Cet article fait partie du dossier La présidentielle française vue de l'étranger

Nous vous invitons à suivre ce dossier qui relatera la perception dans le monde de la campagne présidentielle en France. La campagne trouvera son épilogue les 10 et 24 avril 2022.

Vue d’Espagne : Vents de gauche

Nous vous proposons la traduction de ce texte de l’écrivaine espagnole Elizabeth Duval publié dans le quotidien Público. Elle y présente son avis sur le formidable espoir que pourrait constituer pour la gauche européenne l’union populaire très sensée construite autour de Jean-Luc Mélenchon.

Posons le postulat que l’élection présidentielle française ait renforcé le récit répété à l’envi par la gauche et les médias : même si Le Pen n’a pas gagné, l’extrême droite avance, sans s’arrêter, mais sans se dépêcher, et son nombre de voix semble augmenter inexorablement. La logique (perdante) est donc d’affronter le fascisme pour essayer de l’extirper de la société. Le mouvement (je le répète : perdant) est celui d’une défense constante, une tentative de préserver quelque chose, l’assomption d’une défaite qui oblige la gauche à se préparer à une alternance brutale. Le récit établi était celui d’une histoire fataliste, un discours de terreur. Et aucune issue ne semblait exister, même s’il y avait ceux qui s’épuisaient à dire (moi y compris) qu’une telle direction était une impasse.

Quelques semaines plus tard, les choses ont complètement changé. Plusieurs facteurs modifient ainsi la donne. Beaucoup sont le fruit de la gauche française – mais pas tous. Et tout pourrait changer en fonction du résultat des élections législatives qui auront lieu en France en juin. Premièrement : l’alliance entre les deux forces d’extrême droite semble impossible, se présentant aux élections séparément. Deuxième chose : il ne semble pas que les libéraux macronistes puissent se présenter avec la droite traditionnelle des Républicains. Et le troisième point, et le plus important : l’union impossible de la gauche, du Parti socialiste au Nouveau parti anticapitaliste, avec Mélenchon comme chef de file, semble aujourd’hui une réelle possibilité, presque signée.

Il n’est pas anodin qu’aujourd’hui, en ce début mai, il soit imaginable que Mélenchon devienne le futur Premier ministre de Macron. Et les sondages montrent qu’une telle situation est possible. Par le fonctionnement des élections législatives (avec deux tours), une candidature unie de la gauche française ferait face à de nombreuses triangulaires au second tour, voire des quadrangulaires avec des candidats de droite. Dans de tels cas, leurs chances de multiplier les sièges et d’obtenir une majorité augmenteraient de façon exponentielle au détriment des candidatures plus petites.

Macron ne bénéficie pas aujourd’hui de l’élan qu’il avait en 2017, lorsque son programme promettait des changements et des réformes, alors qu’il venait d’entraîner avec lui une bonne partie des partis traditionnels. Même son propre mouvement semble aujourd’hui sur le point de se briser en mille morceaux. Et voir le candidat de la France insoumise atteindre le poste de Premier ministre et être en mesure de nommer un gouvernement signifierait une transformation radicale de ce qui est imaginable pour la gauche européenne, en particulier pour la gauche espagnole.

Il le ferait avec un programme qui parle de désobéir aux restrictions fiscales et budgétaires de l’Union européenne afin d’appliquer des politiques de gauche, une augmentation du salaire minimum, une nationalisation des secteurs stratégiques. Et il agirait avec un Parti socialiste soutenant toutes ces mesures. La Nouvelle Union populaire propose une union de gauche que l’on n’avait plus vu non pas depuis le programme commun de Mitterrand, mais depuis le Front populaire de 1936… auquel même Olivier Faure, secrétaire général du Parti socialiste fait des références.

Voir Jean-Luc Mélenchon au palais Matignon est important, mais ce n’est pas tout. Il faut également imaginer cette possibilité comme le début d’un changement de cycle (car les changements de cycle, comme toute œuvre de fiction, peuvent être initiés) : le moment est venu pour la gauche européenne de passer de la résistance à l’offensive, d’arrêter de construire en opposition à l’extrême droite, d’arrêter les polémiques stériles et de proposer son propre programme et même un projet pour le pays.

La dynamique électorale pourrait changer radicalement par rapport à ce qui se passera en juin. C’est juste une possibilité. Mais il est nécessaire de garder ceci en tête. L’unité n’est pas du fétichisme ou quelque chose qui améliore les résultats électoraux en toutes circonstances. La nouvelle a récemment été annoncée que Podemos cherchait à construire un « front uni » pour les prochaines élections dans la Communauté autonome de Madrid. Mais un front uni dans une seule circonscription n’est pas la même chose qu’un front uni qui analyse intelligemment ses possibilités dans chaque province ou communauté autonome. Et l’unité pour l’unité, comme on l’a vu en 2016, soustrait parfois plus qu’elle n’ajoute.

