précédent, Richard Wolff, économiste américain dont la chaine Democracy at Work sur Youtube est extrêmement suivie, m’a fait observer une disposition particulière de l’Amendement numéro 13 de la Constitution américaine dont les conséquences pèsent encore lourdement sur la vie de la communauté noire aux États-Unis.

Ce texte a été publié le 3 juin 2020. Il est la suite de "Racisme : une histoire du capitalisme" (part1). François Colcanap est un écrivain franco-américain.

L’article 13 est ainsi rédigé dans sa version originale :

“ Neither Slavery nor involuntary servitude, except as a punishment for crime whereof the party shall have been duly convicted, shall exist within the United States, or any place subject to their jurisdiction.”

“ Ni l’esclavage ni la servitude forcée n’existeront aux Etats-Unis ou en aucun endroit sous sa juridiction, sauf en tant que punition d’un crime pour ceux légitimement condamnés”

L’article 13 abolissait l’esclavage en donnant aux anciens esclaves tous les droits dont bénéficiaient la population blanche. S’y ajouteront l’article 14 sur la nationalité liée à la naissance sur le territoire ou à la naturalisation et l’article 15 sur le droit de vote. Ce corps législatif réalisé dans les 5 ans suivant le passage de l’article 13 en 1865. 

Dès 1865, le pouvoir blanc des états du Sud, connu sous l’appellation des Confédérés, battu par les Unionistes, ne pouvait accepter les conséquences de la défaite, perte de leurs privilèges sociaux et économiques. Intimidé, paralysé dans son opposition par la présence des forces militaires de l’Union, ce pouvoir blanc créa l’organisation terroriste du Ku Klux Klan prônant la suprématie de la race blanche.

Au long des années, jusqu’à l’échec de la Reconstruction et l’instauration de la ségrégation et des lois Jim Crow, cette organisation – communément dénommé le Klan – a infiltré toutes les structures de pouvoir des États du Sud. Dès 1876, quand les forces de l’Union se sont retirées du Sud ensuite du compromis “Haynes-Tilden” et plus encore à partir de 1896, date de la confirmation de la ségrégation, la disposition particulière du 13ème Amendement de la Constitution est devenue un instrument pour l’asservissement de la population noire.

Il ne s’agissait plus alors que de faire condamner un noir pour le priver des acquis de l’article 13 et le renvoyer à sa condition d’esclave.

Le Klan avait infiltré la police locale, les tribunaux, le tout agissant comme service recruteur en fonction des besoins économiques. Une énorme industrie a alors vu le jour dans le Sud des Etats-Unis, aujourd’hui dans tous les Etats, qui est l’entreprise carcérale ou ce qu’un auteur américain a appelé “Carceral Capitalism”.

L’entreprise a commencé dans le Sud par la création de gigantesques fermes dans lesquelles les noirs enchainés, “Gang chain”, travaillaient dans les mêmes conditions que celles qui étaient les leurs sur les plantations. Il en était de même pour les travaux publics où les “Gang Chains” étaient utilisés. Les Blancs du Sud avaient retrouvé leurs privilèges et la communauté noire entièrement asservie.

Et nous voici en 2020. Au plein de la crise Covid19, les collecteurs d’ordures ménagères à La Nouvelle Orléans, état de Louisiane, principalement des Africains-Américains, se sont mis en grève pour réclamer de recevoir des équipements de protection contre le virus et une augmentation de salaire de 10 dollars de l’heure à 15 dollars de l’heure. Ils furent tous licenciés sine die et remplacés par des prisonniers payés 1,5 dollars par… jour… par la compagnie qui gère les prisons qui elle bénéficie d’un important contrat de la ville de la Nouvelle Orléans.

Deux compagnies privées uniquement gèrent l’entier système carcéral américain, avec leurs actionnaires et dirigeants qui en retirent d’importants dividendes et de hauts salaires.

Cette disposition de l’article 13 a aussi des conséquences sur la représentation politique, les noirs condamnés étant privés à vie de leurs droits de vote, ce qui explique la représentation majoritairement blanche des états à majorité noire. Je ne citerai que ces chiffres qui remontent à 2010. La population noire des USA représente 13% de la population totale mais 40% de la population carcérale.

Aujourd’hui, l’assassinat de George Floyd reproduit les combats du passé dans la persistance du racisme institutionnel que connaissent les États-Unis d’Amérique. Le « language » de Donald Trump est un langage codé pour attiser les haines, rallier à lui ceux qui ne peuvent accepter la réalité de notre monde, ceux qui cherchent à s’isoler en pensant que le malheur vient des autres…alors, il faut intimider, s’armer et utiliser la force derrière l’apparence de la légitimité. Les méthodes du Klan à nouveau au goût du jour.

