Corporatisme, clientélisme et corruption. Ces trois « C » caractérisent depuis des années la vie politique au Liban. Un sentiment de déconnexion entre les élites politiques et la population frappe ainsi la société libanaise. Trois quarts de celle-ci vit ainsi sous le seuil de pauvreté. La conséquence directe de la crise économique qui touche le Liban et dont l’ampleur ne cesse de grandir depuis 2019. Chaque mois l’inflation atteint des niveaux records. En une année, les prix ont augmenté de 215 %. Nombreux sont les foyers incapables de faire face à une telle hausse. Les explosions au port de Beyrouth, les multiples blocages politiques et la nature confessionnelle du régime libanais n’ont pas contribué à améliorer la situation.
La frustration accumulée de ces événements s’est traduite en de grandes mobilisations dans la rue visant à remettre en cause le statu quo. Celles-ci ont souvent été réprimées par la force. Les élections de 2022 ont donc constitué aux yeux d’une partie de la population une porte de sortie possible. Face aux partis confessionnels et à une presse tenue par une classe aisée déjà au pouvoir (avec des passages médiatiques monnayés au-delà des 10 000 dollars), des candidats issus de mouvements citoyens, souvent aconfessionnels, se sont lancés à contre-courant dans une campagne en apparence perdue d’avance. Les outils numériques ont été employés pour diffuser podcast et programmes digitaux au plus grand nombre. Avec succès.
Une percée des indépendants opposés aux partis traditionnels s’est ainsi opérée dans le pays suite aux élections du dimanche 15 mai. Le Hezbollah et ses alliés ont perdu 13 sièges (passant de 71 à 58) et par la même occasion la majorité au parlement (65 sièges nécessaires sur 128). L’opposition institutionnalisée a elle perdu 9 sièges (de 56 à 47). Pour les indépendants, ils passent d’un candidat à seize. Une victoire qui traduit concrètement la volonté de changement exprimée ces derniers temps au Liban. Une réussite malgré les centaines de cas de fraude électorale recensés dans le pays. Les résultats constituent en tout cas un formidable vecteur d’espoir pour l’avenir même si les nouveaux parlementaires restent lucides que les réformes du système resteront particulièrement difficiles après des années d’excès.