La gauche espagnole doit se pencher davantage sur l’élan et l’espoir qui existent aujourd’hui en France plus que sur l’extrapolation de ses méthodes à des contextes avec peu de choses similaires. Une union de toute la gauche, derrière Mélenchon, capable de gagner en France changerait absolument la dynamique électorale de la gauche espagnole. Mais cela ne signifie pas que l’union de la gauche sert à gagner en toute circonstance ou que des fronts unis peuvent devenir des fétiches avec lesquels marchander.

Les négociations ne sont pas encore terminées, mais il se peut que l’espoir vienne en juin depuis l’autre côté des Pyrénées. Dernier point : le second tour des élections législatives françaises aura lieu le même jour que les élections andalouses. Si l’humeur pour nos résultats sera celle de la tristesse et de la désolation, peut-être vaut-il la peine de chercher plus loin pour penser que, même dans un pays avec treize millions de voix à l’extrême droite, la victoire de la gauche est toujours à portée de main. Donnons au temps le temps d’espérer l’espoir.

Lire le texte original dans Público

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Marina Mesure

Syndicalisme international

Marina Mesure is a specialist of social issues. She has worked for several years with organizations defending workers’ rights such as the European Federation of Building and Wood Workers.

She has campaigned against child labor with the International Labor Organization, against social dumping and the criminalization of unionism. As a famous figure in the international trade union world, she considers that the principle of “equal work, equal pay « remain revolutionary: between women and men, between posted and domestic workers, between foreigners and nationals ».

Marina Mesure, especialista en asuntos sociales, ha trabajado durante varios años con organizaciones de derechos de los trabajadores como la Federación Europea de Trabajadores de la Construcción y la Madera.

Llevo varias campañas contra el trabajo infantil con la Organización Internacional del Trabajo, contra el dumping social, y la criminalización del sindicalismo. Es una figura reconocida en el mundo sindical internacional. Considera que el principio de « igual trabajo, igual salario » sigue siendo revolucionario: entre mujeres y hombres, entre trabajadores desplazados y domésticos, entre extranjeros y nacionales « .

Spécialiste des questions sociales, Marina Mesure travaille depuis plusieurs années auprès d’organisations de défense des droits des travailleurs comme la Fédération Européenne des travailleurs du Bâtiment et du Bois.

Elle a mené des campagnes contre le travail des enfants avec l’Organisation internationale du travail, contre le dumping social, la criminalisation du syndicalisme. Figure reconnue dans le monde syndical international, elle considère que le principe de « travail égal, salaire égal » est toujours aussi révolutionnaire : entre les femmes et les hommes, entre les travailleurs détachés et domestiques, entre étrangers et nationaux ».

Sophia Chikirou

Directrice de la publication

Sophia Chikirou is the publisher of Le Monde en commun. Columnist, director of a documentary on the lawfare, she also founded several media such as Le Média TV and the web radio Les Jours Heureux.

Communications advisor and political activist, she has worked and campaigned in several countries. From Ecuador to Spain, via the United States, Mexico, Colombia, but also Mauritania, she has intervened with progressive and humanist movements during presidential or legislative campaigns.

In 2007, she published Ma France laïque (La Martinière Editions).

Sophia Chikirou es directora de la publicación de Le Monde en commun. Columnista, directora de un documental sobre el lawfare, también fundó varios medios de comunicación tal como Le Média TV y la radio web Les Jours Heureux.

Asesora de comunicacion y activista política, ha trabajado y realizado campañas en varios países. Desde Ecuador hasta España, pasando por Estados Unidos, México, Colombia, pero también Mauritania, intervino con movimientos progresistas y humanistas durante campañas presidenciales o legislativas.

En 2007, publicó Ma France laïque por Edicion La Martinière.

Sophia Chikirou est directrice de la publication du Monde en commun. Editorialiste, réalisatrice d’un documentaire sur le lawfare, elle a aussi fondé plusieurs médias comme Le Média TV et la web radio Les Jours Heureux.

Conseillère en communication et militante politique, elle a exercé et milité dans plusieurs pays. De l’Equateur à l’Espagne, en passant par les Etats-Unis, le Mexique, la Colombie, mais aussi la Mauritanie, elle est intervenue auprès de mouvements progressistes et humanistes lors de campagnes présidentielles ou législatives.

En 2007, elle publiait Ma France laïque aux éditions La Martinière.

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