 Je vous laisserai avec les vers originaux de la chanson de Nina Simone “Work Song”

Breaking rocks out here on the chain gang   
Briser les cailloux ici sur le gang des chaines
Breaking rocks and serving my time            
Briser les cailloux et servir mon temps
Breaking rocks out here on the chain gang  
Because they done convicted me of crime   
Parce qu’ils m’ont condamné pour crime

Hold it steady right there while I hit it
Me tenir tranquille et passer le temps
Well, reckon that ought to get it                     
Eh bien, je pense que cela devrait le faire
Been working and working                           
Travaille et Travaille
But I still got so terribly far to go                     
Mais je suis encore loin de mon temps

I committed crime Lord I needed               
J’ai commis un crime, Dieu, dont j’avais besoin
Crime of being hungry and poor                  
Crime de faim et de pauvreté
I left the grocery store man breathing            
Je n’ai pas tué l’épicier
When they caught me robbing his store        
Quand ils m’ont pris la main dans le sac

Hold it steady right there while I hit it           
Well, reckon that ought to get it                   
Been working and working                          
But I still got so terribly far to go                  

I heard the judge say five years                    
J’ai entendu le juge dire cinq ans
On chain-gang you gonna go                        
Tu vas sur le chain-gang
I heard the judge say five years labor           
J’ai entendu le Juge dire cinq ans de bagne 
I heard my old man scream Lordy, no!          
J’ai entendu mon père crier Mon Dieu, non !

Hold it right there while I hit it                      
Well, reckon that ought to get it                  
Been working and working                         
But i still got so terribly far to go               

Gonna see my sweet honey bee                 
Je vais aller voir ma douce abeille
Gonna break this chain off to run                
Je vais casser cette chaine et courir
I’m gonna lay down somewhere shady       
Je vais me cacher à l’ombre
Lord, I sure am hot in the sun                   
Mon Dieu, qu’il fait chaud au soleil

Hold it right there while I hit it                    
Well, reckon that ought to get it                
Been workin’ and workin’
Been workin’ and slavin’
An’ workin’ and workin’
But I still got so terribly far to go


Racism, inherent in capitalism history: « carceral capitalism » (Part 2)

After reading my last article, Richard Wolff – an American economist running the widely viewed YouTube channel “Democracy at work” has set the spotlight on a particular disposition ofthe 13th Amendment of the American Constitution, the consequences of which still weigh heavily upon the lives of black people in the United States.

This text was published on June 3rd, 2020. It is a follow up to “Racism, inherent in capitalism history” (part 1). François Colcanap is a Franco-American writer.


The 13th Amendment is written in its original version as followed:

“Neither Slavery nor involuntary servitude, except as apunishment for crime whereof the party shall have been duly convicted, shall exist within the United States, or any place subject to their jurisdiction.”

This Amendment abolished slavery by giving former slaves the same rights asthose of the white population. It was followed by the 14th Amendment about birthright citizenship and naturalisation and the 15th Amendment dealing with voting rights. This legislative amendment was implemented throughout the 5 years following the ratification of the 13th Amendment in 1865.

From the non, white authorities inthe Southern States –known as Confederates, defeated by the Union-could not accept the consequences of this downfall, resulting in the loss of their social and economic privileges. Daunted, its opposing powers thwarted by the presence of Unionistmilitary forces, these white States saw the emergence ofthe terrorist group “Ku Klux Klan” to advocate white supremacy.

For years, from the Reconstruction failure to the establishment of segregation and the Jim Crow laws, this group –commonly known as “the Klan”– infiltrated every structure of power in the Southern States. Between 1876, when the Union’s army withdrew from the South after the Haynes-Tilden deal, and 1896, when segregation was confirmed, the complex layout of the 13th Amendment of the Constitution became a tool for the enslavement of the black population.

You only had to convict a black man to deprive him of his rights earned from the 13th Amendment and send him back to his slave condition.

The Klan subverted the local authorities and courts, acting as a recruitment service answering economic needs. A vast industry then emerged in the south of the United States –and today in its entire territory– to become a prison business or what an American writer would later label “carceral capitalism”.

This industry started with massive farms popping up all around the South in which black people were chained up intowhat became known as “chain gangs”, and faced the same working conditionsas seen in plantations. These same “chain gangs” were used on public workers. Southern white people began restoring their privileges and the black community found itself enslaved yet again.

We are now in 2020. In the middle of the Covid19 crisis, New-Orleans’ trash collectors in Louisiana -most of themAfrican-American- went on strike and demanded they receive gear as protectionagainst the virus along with a raisein wages, tobeincreased from 10 to 15 dollars an hour. They were all fired and replaced by inmates remunerated with 1.5 dollars per… day. A ludicrous salary paid by the company that manages penitentiaries, which benefits from an important contract with the city of New-Orleans. Two private companies are the sole managers of the entire penitentiary system in America and their stockholders and leaders get asignificant amount of interestand profits. This disposition in the 13th Amendment influences political representation, with convicted black people being deprived of their right to vote, which explains an overwhelming presence of white administrative figures in States where the population is predominantly black. I can only recallstatistics from 2010 that showed the black community representing 13% ofnational residents while prison populationamounts to 40%.

