La nouvelle a fait l’effet d’une bombe mardi soir. Politico a publié un document interne reprenant la position majoritaire au sein de la Cour suprême sur le procès actuel Dobbs v. Jackson Women’s Health Organization. L’affaire concerne la constitutionnalité de restrictions importantes sur l’accès à l’avortement ; l’État du Mississippi étant pointé du doigt pour sa volonté de faire fermer la dernière clinique qui exerce encore des avortements sur le territoire. Selon le texte qui a fuité, la Cour suprême est prête à suivre la position du Mississippi et à remettre en cause une jurisprudence vieille de 49 ans, l’arrêt Roe v. Wade. Celui-ci avait ouvert la voie à l’avortement dans l’ensemble des États-Unis, l’élevant comme un droit fondamental garanti à toutes les femmes. Cette jurisprudence avait été confirmée près de vingt ans plus tard dans Planned Parenthood v. Casey.
Désormais, les conservateurs opposés à l’avortement tentent de noyauter l’appareil d’État pour faire reculer ce droit. Sous la présidence de Donald Trump, ce sont trois juges qui ont été investi, à vie, dans l’institution judiciaire la plus importante du pays. Une façon d’ancrer la Cour dans le giron des Républicains et de leurs luttes pour des reculs sociaux. Le document fuité par Politico contient ainsi une remise en cause de l’arrêt historique rendu en 1973. « Roe s’appuyait sur de fausses bases légales dès le départ. Son raisonnement était particulièrement faible, avec une décision aux conséquences dramatiques » est-il écrit dans le document. Il s’agit du premier brouillon d’une position qui devrait être rendue publique au cours du prochain mois. Le texte aurait selon toute vraisemblance le soutien de cinq juges de la Cour suprême sur les neuf qui la composent.
En réaction à cette révélation, la première fuite connue d’un tel document dans la presse, des manifestations spontanées ont eu lieu sur les marches de l’institution judiciaire pour critiquer la décision à venir des juges les plus importants du pays. Le revirement de jurisprudence tel qu’il est proposé pourrait ainsi faire de l’avortement un domaine qui dépend de l’échelon local. Certains analystes évoquent qu’une telle décision pourrait provoquer la fin de l’accès à l’avortement dans près de la moitié des États. Les réactions politiques n’ont pas tardé avec plusieurs gouverneurs dont celui de la Californie qui ont annoncé vouloir garantir ce droit dans les constitutions locales. Joe Biden a également appelé les citoyens à voter pour les candidats démocrates aux élections pour défendre ce droit à l’avortement. La décision finale de la Cour suprême devrait en effet tomber à quelques mois des élections de mi-mandat. De leur côté, les organisations conservatrices semblaient savourer le fruit de leur lobbying intense de ces dernières années.