Pas de sourires éclatants, pas de discours emplis d’espoir. C’était comme s’il savait déjà que la célébration apparaîtrait comme déplacée.
Deux mois plus tard, on s’aperçoit que ses fameux instincts politiques étaient à nouveau au rendez-vous.
Il avait raison d’être prudent. Cette victoire était bien un temps fort, mais il a tout de suite compris le message déprimant et implicite qui se cachait derrière : une fois au sommet, il n’y a qu’un seul chemin à suivre, et il se dirige vers le bas.
Le résultat des élections législatives de dimanche confirment que ce second mandat sera une autre paire de manches, M. Macron apparaissant comme un dirigeant coupé net dans sa lancée et fortement affaibli.
Au lieu de pouvoir compter sur (ou plutôt ignorer) une assemblée à sa botte, le président fait désormais face à une Assemblée nationale qui ne peut garantir l’adoption de ses réformes.
Avec une centaine de sièges en moins, disposant uniquement d’une majorité relative (et non plus absolue), le chef de l’État – jadis conquérant – sera contraint de négocier avec l’opposition, notamment avec Les Républicains (LR), parti des conservateurs.
Sur certaines questions, ils coopéreront – par exemple sur la hausse de l’âge de départ à la retraite à 65 ans – mais ce soutien aura un prix. Et en dépendant de LR, il y aura la conséquence inévitable pour le gouvernement soi-disant centriste de M. Macron qui commencera à ressembler de manière déconcertante à un gouvernement de droite.
Même au sein de sa propre coalition, la position du président sera incertaine.
En vertu de la constitution, il ne peut pas exercer un troisième mandat. La guerre de succession est donc ouverte. À un moment donné, l’on peut s’attendre à ce que des alliés comme l’ancien Premier ministre Édouard Philippe, à la tête d’un groupement de députés distinct, commencent les hostilités.
Mais le défi le plus évident viendra d’une opposition nouvellement revigorée. Et pas une opposition conventionnelle, mais une nouvelle coalition de gauche dominée par un contingent de partisans jeunes et radicaux de Jean-Luc Mélenchon, ainsi que d’une cohorte importante d’extrême droite (une surprise de la soirée électorale).
Cette prise en tenaille par les oppositions fera tout pour perturber l’adoption de nouvelles réformes comme l’âge de départ à la retraite, et ils n’hésiteront pas à sortir dans la rue quand il le faudra grâce à cette légitimité nouvellement acquise.
« La France va être très difficile à gouverner », estime Jérôme Fourquet, analyse auprès d’un institut de sondage.
Architecte de ses propres problèmes
Nombreux sont ceux qui pensent que M. Macron a été l’architecte de ses propres problèmes.
Il n’a pas su poursuivre l’impulsion donnée par sa victoire pour la présidence en avril. Impossible donc de faire pression pour l’obtention d’une nouvelle majorité au parlement.
À peine a-t-il semblé faire campagne. Il a attendu des semaines avant de nommer une Première ministre – Élisabeth Borne – dont les talents incontestables ne peuvent masquer sa mauvaise relation avec les électeurs.
Des séquences médiatiques négatives ont émaillé la campagne, comme les accusations de viol visant un ministre ou le fiasco du match de football au Stade de France. Le gouvernement a été accusé de blâmer les supporters de Liverpool afin de détourner l’attention sur la véritable coupable de la soirée, la délinquance locale.
Fourquet estime que cela pourrait bien avoir poussé certains électeurs à choisir le Rassemblement national de Marine Le Pen. Les prévisions les plus optimistes pour le parti attribuaient environ 40 sièges, soit la moitié de ce qu’ils ont réellement remporté.
Ce dimanche 24 avril, au moment d’apprendre qu’il obtenait un second mandat, M. Macron a peut-être ressenti le poids inconfortable de sa position. En tout cas, c’est ce que son discours laissait transparaître.
Oui, il avait gagné cinq ans de plus – mais l’histoire des seconds mandats sous la 5ème République n’a jamais été heureuse. Et oui, il avait une majorité de Français derrière lui – mais c’était plus par rejet de l’autre que par amour pour lui.
C’était comme s’il savait que le meilleur, c’était désormais du passé.