Today, George Floyd’s murder seems a follow-up to past strugglesfrom America’s institutional racism. Donald Trump’s “language” is a code destined to raise hatred, to rally those who cannot acceptthe reality ofour modern worldand to awake those who seek to isolate themselves into thinking that misfortune is conveyed by others… Then, they are encouraged to intimidate, take up arms and use violence under the guiseof legitimacy. The Klan’s methods are coming back in full force.

I will leave you here with the original verses from Nina Simone’s “Work Song”

“Breaking rocks out here on the chain gang
Breaking rocks and serving my time
Breaking rocks out here on the chain gang
Because they done convicted me of crime

Hold it steady right there while I hit it
Well, reckon that ought to get it
Been working and working
But I still got so terribly far to go

I committed crime Lord I needed
Crime of being hungry and poor
I left the grocery store man breathing
When they caught me robbing his store

Hold it steady right there while I hit it
Well, reckon that ought to get it
Been working and working
But I still got so terribly far to go

I heard the judge say five years
On chain-gang you gonna go
I heard the judge say five years labor
I heard my old man scream Lordy, no!

Hold it right there while I hit it
Well, reckon that ought to get it
Been working and working
But I still got so terribly far to go

Gonnasee my sweet honey bee
Gonna break this chain off to run
I’m gonna lay down somewhere shady
Lord, I sure am hot in the sun
Hold it right there while I hit i
Well, rockon that ought to get it
Been workin’ and workin’
Been workin’ and slavin’
An’ workin’ and workin’
But I still got so terribly far to go.”

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Marina Mesure

Syndicalisme international

Marina Mesure is a specialist of social issues. She has worked for several years with organizations defending workers’ rights such as the European Federation of Building and Wood Workers.

She has campaigned against child labor with the International Labor Organization, against social dumping and the criminalization of unionism. As a famous figure in the international trade union world, she considers that the principle of “equal work, equal pay « remain revolutionary: between women and men, between posted and domestic workers, between foreigners and nationals ».

Marina Mesure, especialista en asuntos sociales, ha trabajado durante varios años con organizaciones de derechos de los trabajadores como la Federación Europea de Trabajadores de la Construcción y la Madera.

Llevo varias campañas contra el trabajo infantil con la Organización Internacional del Trabajo, contra el dumping social, y la criminalización del sindicalismo. Es una figura reconocida en el mundo sindical internacional. Considera que el principio de « igual trabajo, igual salario » sigue siendo revolucionario: entre mujeres y hombres, entre trabajadores desplazados y domésticos, entre extranjeros y nacionales « .

Spécialiste des questions sociales, Marina Mesure travaille depuis plusieurs années auprès d’organisations de défense des droits des travailleurs comme la Fédération Européenne des travailleurs du Bâtiment et du Bois.

Elle a mené des campagnes contre le travail des enfants avec l’Organisation internationale du travail, contre le dumping social, la criminalisation du syndicalisme. Figure reconnue dans le monde syndical international, elle considère que le principe de « travail égal, salaire égal » est toujours aussi révolutionnaire : entre les femmes et les hommes, entre les travailleurs détachés et domestiques, entre étrangers et nationaux ».

Sophia Chikirou

Directrice de la publication

Sophia Chikirou is the publisher of Le Monde en commun. Columnist, director of a documentary on the lawfare, she also founded several media such as Le Média TV and the web radio Les Jours Heureux.

Communications advisor and political activist, she has worked and campaigned in several countries. From Ecuador to Spain, via the United States, Mexico, Colombia, but also Mauritania, she has intervened with progressive and humanist movements during presidential or legislative campaigns.

In 2007, she published Ma France laïque (La Martinière Editions).

Sophia Chikirou es directora de la publicación de Le Monde en commun. Columnista, directora de un documental sobre el lawfare, también fundó varios medios de comunicación tal como Le Média TV y la radio web Les Jours Heureux.

Asesora de comunicacion y activista política, ha trabajado y realizado campañas en varios países. Desde Ecuador hasta España, pasando por Estados Unidos, México, Colombia, pero también Mauritania, intervino con movimientos progresistas y humanistas durante campañas presidenciales o legislativas.

En 2007, publicó Ma France laïque por Edicion La Martinière.

Sophia Chikirou est directrice de la publication du Monde en commun. Editorialiste, réalisatrice d’un documentaire sur le lawfare, elle a aussi fondé plusieurs médias comme Le Média TV et la web radio Les Jours Heureux.

Conseillère en communication et militante politique, elle a exercé et milité dans plusieurs pays. De l’Equateur à l’Espagne, en passant par les Etats-Unis, le Mexique, la Colombie, mais aussi la Mauritanie, elle est intervenue auprès de mouvements progressistes et humanistes lors de campagnes présidentielles ou législatives.

En 2007, elle publiait Ma France laïque aux éditions La Martinière.

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