Produire une pensée bien informée sur les biens communs est essentiel. Leur sort est engagé. En effet, le changement climatique est commencé. Il est irréversible. Il met en péril l’immuable déroulement millénaire du cycle des biens communs fondamentaux comme l’air et l’eau. Mais savons-nous toujours combien ceux-ci sont dépendants de composants comme les forêts qui les alimentent de façon décisive ? Or, elles sont très directement impactées par la forme de la prédation humaine croissante. Car celle-ci est démultipliée par le modèle économique et social à l’intérieur duquel elle se déroule : le capitalisme financiarisé. Le triplement de la population mondiale depuis 70 ans a donné à ce modèle la forme d’une frénésie productiviste sans limite. Non seulement il est incapable de corriger ses abus mais il s’en nourrit.
Dans ces conditions, les biens communs naturels arrivent aujourd’hui à des points de bascule : leur dégradation progressive menace de devenir irréversible. Dès lors, le changement climatique et l’effondrement de la biodiversité s’accélèreront. Et ils franchiront à leur tour des seuils de non retours. Ces processus ne sont ni linéaires ni complètement prévisibles. Nous voici donc entrés dans l’ère de l’incertitude écologique. Or, nous dépendons de ces biens communs pour produire et reproduire notre existence matérielle. L’existence de l’espèce humaine s’en trouve directement menacée. Cette affirmation devient de plus en plus concrète.
Nous devons donc fonder une nouvelle relation des êtres humains entre eux et avec la nature. Par exemple, on ne peut plus ignorer le lien entre la déforestation et l’émergence de pandémies affectant l’ensemble des êtres humains. Cette nouvelle relation à construire tient en un mot : l’harmonie. C’est une idée concrète. Il s’agit de maîtriser la relation entre les cycles de l’activité humaine et ceux de la nature. Telle est la clé d’un avenir en commun pour tout le vivant. Dans cette perspective, il faut reconnaître que la place fondamentale de la forêt dans le cycle global de la biodiversité est mal connue et mal comprise. Cette brochure est ma contribution a une meilleure compréhension des enjeux politiques de ce sujet.
Le 3 décembre 2021, je me suis exprimé longuement sur ce thème, dans le cadre d’un forum international organisé par l’institut La Boétie. L’Institut m’avait en effet invité pour conclure ce colloque de spécialistes. Ce fut pour moi un exercice fort utile pour présenter de manière ordonnée une pensée politique complète sur cet objet. Puisque je veux contribuer à imposer le sujet des biens communs, et singulièrement de la forêt, comme discussion de premier plan pour notre pays, je livre ici le texte de ce discours. Il a été retravaillé pour en faciliter la lecture et des données supplémentaires sont présentées au fil des sujets. Il est assorti de l’introduction de Mathilde Panot à ce forum. Je la remercie d’avoir provoqué dans notre mouvement la prise de conscience politique sur le sujet.
Les débats sur la forêt, son rapport avec le climat et la façon dont l’Homme doit la gérer existent depuis au moins le XVIe siècle. Il faut d’abord le rappeler. Comme par le passé, il faut faire à présent un état des lieux à la lumière de l’expérience et des savoirs de notre temps. C’est le préalable pour formuler de nouvelles propositions politiques.
Les formes de perturbations contemporaines subies par la forêt doivent donc être décryptées. J’en rappelle l’enjeu. En effet, la forêt est un segment majeur du fonctionnement climatique. Son état est indissociable du cycle de l’eau lui-même déjà lourdement perturbé. Le capitalisme de notre temps, c’est à dire l’agro-industrie et le libre-échange sont les principales causes de cette perturbation globale. La déforestation et la spécialisation des cultures forestières en sont les bras armés destructeurs. Il en est ainsi parce que le temps court de l’accumulation et de la financiarisation domine. Planifier la reconquête du temps long s’impose.
La régulation et la gestion raisonnée de la forêt mondiale sont une nécessité à échelle planétaire. La France doit y prendre sa part. Elle est directement impliquée car notre plus longue frontière terrestre se trouve en Amazonie, avec le Brésil. Elle peut donc agir concrètement sur son propre sol. Par exemple en reconstruisant une filière bois durable. Des milliers d’emplois sont à la clé. Enfin, elle le peut encore en contribuant à l’avènement d’une diplomatie écologique altermondialiste. Son contenu sera de s’en tenir à la protection des biens communs sans implication de volonté de puissance ni alignement géopolitique militaire. S’en tenir au service de l’intérêt général humain est la boussole politique contemporaine.