Les protestations n’auront pas suffi à sauver Nagaenthran K. Dharmalingam, décédé à 33 ans. Il avait été condamné dès 2010 pour trafic de drogue dans un pays où une peine de mort est automatiquement attribuée au-delà d’un certain pallier dans la quantité de stupéfiants trouvée. Le Malaisien avait été arrêté en 2009 avec 42,72 grammes d’héroïne sur sa personne et sa peine de mort confirmée en appel en 2011. Au cours des années suivantes, des études psychiatriques vont pourtant rapidement révéler que Dharmalingam était incapable de comprendre la portée de son geste et d’en assumer pleinement les conséquences à cause de difficultés cognitives. Il avait par ailleurs affirmé qu’il avait transporté la drogue sous la menace. Plusieurs organisations de défense des droits humains avaient alors réclamé la libération du jeune homme ou au moins un aménagement de sa peine. Les autorités singapouriennes y avaient répondu par leur rigidité habituelle : la loi est la même pour tous, la peine minimale dans ce cas-ci restant la pendaison.
La défense de sa cause aura malgré tout vu naître un mouvement de mobilisation inédit dans un pays tenu d’une main de fer par le PAP (People’s Action Party) depuis 1959. Début avril a eu lieu la première manifestation à Singapour depuis plus de deux années – celles-ci doivent en effet rester cantonnées à un parc spécifique dans la cité-État, jusqu’à récemment fermé aux mobilisations pour cause de pandémie. Dans un pays où de tels rassemblement ne font pas partie des pratiques civiques encouragées, ce sont plus d’une centaine de personnes qui se sont retrouvées pour mettre la lumière sur le sort de Dharmalingam et plus largement pour s’opposer à la peine capitale régulièrement exercée sur l’île. D’autres rassemblements aussi suivis ont eu lieu tout au long du mois. De leur côté, les organisations comme Amnesty International ont dénoncé l’application stricte de la peine de mort pour certaines catégories de délits, sans la prise en compte de circonstances atténuantes et en oppositions avec les normes internationales.
Le gouvernement n’a pas répondu directement aux inquiétudes exprimées, préférant justifier la peine de mort en s’appuyant sur les résultats… d’un sondage commandé après de la population. Selon celui-ci, 80 % des Singapouriens estiment que la peine de mort peut décourager certains criminels. Ce sondage, commandé l’année dernière par le ministère de l’Intérieur singapourien, montre un fort soutien public pour la mesure et constituerait donc une raison suffisante pour poursuivre ce recours à la peine de mort. Et ce malgré les études qui remettent en cause l’effet dissuasif de la peine de mort. Les autorités devaient ainsi procéder à une nouvelle pendaison demain, vendredi 29 avril, pour un autre Malaisien, Datchinamurthy Kataiah. Il bénéficiera finalement d’un délai de quelques semaines le temps que son dernier appel soit traité. Un report qui ne devrait changer en rien la décision passée au vu de la jurisprudence. Singapour poursuivra alors la même marche en avant inhumaine et antidémocratique que ces soixante dernières années. Comme le dit son hymne, « En avant Singapour ». Majulah Singapura !