Il faudrait diviser par deux les émissions mondiales de gaz à effet de serre en moins de dix ans. Cela ne sera pas fait. Pourquoi ? Parce que le caractère purement déclaratoire de ces engagements fait de la diplomatie climatique actuelle une pure incantation. En effet, le célèbre Accord de Paris n’a prévu aucun mécanisme de sanctions. La litanie des promesses peut donc se transformer en compétition d’affichage diplomatique et de gesticulations. Le président Macron peut ainsi en toute impunité exiger des efforts du monde entier sans le moindre risque alors qu’il a été condamné deux fois par les tribunaux de son pays pour son inaction climatique. Il ridiculise la France.
La COP26 fera-t-elle avancer les choses ? On peut en douter. On peut même craindre qu’elle les aggrave. En effet, l’article 6 de l’Accord de Paris pourrait autoriser les pays comme les entreprises qui ne tiennent pas leurs engagements à acheter…. des droits à polluer à ceux qui ne les utilisent pas. Encore une fois le mythe du marché régulateur suprême et la marchandisation de la nature ! Et la COP 26 maintient la possibilité absurde du « droit à compensation » pour les pollueurs. Risible ! Pour qu’une entreprise comme Shell « compense » ses émissions de CO2 tout en continuant à produire du pétrole, il faudrait planter des arbres sur l’équivalent de toute la surface de l’Inde.
« Sans obstacles, les multinationales poursuivent leur saccage«
Sans obstacles, les multinationales poursuivent leur saccage. Le soutien actif aux traités de libre-échange et les 3000 tribunaux d’arbitrage privés empêchent aussi toute bifurcation écologique d’ampleur. Ainsi, pour mettre un terme au projet de méga-mine d’or en Guyane, l’entreprise concernée réclame 4,5 milliards de dédommagement à la France. La défense des biens communs mondiaux passe par la fin de ce privilège juridique des multinationales. Dans ces conditions les marchés carbone et les systèmes de compensation sont des leurres qui donnent bonne conscience a ceux qui veulent que rien ne change dans leurs affaires.
Aucun nouvel ordre écologique mondial ne naitra jamais sans faire cesser l’impunité de ceux qui contreviennent à l’intérêt général humain. Il faut alors rappeler combien les gouvernements ont les moyens d’agir. En effet, via les entreprises d’État, ils contrôlent plus de la moitié de la production mondiale de combustibles fossiles. Et leur utilisation est copieusement arrosées par 11 millions de dollars de subventions publiques par minute à l’échelle mondiale. D’ailleurs, d’ici 2030, les prévisions mondiales de production de charbon, de pétrole et de gaz sont deux fois supérieures à celles compatibles avec le respect de l’Accord de Paris.
Dès lors il est vain de s’en remettre à la bonne volonté des intérêts qui sont impliqués par ces pratiques dévastatrices. Il est légitime de créer du droit contraignant sous l’égide de l’Organisation des Nations unies. Les propositions et les moyens juridiques sont là. Ainsi, 2000 scientifiques et 700 ONG réclament un traité de non-prolifération des énergies carbonées. La Bolivie propose aussi l’instauration d’un tribunal international de Justice climatique et environnementale depuis 2009. Les négociations pour un traité afin de contraindre les multinationales à respecter les droits humains et l’environnement ont commencé depuis 2014. Je propose un traité international de gestion universelle des grands fonds marins et l’interdiction des forages pétroliers offshore notamment en Méditerranée, mer quasi fermée qui ne survivrait pas à un accident comparable à celui qui a souillé le golfe du Mexique. L’urgence impose de mettre tout cela en œuvre. C’est possible. C’est nécessaire.
Autre évidence que révèle l’expérience concrète des catastrophes liées au changement climatiques. Combien de nations peuvent-elles réparer seules, en urgence et rapidement, les dégâts qu’occasionnent les catastrophes écologiques industrielles ? Voilà pourquoi il paraît nécessaire de mettre sur pied une force d’intervention et de sécurité écologique sous l’égide de l’ONU. Elle pourrait réunir les moyens d’intervention rapide que ce type de situation exige.
« La France a une responsabilité particulière«
La France a mieux à faire que de s’abaisser à des gesticulations et coups de menton. Elle a des responsabilités devant l’humanité universelle. Elle est présente à tous les points-clés de l’écosystème global. Et d’abord face au cycle de l’eau aujourd’hui si lourdement perturbé. C’est le cas en Méditerranée ou existe une situation d’extrême urgence. Mais aussi dans les cinq océans et en Amazonie. Les bases scientifiques polaires françaises sont aussi des postes avancés de l’observation du changement climatique. Oui, la France a donc une responsabilité particulière.
La France doit chercher à gagner le respect et l’adhésion à une nouvelle diplomatie climatique. Une diplomatie altermondialiste. C’est-à-dire une diplomatie qui milite pour un autre ordre du monde et d’autres normes juridiques au seul service de l’intérêt général humain. De nombreux alliés seraient disponibles car le plus grand nombre des peuples et des nations sait que la diplomatie mondiale de la canonnière qui continue à animer l’orientation du G7 est une impasse dérisoire devant la gravité de la menace qui pèse sur toute la civilisation humaine.