Lorsqu’on est écologiste, comment être contre un projet de production d’électricité renouvelable avec un parc photovoltaïque qui produira (selon la communication des porteurs de projet) autant que la consommation de 600 000 habitants ? Et bien c’est assez simple : en décryptant l’enfumage autour de ce projet qui aurait dû s’appeler plus justement « Businesseo » !
Levons le voile sur cet élément de communication : aucun habitant ne sera alimenté en énergie par ce champ de panneaux solaires de 1000 hectares. Ce même champ qui nécessite de raser 2000 hectares de forêt, avec une fausse exigence de compensation écologique*.
Il suffit de lire le descriptif de cette opération : produire de l’électricité photovoltaïque pour le marché de « gré à gré » (c’est à dire hors de la régulation des tarifs) destiné aux usages industriels. Il ne s’agit donc pas d’enclencher une spirale vertueuse de remplacement des énergies fossiles ou nucléaires ou d’espérer la promotion de la sobriété. Non, il s’agit juste de couvrir de nouveaux marchés et donc des nouveaux besoins pour produire du profit maximum pour les opérateurs privés qui espèrent s’implanter sur des terres où les écosystèmes sont aujourd’hui encore un peu épargnés.
Pour ceux qui veulent entrer un peu plus dans le détail du projet je vais préciser les autres points qui me semblent poser problème dans cette grande opération de greenwashing industriel :
- une unité d’électrolyse sur 1 hectare pour produire de l’hydrogène « vert » est également prévue sur place. Elle repose sur la capacité à utiliser de l’eau (H2O) pour la transformer en H2 grâce à l’énergie produite sur place, nous dit le dossier. Cela nécessite tout de même le pompage de 30 000 m³ eau/an alors que l’alimentation en eau potable de la Métropole commence à poser des problèmes à moyen terme avec la baisse des débits et la démographie en hausse. Et l’hydrogène produit sur place provoquera la rotation d’une dizaine de camion /jour pour sa distribution, sans que l’on sache aujourd’hui sous qu’elle forme chimique il voyagera. Habituellement, c’est sous forme d’ammoniac puisque le transport d’hydrogène est très dangereux, ce qui rend tout d’un coup cette station de production beaucoup moins écolo, mais le dossier reste muet sur le sujet… ! Une unité à 40 millions € avec moitié de financement bancaire et plusieurs millions de subventions publiques et classée ICPE (Installation Classée Pour l’Environnement) ça fait moins rêver.
- un centre de données (data center) alimenté à 20 % par l’électricité du site, le reste de l’électricité sera achetée à l’extérieur et acheminée par le réseau public. Finalement, on en revient toujours au même point : quand il faut des grandes infrastructures de réseau (électricité, chemin de fer, eau) qui coûtent beaucoup d’argent, c’est le public qui fournit et le dogme de la concurrence s’évanouit d’un coup de baguette magique. Par contre les profits générés, eux, sont pour les opérateurs privés, exclusivement.
- un parc de batteries Li-ion pour « lisser » la production et équilibrer offre et demande sur le réseau. La présentation est bien discrète quant à l’utilité du parc de batteries, ce rôle de régulation étant tenu par nos barrages hydro-électriques, que les mêmes veulent voir livrés au « marché » … sans parler des ressources extractives et dans ce cas précis le lithium utilisé pour ces batteries.
- 25 hectares d’agri-voltaïsme pour se donner bonne conscience et rendre le projet acceptable aux habitants. Un sol présenté comme pauvre et c’est vrai (c’est un podzol landais) et quelques lignes plus loin la promesse de maraîchage luxuriant pour alimenter les cantines de l’école. Autant dire que pour une commune de 3200 âmes, inutile de mobiliser 25ha et qu’une surface bien plus petite pourrait être utilisé par la municipalité sur des terres plus propices. Elle pourrait y installer un maraîcher municipal comme cela avait été fait il y a quelques années avec succès par l’ancien maire de Loupiac Lionel Chollon. En résumé : ce projet de production agricole sert de prétexte pour donner à l’ensemble du projet une utilité locale et une vertu écologique qu’il n’a pas.
Enfin, la région Nouvelle-Aquitaine a une production d’électricité supérieure de 23 % à sa consommation. L’urgence écologique et sociale n’est pas de produire 1 GW supplémentaire mais bien : de réduire notre consommation (en isolant les passoires thermiques ou en interdisant les publicités lumineuses par exemple) de fermer les réacteurs nucléaires vieillissants de satisfaire les besoins des gens qui sont dans une situation de précarité énergétique inadmissible.
Voilà donc quelques éléments pour juger de la communication habile que développent les porteurs de ce projet. Sur le volet fiscal, il y aurait aussi matière à commenter la manne financière qu’un tel projet fait miroiter aux collectivités locales. Je pense notamment à une petite ville comme Saucats, privée d’impôts locaux par Macron, les finances municipales sans doute asséchées par cette austérité imposée et qui voit alors les millions d’euros promis comme une opportunité miraculeuse de mener ses projets …
La concertation sur ce méga-projet s’ouvre aujourd’hui jusqu’en janvier prochain, je vous invite à y donner votre avis, à participer aux réunions publiques et à creuser les méandres de ce dossier qui n’a de vert que la couche de peinture qu’on y a apposé : rendez-vous ici pour participer.
*extrait du dossier : « Qu’est-ce qu’un boisement compensateur ?
L’article L.341-6 du Code forestier prévoit que le préfet subordonne son autorisation de défrichement à des conditions. Cela concerne notamment l’exécution, sur d’autres terrains, de travaux de boisements compensateurs pour une surface correspondant à la surface défrichée, assortie, le cas échéant, d’un coefficient multiplicateur compris entre 1 et 5. Ce coefficient est établi par les services instructeurs de l’Etat. Il permet d’établir les modalités de la compensation sur la base du rôle des espèces défrichées, et est déterminé en fonction du rôle économique, écologique et social des bois et forêts objets du défrichement.La réglementation prévoit également la possibilité de s’acquitter de cette obligation en versant (en tout ou partie) au Fonds Stratégique de la Forêt et du Bois (FSFB59) une indemnité financière dont le montant est déterminé par les services de l’État. »